Le transporteur exo n’utilise toujours pas son parc de nouveaux trains de banlieue chinois, plus de deux ans après avoir commencé à les recevoir, en raison de problèmes techniques, a appris La Presse.

Le transporteur a reçu 24 voitures de la société d’État CRRC, de Pékin, et en attend 20 autres identiques. Facture totale : plus de 200 millions. Les livraisons se sont faites avec un important retard sur l’échéancier initial.

Au moment des premières livraisons, en février 2022, exo indiquait que la mise en service commencerait « début 2023 », après un an d’intégration. L’échéance a ensuite été régulièrement repoussée. Selon nos informations, les équipes d’experts ont notamment détecté des problèmes de communication entre les voitures. Exo affirme qu’ils ont maintenant été solutionnés.

Le 13 mars dernier, le patron d’exo annonçait dans une rencontre publique que les trains commenceraient à être mis en service « dans les prochaines semaines ». L’organisation dit maintenant espérer pouvoir y accueillir ses premiers passagers « d’ici l’été ».

« Ce sont des problématiques normales que l’on rencontre quand on intègre un nouvel équipement à une flotte déjà existante », a assuré Catherine Maurice, porte-parole d’exo. « On a mal évalué le temps supplémentaire que ça nécessiterait de faire ces tests d’intégration. » Elle a fait valoir qu’une partie de l’intégration aurait dû être faite en Chine, ce qui a été rendu difficile par la pandémie.

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Train d’exo à la gare de triage de Pointe-Saint-Charles

Initialement, les voitures devaient être mises en service à partir de juin 2019. Selon le tableau de bord des infrastructures du Conseil du trésor, la mise en service complète des 24 premières voitures est prévue pour septembre 2027, ce qui représente un retard de sept ans sur les plans initiaux. Chez exo, on fait valoir qu’il s’agit seulement d’une échéance technique, qui marque la fin de ses investissements dans le programme d’acquisition.

CRRC n’a pas rappelé La Presse.

« Problèmes systémiques »

Les trains d’exo sont loin d’être les seuls produits de CRRC à faire la manchette : des sociétés de transports en commun nord-américaines ont connu des problèmes majeurs avec leurs commandes auprès de la société chinoise. L’entreprise avait battu Bombardier Transport (maintenant Alstom) dans beaucoup d’appels d’offres dans les années qui ont précédé la pandémie.

« Il y a des problèmes systémiques », a expliqué Bob Cantwell, spécialiste américain de l’industrie du matériel ferroviaire, qui contribue au média en ligne Railway Age.

Ils ont pris beaucoup trop de contrats, alors qu’ils n’avaient jamais fait des affaires en Amérique du Nord avant.

Bob Cantwell, spécialiste américain de l’industrie du matériel ferroviaire

Le mois dernier, Philadelphie a annulé un contrat de 185 millions US datant de 2017 et pour lequel elle n’avait reçu aucun train. En mars, Boston a accepté d’accorder 275 millions US de plus que prévu à l’entreprise chinoise, en paiements et en annulations de pénalités, dans l’espoir de recevoir ses 404 voitures de métro. Les premières voitures livrées avaient connu des problèmes mécaniques importants, notamment des boulons de frein mal installés et des portes qui pouvaient s’ouvrir en plein déplacement, selon la société de transport local.

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Vue aérienne de la gare de triage d’exo dans Pointe-Saint-Charles

« Ça devient un scénario qui se répète : CRRC fait une soumission avec des prix très bas, mais ils ne sont pas capables de livrer un produit de qualité », a continué M. Cantwell. « Les concurrents ont été sortis du jeu, Bombardier en particulier. »

« Satisfaits de la qualité du produit »

Chez exo, on assure toutefois ne pas être dans le même bateau que les sociétés de transport américaines.

« On est satisfait de la qualité du produit qu’on a en main », a affirmé la porte-parole Catherine Maurice, en entrevue téléphonique. « Il faut quand même rappeler que tout l’équipement critique, entre autres l’équipement de communication, est de l’équipement canadien. »

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Les trains de CRRC sont destinés à la ligne reliant Montréal à Saint-Jérôme.

Les trains sont destinés à la ligne de train de banlieue qui relie Montréal à Saint-Jérôme.

L’expérience client va vraiment être renouvelée. Il y a un confort qui est vraiment à la fine pointe de ce qui se fait dans le monde ferroviaire.

Catherine Maurice, porte-parole d’exo

Cette commande de train a fait l’objet d’un premier appel d’offres en 2015. Bombardier Transport en avait été le seul soumissionnaire, mais son prix était trop élevé au goût de l’Agence métropolitaine de transport (AMT), l’ancêtre d’exo. Le processus avait été redémarré en abaissant le quota minimal de contenu canadien, ce qui avait permis à CRRC de proposer ses trains bien en deçà des estimations des fonctionnaires.

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Exo attend encore 20 voitures de CRRC.

Depuis, CRRC a été montré du doigt par le Pentagone pour ses liens avec l’armée chinoise et pour son utilisation de matériaux possiblement issus du travail des enfants, selon Le Journal de Montréal.

En 2019, le Congrès américain a adopté une loi qui empêche presque systématiquement le recours à CRRC pour des contrats d’infrastructure financés par des fonds fédéraux.

« Il y a des enjeux crédibles de sécurité et d’espionnage liés à l’acquisition de voitures de train d’une compagnie contrôlée par le gouvernement chinois », faisait valoir à l’époque le sénateur Mark R. Warner, qui a proposé le projet de loi. La décision a été prise alors que CRRC se préparait à soumissionner pour obtenir un important contrat pour le métro de Washington.