(Montréal) Les particules de micro et nanoplastiques dont l’environnement est inondé pourraient augmenter le risque de souffrir de maladies non transmissibles comme le cancer, le diabète, les troubles cardiovasculaires et les maladies chroniques des poumons, prévient une nouvelle étude internationale à laquelle ont participé deux chercheurs canadiens.

Ces particules ont été détectées dans pratiquement tous les organes du corps humain, du cerveau jusqu’aux organes reproducteurs, mais leur impact sur la santé demeure encore mal compris et doit être étudié plus en profondeur, plaident les auteurs de l’étude.

« Avec cette étude, on lance vraiment un appel à la mobilisation (call to arms), a dit Steve Allen, qui était professeur à l’Université Dalhousie quand il a contribué à ces travaux. On veut attirer l’attention de la communauté médicale. Nous pensons qu’il s’agit d’une question qu’il convient d’examiner du point de vue de la santé humaine. »

Des études ont détecté une association entre l’inflammation et les maladies non transmissibles. Puisqu’on soupçonne que les particules de micro et de nanoplastiques sont vraisemblablement une source d’inflammation, leur présence pourrait augmenter le risque de souffrir de ces maladies.

« Lorsque les particules se déplacent dans l’environnement, le plastique est particulièrement apte à absorber les produits chimiques avec lesquels il entre en contact, et beaucoup d’entre eux sont des produits chimiques hérités (legacy chemicals) que nous aimerions oublier », a rappelé M. Allen, que La Presse Canadienne a rejoint au Laos, où il s’affaire à lancer une nouvelle organisation non gouvernementale pour combattre la pollution par le plastique après avoir quitté son poste à Dalhousie.

Tous ces produits chimiques, a-t-il ajouté, adhèrent très bien au plastique. Et si nous ingérons, inhalons ou absorbons simplement par la peau ces particules contenant ces produits chimiques, elles peuvent se retrouver n’importe où dans notre corps, y compris dans notre cerveau, car elles peuvent traverser la barrière hématoencéphalique.

Il n’y a pas d’endroit dans notre corps où elles ne peuvent pas aller.

Steve Allen, un des chercheurs de cette étude

Les auteurs de l’étude soulignent que la relation entre les particules et les maladies non transmissibles ressemble à celle entre ces maladies et d’autres particules, qu’elles soient d’origine naturelle ou humaine. Dans les deux cas, disent-ils, l’organisme essaie de se défendre face à ces substances étrangères, ce qui augmente le risque d’une réponse immunitaire excessive et désorganisée.

Ces particules sont tellement infimes qu’elles peuvent entrer dans la circulation sanguine (par exemple, en franchissant la barrière intestinale) et se rendre directement aux organes. En plus d’avoir possiblement des propriétés cancérogènes, elles pourraient être une source de stress oxydatif et imiter l’action de certaines hormones.

Remettre le dentifrice dans le tube

M. Allen concède qu’il est maintenant impossible de remettre le dentifrice dans le tube et qu’une exposition aux micro et aux nanoplastiques est tout aussi inévitable qu’impossible à renverser.

Ces particules sont là pour de bon et on peut seulement essayer d’en limiter la quantité, a-t-il dit.

Nous ne connaissons pas encore les effets à long terme. Nous ne savons pas quel est le point de bascule, celui à partir duquel nous ne pourrons plus nous arrêter. Et ce qui m’inquiète, honnêtement, c’est que nous l’avons déjà dépassé. Nous avons tellement de choses dans l’environnement que nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous ne pouvons pas arrêter et ne pas avoir d’effets sur la santé.

Steve Allen, un des chercheurs de cette étude

La situation est d’autant plus préoccupante que des chercheurs ont trouvé, dans les selles de bébés et de bambins, des concentrations de particules de micro et de nanoplastiques de loin supérieures aux concentrations dans les selles adultes. Cela pourrait être dû à l’omniprésence du plastique dans les produits pour enfants ou à la tendance qu’ont les enfants de tout mettre dans leur bouche. On s’inquiète donc des conséquences que pourrait avoir une exposition qui commence aussi tôt dans la vie.

Le moment est maintenant venu pour les spécialistes de l’environnement et les spécialistes de la santé humaine de collaborer pour prendre la pleine mesure du problème, a-t-il ajouté, puisque chacun dispose d’une expertise et d’outils qui font défaut à l’autre.

Et il faudra que ces études soient irréprochables, a dit M. Allen, pour éviter de répéter les erreurs du passé, par exemple lorsque les géants des hydrocarbures ont démoli les conclusions d’études bâclées qui dénonçaient la dangerosité de leurs produits.

« Nous [les auteurs de l’étude] sommes essentiellement des scientifiques de l’environnement, a dit M. Allen en conclusion. On pouvait voir que des liens existaient [avec les maladies non transmissibles]. Ça se peut qu’on se trompe, mais je ne pense pas. Maintenant, on a besoin de l’aide de la communauté médicale. »

Les particules de micro et de nanoplastiques proviennent notamment de la dégradation d’articles de plastique plus gros. La taille des microplastiques va d’un micromètre (soit un millionième de mètre) à environ cinq millimètres. On mesure la taille des nanoplastiques en milliardièmes de mètre. En guise de comparaison, la circonférence d’un cheveu humain est d’environ 70 micromètres.

Les humains sont exposés aux particules de micro et de nanoplastiques dans les environnements extérieurs et intérieurs par le biais des aliments, de la consommation de boissons, de l’air et de nombreuses autres sources, y compris les cosmétiques et les produits de soins.

Ces particules ont été trouvées dans le poisson, le sel, la bière et les boissons en bouteille plastique. On les retrouve aussi dans l’air, où elles sont libérées par les vêtements synthétiques, la literie en tissu plastique pendant le sommeil, les moquettes ou les meubles en plastique. Les engrais, le sol, l’irrigation et l’absorption par les cultures vivrières ou les produits agricoles sont d’autres sources possibles.

On estime que le cancer, le diabète, les troubles cardiovasculaires et les maladies chroniques des poumons causent, ensemble, 71 % des décès qui surviennent chaque année sur la planète.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue Cell Reports Medicine.