Peu de gens connaissent l’existence du site archéologique Cartier-Roberval. C’est à cet endroit, situé à une vingtaine de minutes du Vieux-Québec, qu’a été fondée la première colonie française d’Amérique au XVIe siècle, bien avant l’arrivée de Samuel de Champlain. Sa visite lève le voile sur un pan méconnu de notre histoire et, en plus, l’accès est gratuit.

(Québec) Le chemin Saint-Louis traverse la haute-ville, des plaines d’Abraham jusqu’à Sainte-Foy. À son extrémité ouest, sur la falaise qui surplombe la baie de Cap-Rouge, se trouvent les vestiges de la première colonie française fondée en 1541 par Jacques Cartier et Jean-François de La Rocque de Roberval.

« Les historiens savaient depuis longtemps que le site existait, mais son emplacement n’avait pas été découvert », explique Nicolas Giroux, conseiller en histoire et patrimoine à la Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ).

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On en sait plus aujourd’hui sur le site archéologique Cartier-Roberval, qui a accueilli la première colonie française en Amérique.

C’est en planifiant le prolongement de la promenade Samuel-De Champlain, en vue des célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec, que le lieu a été localisé en 2005. Les fouilles ont permis de trouver les fondations de bâtiments et des centaines d’artefacts, mais surtout, cette découverte a permis de faire la lumière sur les débuts de la Nouvelle-France.

La colonie n’a pas duré longtemps, seulement deux ans. Mais elle a eu un impact sur le retour des Français. Pour la première fois, on avait un morceau de France en Amérique.

Nicolas Giroux, conseiller en histoire et patrimoine à la CCNQ

La mise en valeur du site archéologique n’a pas été simple. Celui-ci se trouve dans un endroit isolé, situé entre un bois appartenant à la Ville de Québec et le chemin de fer du Canadien National. Il a de plus fallu solidifier la falaise dont l’érosion avait déjà emporté une partie des vestiges.

Près de 20 ans après avoir localisé l’emplacement de ce site historique, la CCNQ y a finalement donné accès au public en juin 2022.

Remettre les pendules à l’heure

  • Les panneaux ont été rédigés en collaboration avec la Nation huronne-wendat.

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    Les panneaux ont été rédigés en collaboration avec la Nation huronne-wendat.

  • On peut en apprendre davantage sur l’histoire du site.

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    On peut en apprendre davantage sur l’histoire du site.

  • Quelques reproductions d’artefacts sont exposées sur le site.

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    Quelques reproductions d’artefacts sont exposées sur le site.

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Au début de la visite, des panneaux rappellent le contexte historique et politique qui a mené à l’implantation de la colonie. On revient sur les voyages de Jacques Cartier et les différents contacts entre les Européens et les Autochtones. Les textes ont été rédigés en collaboration avec la Nation huronne-wendat afin de mettre de l’avant le point de vue de ce peuple sur cette époque.

Le sentier débouche ensuite sur une longue passerelle. Celle-ci surplombe l’emplacement de l’ancienne colonie. À cet endroit, la vue sur la baie de Cap-Rouge, sur le fleuve Saint-Laurent et sur le pont ferroviaire qui enjambe la vallée est imprenable.

  • Le sentier débouche sur une longue passerelle.

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    Le sentier débouche sur une longue passerelle.

  • La passerelle surplombe l’emplacement de l’ancienne colonie.

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    La passerelle surplombe l’emplacement de l’ancienne colonie.

  • Au bout, une vue imprenable sur la baie de Cap-Rouge et le fleuve Saint-Laurent

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    Au bout, une vue imprenable sur la baie de Cap-Rouge et le fleuve Saint-Laurent

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Ce lieu n’a pas été choisi au hasard par les colons.

On est en amont du village de Stadaconé. Ça permet de naviguer vers l’ouest sans rendre de comptes aux Autochtones. C’est stratégique.

Nicolas Giroux, conseiller en histoire et patrimoine à la CCNQ

Cette expédition a en effet été financée par le roi de France dans le but de trouver les trésors du « Royaume du Saguenay ». Pour ce faire, il avait choisi le navigateur expérimenté Jacques Cartier ainsi que le militaire Jean-François de La Rocque de Roberval. Les deux hommes avaient comme mandat d’installer la première colonie en Amérique. Et ils ont réussi.

De 1541 à 1543, plus de 500 personnes ont habité la falaise de Cap-Rouge. « C’est beaucoup plus que les 30 personnes qui ont fondé la ville de Québec en 1608 », souligne l’historien.

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Plus de 500 personnes ont habité la falaise de Cap-Rouge de 1541 à 1543. Les figurines sont la conception collective de Circum Architecture, Daniel Castonguay et Tactile Studio.

Pendant cette courte période, les colons ont bâti une véritable petite cité sur le promontoire naturel de Cap-Rouge. Une maquette posée sur la passerelle permet d’imaginer l’emplacement des anciens bâtiments. Il est également possible de visualiser le village et le paysage de l’époque grâce à une expérience en réalité augmentée accessible par une application sur le site, car aucun vestige n’est visible au sol.

Les restes d’animaux d’élevage, trouvés lors des fouilles, démontrent que la colonie se voulait permanente. Or, le début d’une nouvelle guerre France en 1543 a forcé le roi à mettre fin au projet et à rapatrier les habitants.

La découverte du site permet de remettre les pendules à l’heure. Cette tentative a toujours été décrite comme un échec, mais ce ne l’était pas.

Nicolas Giroux, conseiller en histoire et patrimoine à la CCNQ

Les nombreux artefacts trouvés par les archéologues sont très fragmentés. Selon M. Giroux, ce détail prouve que les colons se sont empressés de partir. Ils n’ont apporté que les objets intacts ou essentiels.

Des reproductions de morceaux de faïence italienne, de céramique iroquoienne ainsi qu’une hache sont exposées sur la passerelle. Les originaux seront présentés à partir du 30 mai au Musée de la civilisation de Québec dans le cadre d’une nouvelle exposition permanente consacrée à la colonie Cartier-Roberval.

Selon l’historien Nicolas Giroux, la découverte de la première colonie française en Amérique a permis de mieux comprendre le mode de vie de l’époque et de rectifier quelques concepts historiques. Par exemple, les morceaux de pyrite et de quartz que Jacques Cartier a présentés en France ne provenaient pas de Cap-Diamant, mais plutôt de la colonie à Cap-Rouge.

« Maintenant qu’on a trouvé ce site, on en sait plus sur le passé, mais on a aussi plus de questions, ajoute-t-il. On n’a jamais retrouvé le deuxième fort de la colonie. On ne sait pas non plus où logeaient les 500 personnes. »

Le site archéologique Cartier-Roberval est surtout fréquenté par les habitants de l’endroit qui viennent admirer la vue. La CCNQ espère cependant que l’exposition permanente du Musée de la civilisation, dans le Vieux-Québec, incitera davantage de touristes à traverser la ville et à se rendre sur place.

Bon à savoir : il n’y a ni banc ni table à pique-nique sur le site archéologique. Pour prolonger sa visite, on peut se rendre dans le parc aménagé par la Ville dans le bois.

Consultez la page du site archéologique Cartier-Roberval