Aaron Brown est un homme nouveau.

Trop longtemps dans sa carrière, le sprinteur canadien de 31 ans a laissé ses pensées affecter ses performances. Le fait d’être quelqu’un qui réfléchit trop [chronic overthinker] comme lui, explique-t-il à La Presse, « peut être un tort ou un superpouvoir ». Pendant de nombreuses années, il avait l’habitude de penser au pire, aux conséquences d’une éventuelle mauvaise performance.

Je pensais à ce qui pouvait mal aller, alors que je dois penser à ce qui peut bien aller. Quand j’ai commencé à penser à tout le positif qui pouvait ressortir d’une situation, ç’a vraiment changé les choses pour moi.

Aaron Brown

Brown est aujourd’hui papa de deux enfants en bas âge qui « se fichent » de la vitesse à laquelle il court. Il a une femme, des parents, des sœurs qui l’aiment « inconditionnellement ». Et des amis qui vont le « soutenir tant qu’[il va] donner son maximum ».

« Tant que je sais que je peux compter sur tout ça, il n’y a pas réellement de fond du baril pour moi. Je vais poursuivre mon rêve et si je ne me rends pas là où je veux me rendre, je peux vivre avec. Tant que j’ai donné un effort honnête. »

Ce changement de mentalité, qui se ressent dans chaque réponse que nous offre l’athlète lors de notre entretien, est survenu lors de sa déconvenue au 100 mètres des Jeux de Rio, en 2016. « Depuis ce moment-là, je me suis juste dit : “Tu sais quoi ? Je me suis déjà planté spectaculairement devant tout le monde aux Olympiques, alors ça ne peut pas être pire que ça.” »

Dans le dernier cycle olympique, Brown a apporté tout un ensemble de « petits ajustements » à ses entraînements, à son hygiène de vie et à ses habitudes. Il a, par exemple, parlé avec des athlètes qui « sont dans une position dans laquelle [il] veut être » afin de comprendre quelle est leur « sauce secrète ».

Il a notamment changé son alimentation. Au moment de notre rencontre, en décembre 2023, l’athlète ne consomme plus de gluten depuis trois semaines.

« J’avais un coéquipier qui disait l’avoir fait et il affirmait qu’il se sentait beaucoup mieux, avec moins de gonflements et tout ça. Ç’a paru dans ses performances. Il se sentait bien, il a réduit les blessures. Si tu peux mieux récupérer, tu as un avantage, alors je vais essayer ça. »

PHOTO LUCY NICHOLSON, ARCHIVES REUTERS

Aaron Brown aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021

Source d’inspiration

Autre aspect intéressant de la nouvelle version d’Aaron Brown : son message sur ses réseaux sociaux. L’Ontarien, suivi par 77 000 personnes sur Instagram, diffuse une quantité remarquable de vidéos de motivation. Il y parle du chemin vers l’excellence, de persévérance, de l’importance de ne pas se plaindre et de continuer de pousser.

« Souvent, quand tu es un jeune athlète, tu penses que c’est facile d’atteindre le sommet, évoque-t-il. Tu vois les gens avoir du succès et tu penses que ça fait juste arriver comme ça, mais c’est tout un processus. J’essaie de redonner et de faire partager mon expérience pour aider les autres athlètes à comprendre que non, ce n’est pas facile. »

Cette façon de faire est aussi, en quelque sorte, une manière pour lui de se responsabiliser parce que, naturellement, « si tu véhicules un message, tu dois le suivre ». C’est la moindre des choses, non ? « Autrement, les gens vont dire que tu es un imposteur. »

Ces publications de motivation, c’est pour me garder honnête, pour me pousser à continuer de faire ce que je dois faire pour me rendre là où je veux me rendre.

Aaron Brown

Brown a aussi été transformé par son nouveau rôle de père. Avec un fils de 3 ans et une fille de 9 mois à la maison, il a désormais une « raison d’être au-delà du sport » qu’il pratique.

« Il y a d’autres couches à qui nous sommes. Quand je sors de piste et que mes chaussures de sport sont dans mon sac, que je retourne à la maison et que je passe la porte, je suis un papa et un mari. Je change de casquette et ça me donne une raison d’être, un espace où je peux être une version différente de moi-même et où je me déconnecte de la pression d’être un athlète de classe mondiale. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Aaron Brown

Pas de jalousie

Il demeure qu’Aaron Brown en est un, athlète de classe mondiale. Il est l’un des hommes les plus rapides au pays. En trois participations aux Jeux olympiques, il a récolté deux médailles, une de bronze en 2016 et une d’argent en 2020, en équipe au relais.

À Paris, il veut « offrir autant de médailles » qu’il le peut au pays. De toute évidence, il aimerait bien ajouter l’or à son palmarès. Dans une épreuve individuelle, peut-être ?

« Je pense que tout ce que j’ai fait dans ma carrière m’a mené à ce moment. Je me sens vraiment fort, je me sens sage, et pourquoi ne pas y aller pour la gloire ? »

Depuis plusieurs années, Brown évolue dans l’ombre de son coéquipier Andre De Grasse, qui a remporté une médaille dans chacune des épreuves olympiques auxquelles il a pris part jusqu’ici dans sa carrière. L’Ontarien, lui, ne s’en fait pas avec ça. Il n’est pas « le genre qui est jaloux ou qui se compare aux autres ».

« Tout le monde a son moment de gloire. Le mien pourrait être à Paris. Quand tu ne captes pas le moment, quelqu’un d’autre le fait.

« En tant qu’humains, nous aspirons tous à être la meilleure version de nous-mêmes. Si j’obtenais cette médaille individuelle, ça démontrerait que tout le travail que j’ai fait pendant toutes ces années, toutes les leçons que j’ai apprises et tout l’entraînement que j’ai fait ont rapporté. »

Qui est Aaron Brown ?

Âge : 32 ans

Lieu de naissance et ville d’attache : Toronto

Palmarès international :

Jeux olympiques
Tokyo 2020 – ARGENT (relais 4x100 m), 6e (200 m)
Rio 2016 – BRONZE (relais 4x100 m), 31e (100 m)
Londres 2012 – 4e en demi-finale (200 m)

Championnats du monde d’athlétisme 2022 – OR (relais 4x100 m), 7e (200 m), 8e (100 m)

Jeux du Commonwealth 2018 – ARGENT (100 m)

Dates de ses compétitions à Paris : Du 1er au 11 août