Une policière noire de la Gendarmerie royale du Canada dit être en « choc post-traumatique » après une intervention « discriminatoire » d’un agent de la police de Montréal. Sans jamais être mise en état d’arrestation, elle dit avoir subi une « clé de bras » et des « violences physiques » injustifiées et réclame 110 198 $.

Ce qu’il faut savoir

Oldrine Jules, une policière noire de la GRC, réclame 110 198 $ au SPVM et à son agent Stéphane Chamberland.

Elle dit avoir subi des violences de la part du policier dans un stationnement alors qu’elle n’était pas en état d’arrestation, en octobre 2023.

La policière juge avoir subi une intervention « inhabituelle et discriminatoire » en raison « de sa race ou de sa couleur ».

En octobre 2023, Oldrine Jules, policière depuis 14 ans à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), faisait un arrêt en voiture dans le stationnement de la Place Versailles, dans l’est de Montréal, pour faire un appel. À la fin de sa conversation cinq minutes plus tard, elle roule vers la sortie du stationnement pour reprendre la rue Sherbrooke et elle remarque une auto-patrouille du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui « entrave la voie », selon la poursuite qu’elle a déposée contre l’organisation.

L’agent en service, Stéphane Chamberland, lui fait signe de faire demi-tour. Oldrine Jules lui explique « qu’elle s’est arrêtée, mais qu’elle souhaite reprendre la route ».

Le policier lui répond alors, « sur un ton irrespectueux et singulier tout en la tutoyant », selon la poursuite, qu’il l’a vue « tenter d’éviter les feux de circulation en passant par le stationnement », une manœuvre interdite.

Oldrine Jules lui demande de lui parler avec respect. « Aweye, tourne là-bas ! », lui répond-il alors. Elle décide de se stationner, puis elle remarque que le policier « laisse passer certaines voitures ».

La policière décide d’aller faire un achat à la Place Versailles.

Des cris et une clé de bras

De retour dix minutes plus tard, elle tente à nouveau de sortir, mais le policier Chamberland ne l’entend pas de cette oreille. Il crie et « lui ordonne de faire demi-tour et de stationner la voiture, ce qu’elle fait ».

Une deuxième auto-patrouille arrive et un autre policier, Marc-André Brault, discute avec lui.

Pour prouver qu’elle avait une raison d’aller à la Place Versailles, Oldrine Jules s’approche et tente de lui montrer sa facture, selon ses dires.

Mais « sans aucun avertissement, le policier Chamberland saisit violemment son bras ». Selon la poursuite, elle « retire son bras vivement » et affirme que son geste « constitue une voie de fait, puisqu’elle n’est pas en état d’arrestation ».

La situation empire : le policier Chamberland « lui fait une clé de bras, en appliquant une grande force ». Oldrine Jules « ressent une grande douleur dans le poignet, ainsi qu’à l’épaule gauche », dit-elle.

Elle mentionne alors au policier Brault à proximité qu’il vient d’être témoin d’une voie de fait ; il répond « qu’il n’a rien vu, qu’il ne s’agit que “d’une chicane de cour d’école” », selon sa poursuite. Il n’intervient pas, alors que Stéphane Chamberland « maintient la pression sur le bras de la demanderesse pour la forcer à marcher jusqu’à sa voiture ».

L’agent projette ensuite Oldrine Jules contre son véhicule, mentionne la requête contre la police de Montréal. « Le policier Chamberland est alors rouge de colère et doit être relevé de ses fonctions par des collègues. »

Elle s’entretient ensuite avec l’agent Brault. Il admet « qu’il n’aurait pas agi » comme son collègue, « mais qu’il considérait que l’évènement était tout simplement un “combat de coqs” », mentionne la requête.

Choc post-traumatique

Stéphane Chamberland a déjà fait face à une poursuite criminelle en 2017, pour une affaire de vol d’essence avec une carte de paiement de la police. Il a plaidé coupable à des accusations de vol, mais a obtenu une absolution inconditionnelle.

Le SPVM n’a pas commenté.

Après son altercation avec lui en octobre, Oldrine Jules affirme avoir reçu un diagnostic de syndrome de choc post-traumatique.

Selon elle, « le policier Chamberland a fait preuve d’un traitement différencié » envers elle « en raison de sa race ou de sa couleur ». Il aurait fait preuve « d’abus d’autorité en ayant recours à une force excessive, inutile et gratuite ».

Une intervention lourde de conséquences, dit-elle, puisqu’elle dit être en arrêt de travail complet depuis novembre à cause de ces évènements.

Oldrine Jules ajoute qu’elle est aussi courtière immobilière, un travail qu’elle n’est plus en mesure d’effectuer non plus.

Selon la poursuite, l’évènement lui a fait revivre « les maintes fois où elle s’est sentie discriminée de la part d’un service de police ». « Ce sentiment est également exacerbé par le fait que, étant donné sa profession, la demanderesse est bien placée pour reconnaître les moments où le travail des policiers s’écarte des normes de prudence et diligence. »

Rectificatif
Une version antérieure de cet article identifiait Steve Guérette comme étant le deuxième policier du SPVM arrivé sur les lieux, conformément à la poursuite consultée au palais de justice. Or ce nom était erroné : il s’agit plutôt de l’argent Marc-André Brault. La requête de la plaignante a été corrigée en ce sens. Nos excuses.