Pour un athlète amateur, la médaille olympique est la finalité d’un long parcours, la carotte qui pend au bout du bâton des sacrifices. En boxe féminine, les choses sont tout autres. La médaille n’est pas une récompense, mais une quasi-nécessité. Elle dicte l’avenir d’une athlète. « Je trouve ça vraiment dommage », déplore Tammara Thibeault.

« C’est difficile, parce que je dis : je veux gagner une médaille pour moi, pour mon pays, pour mon rêve d’enfance. Mais c’est sûr que derrière ma tête, je me dis : ouin, c’est aussi pour mon travail plus tard. C’est vraiment poche ! », lâche la pugiliste de 27 ans. « Mais c’est le sport qu’on a choisi et c’est inévitable. »

« On verra ce que tu feras aux Jeux » ; combien de fois Tammara Thibeault a-t-elle entendu ce discours ?

Réponse : « Tout le temps. »

C’est la réalité, encore à ce jour, de la boxe féminine. Une réalité qui, fait remarquer la Shawiniganaise, va à l’encontre de la psychologie sportive, qui veut que le résultat soit moins important que le processus.

« La médaille, c’est du prestige. Ça fait en sorte que : regarde, moi, je vaux tant à cause des accomplissements que j’ai faits dans le sport amateur, qui est l’étape précédente. »

« À la limite, c’est comme dire : si tu ne gagnes pas, tu ne vaux pas grand-chose. Mais tout le travail que j’ai mis, toutes les autres choses que j’ai accomplies, elles ne valent rien parce que j’ai perdu un round ? C’est difficile d’accepter ça en tant qu’athlète. »

« C’est choquant »

En tant que femme, Thibeault constate, et vit, souvent les différences entre les sexes dans son sport. « C’est vraiment difficile d’entendre : ce que tu demandes, c’est ce qu’on donnerait à un homme. Pour vrai, c’est choquant », lâche-t-elle.

Pendant longtemps, rappelle-t-elle, les femmes préféraient demeurer en boxe amateur plutôt que de faire le saut chez les professionnelles. Une situation qui « est en train de changer », mais qui « a été la norme ».

Ce n’est pas rentable d’être professionnelles si on n’est pas payées ! Les femmes font plus d’argent chez les amateurs que chez les professionnelles. Pourquoi on irait pro ? Ça devient juste intéressant si ça change réellement nos vies.

Tammara Thibeault

« Un homme peut perdre les Jeux, perdre le premier combat et avoir un bon deal quand même. […] Nous, c’est très difficile et on en a plus à prouver tout le temps. En fait, ça devient fatigant, décourageant. »

Depuis des mois, la Québécoise laisse entendre qu’il ne lui reste plus qu’une case à cocher en boxe amateur : la médaille d’or olympique. Ensuite, ce sera direction pro.

PHOTO UESLEI MARCELINO, ARCHIVES REUTERS

Tammara Thibeault aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021

Lors de notre rencontre au Club de boxe de l’Est, elle est plus nuancée. Quand on lui demande si, dans le cas où elle ne recevrait pas une offre convenable pour passer chez les pros, elle envisagerait de laisser tomber le projet, Thibeault hésite.

« En fait, je n’y ai jamais pensé. […] J’aimerais ça, passer professionnelle, mais il faudrait que ça vaille le coup. Mais j’ai bien d’autres atouts dans la vie pour dire : regarde, ciao bye ! Je m’en vais faire une maîtrise, j’ai une éducation. »

Prête pour tout

Entendons-nous bien : Tammara Thibeault aimerait un changement de routine, de nouveaux défis. Elle veut boxer chez les pros. Mais elle n’est pas non plus fermée à l’idée de revenir pour les prochains Jeux olympiques d’été, à Los Angeles. Autrement dit, l’après-Paris demeure flou.

De toute façon, c’est vers la capitale française que son regard est tourné actuellement. La pugiliste perçoit ces Jeux comme son « moment », tout en gardant en tête le processus avant le résultat – même si elle sait très bien que le résultat pourrait changer sa vie.

Je pourrais perdre, mais avoir des performances de fou, donner un spectacle, démontrer tous les atouts et habiletés que j’ai. Au bout du compte, le résultat, c’est le résultat. Pour moi, ce qui est important, que ce soit dans ma carrière amateur ou professionnelle, c’est de tout laisser et d’avoir performé le mieux que je pouvais à ce moment-là.

Tammara Thibeault

« C’est sûr que, la médaille d’or au cou, c’est plus important d’un point de vue financier, mais je pense que l’impression que je donne aux Jeux va faire une différence. »

Elle est prête. Prête « pour tout, pour tout le monde, n’importe quand ».

Qui est Tammara Thibeault ?

Âge : 27 ans
Lieu de naissance : Saint-Georges, Québec
Ville d’attache : Shawinigan, Québec

Derniers palmarès internationaux :
Jeux olympiques Tokyo 2020 – 5e (75 kg)
Jeux panaméricains 2023 – OR
Jeux du Commonwealth 2022 – OR (75 kg)
Championnats du monde de l’IBA 2022 – OR (75 kg)

Dates des compétitions : Du 27 juillet au 10 août