(Val de Loire) Longtemps perçus comme des vins légers et sympathiques – de ceux qu’on sort sans cérémonie à l’apéro et moins pour un accord mets-vins –, les produits de la troisième région viticole de France, après les régions de Bordeaux et de Bourgogne, connaissent depuis quelques années un gain d’estime et de popularité.

Dans le petit village de Chargé, sur les rives de la Loire, plus de 500 ans d’histoire viticole résistent aux siècles et aux tendances. La famille Plou, qui produit de père en fils, y gère son domaine sur les mêmes parcelles fertiles depuis 1508. « J’ai toujours voulu être vigneron. Les racines nous ramènent inévitablement là où on a commencé », philosophe Mathieu Plou, qui dirige ce vignoble avec son frère et son père, et un jour, espère-t-il, avec sa propre descendance.

De 31 hectares de vignes en 1991, Plou & Fils en compte maintenant 108 : un succès que le vigneron attribue à son grand-père qui a eu l’idée d’ouvrir un petit caveau de dégustation sur le bord de la route. La majorité de la production est aujourd’hui destinée à une clientèle de particuliers et 15 % à l’exportation ou à la bistronomie. « On ne fait pas de grandes tables, avoue-t-il. On a plutôt des vins de partage qui sont faciles à boire et qu’on n’hésite pas à sortir pour festoyer. »

Considéré comme l’un des gros producteurs de la région, Plou & Fils produit une trentaine de cuvées différentes – des rouges, des blancs, des rosés et des effervescents – à partir de six principaux cépages, dont les plus représentatifs sont le cabernet franc et le chenin.

Un vin sans prétention

PHOTO ISABELLE MORIN, LA PRESSE

Deux générations de viticulteurs chez Plou & Fils : Mathieu Plou (à droite) et son père Benoist

Les vins de Loire ont fait parler d’eux « normalement, tout le temps », évalue Mathieu Plou. Ces dernières années, on observe toutefois un engouement pour le produit qu’il attribue aux changements climatiques.

Au Sud, que ce soit du côté du Rhône, du Bordelais ou du Languedoc, la sécheresse fait en sorte que les vins sont de plus en plus tanniques et puissants. Quand quelqu’un vient dans la Loire, il veut des vins frais, légers, gouleyants et faciles à boire.

Mathieu Plou

Malgré les bouleversements qui affectent le monde viticole, les vins de la vallée de la Loire tirent leur épingle du jeu avec un produit dont le taux d’alcool tourne encore autour des 12 et 13 % et offert à des prix « raisonnables » qui avoisinent en moyenne les 8 euros, autant d’arguments qui séduisent de plus en plus les consommateurs d’aujourd’hui.

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Sébastien Vaillant, fils, petit-fils et arrière-petit-fils de vignerons valencéens

Plus au sud, à Lye, dans les communes du Berry, Sébastien Vaillant produit un vin de culture biologique. C’est dans la Loge à Perrin, campée au cœur de ses vignes, qu’il nous accueille avec quelques spécialités locales, dont un plat de lentilles du Berry, un fromage de chèvre et des rillettes. Restaurée en 1996, cette cabane du XIXsiècle servait jadis de refuge pour les vignerons et les vendangeurs.

Le réchauffement climatique est une situation que l’on subit tous, dit-il en nuançant : « On n’a plus la fraîcheur qu’on avait, mais davantage que dans d’autres régions. Aujourd’hui, la consommation de vin se fait sur des vins souples avec moins d’acidité, surtout chez les jeunes. Nos vins ont tendance à plaire pour ces raisons. » On ne cherche pas forcément le sucre, dit-il, mais ce qu’on appelle la sucrosité : la rondeur, le « gras » et un côté rafraîchissant qui font qu’on veut bien en reprendre un deuxième ou un troisième verre.

Les nouvelles générations apprécient par ailleurs le blanc, contrairement à la génération précédente qui avait un faible pour le rouge, note-t-il. Les blancs représentent d’ailleurs 44 % de la production de la région, suivis par le rosé (25,2 %), le rouge (18,2 %) et l’effervescent (12,4 %), selon le regroupement des vins du Val de Loire, alors que jusqu’ici, la région se distinguait principalement par ses rouges.

Un avenir à reconstruire

Le vin de Loire a gagné des galons et est monté sur la table du samedi et les repas de prestige avec certains vins de garde comme ceux de Chinon, de Pouilly-sur-Loire, de Bourgueil ou de Vouvray, constate Séverine Beauchet, du caviste Les Belles Caves, à Tours. La région compte aussi sur une offre diversifiée pour séduire les consommateurs.

Malgré des caractéristiques dans l’air du temps, le Val de Loire n’a pas le luxe de s’asseoir sur le succès de son terroir, estiment toutefois les viticulteurs.

On est maintenant contraint de travailler nos vins différemment. Ils ont besoin de plus d’élevage, d’un plus long passage en fût ou en cuve. Pour conserver les mêmes attributs, on est obligé de décaler la mise en bouteille et nos ventes de six mois à un an.

Mathieu Plou

« Comment envisager la suite ? C’est une grande question que tout le monde se pose, poursuit Mathieu Plou. Ce qu’on avait prévu sur 30 ans ou 40 ans s’est fait en 10 ans. C’est beaucoup plus rapide que toutes nos prévisions. »

Une vigne vit entre 60 et 70 ans avec de bons soins, explique-t-il. Devrait-on l’arracher alors qu’elle se porte bien pour en replanter une nouvelle, sans garantie qu’elle sera adaptée au climat dans 40 ans ? Peut-être faut-il changer les cépages ou simplement les porte-greffes, mais que fait-on, dans ce cas, des normes d’appellation ? Arroser permettrait de compenser la sécheresse, mais il est interdit d’arroser sa vigne dans les normes d’AOC (appellation d’origine contrôlée). Par ailleurs, où prend-on l’eau dans un contexte où elle se fait de plus en plus rare ? questionne encore le vigneron. « Des solutions, on en a, mais on n’a pas encore trouvé LA solution », conclut-il.

Ce voyage a été organisé en collaboration avec Atout France. Une partie des frais de ce voyage a été payée par le Comité régional du Tourisme de Val de Loire et Air Canada, qui n’ont exercé aucun droit de regard sur le contenu de ce reportage.

Infos pratiques

La cave de Valençay regroupe plusieurs producteurs de vins AOC situés autour du château de Valençay. Le Domaine Sébastien Vaillant en fait partie. On peut en visiter les caves et les vignes, déguster les différents produits et en faire l’achat. C’est aussi le cas chez Plou & Fils où l’on peut se balader librement dans le vignoble.

Ouvert tous les jours sauf le dimanche pour La Cave de Valençay et sept jours sur sept pour Plou & Fils.

Consultez le site de Plou & Fils Consultez la page de La Cave de Valençay

Multiplier les assemblages

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Les différents sols de la région contribuent à la diversité des vins de Loire.

Le terroir ligérien se distingue par ses cépages – 24 au total, les principaux étant le cabernet franc, le chenin, le sauvignon et le melon de Bourgogne. Cette diversité lui permet de multiplier les assemblages qui s’affirment élégamment sur des terroirs plus connus comme Sancerre, Muscadet, Saumur, Bourgueil, Pouilly et Chinon.

« Ce qui donne leur richesse aux vins français, ce sont les différents terroirs », explique Séverine Beauchet. Or, le Val de Loire possède une diversité de sols qui permet une variété d’expressions de vins sur un même cépage. En sol argilocalcaire, par exemple, le sauvignon aura des notes légères et fraîches d’agrumes. Sur des sols de silex, on obtiendra des arômes exotiques et plus de gras en bouche.

Consultez la route des vins du Val de Loire
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  • 51
    Nombre d’appellations regroupées par le Val de Loire sur 57 100 hectares de vigne inscrits au patrimoine de l’UNESCO