Tandis que le hockey québécois s’est fait très discret au repêchage de la LNH à Las Vegas, l’athlétisme québécois confirme sa renaissance aux Essais canadiens, qui se terminent dimanche au complexe sportif Claude-Robillard, à Montréal.

Athlétisme Canada (AC) n’annoncera la composition de son équipe que mardi, en conjonction avec le Comité olympique canadien (COC). Quelques noms pourraient être ajoutés le 7 juillet en vertu de la réallocation des quotas restants par World Athletics (WA), la fédération internationale.

Or, il est déjà acquis que la représentation québécoise sera largement supérieure à celle des cinq éditions précédentes des JO, se rapprochant de la belle époque de Bruny Surin et de la demi-douzaine de représentants de la province à Atlanta en 1996.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Jean-Simon Desgagnés, jeudi, lors du 3000 m steeple

Les places d’Audrey Leduc (100, 200, 4 x 200 m), Charles Philibert-Thiboutot (1500 m) et Jean-Simon Desgagnés (3000 m steeple) sont assurées ou presque. La jeune Marie-Éloïse Leclair semble avoir cimenté son poste pour le relais 4 x 100 m avec sa médaille de bronze vendredi soir.

Toujours 41e sur 42 au classement mondial du 5000 m de WA, Thomas Fafard attend anxieusement la fermeture de la fenêtre de qualification, dimanche à 18 h (HAE). Sa position n’a pas été menacée depuis sa médaille d’argent jeudi soir.

Les championnats de Suisse et d’Allemagne se sont déroulés vendredi sans que ses poursuivants puissent améliorer leur sort.

« Je ne veux pas célébrer d’avance, me dire que c’est dans la poche, mais on est plus proche d’être sélectionné qu’on l’était », s’est réjoui le coureur de Repentigny, qui n’aime pas trop entendre parler des projets de voyage de sa famille dans la Ville Lumière…

Une revanche à prendre

Simone Plourde en est une autre qui cogne à la porte. La Montréalaise de 23 ans occupe le 40e rang pour 45 places disponibles à Paris. Sous la pluie, des conditions qui lui plaisent, elle a facilement assuré son billet en finale en remportant sa vague demi-finale en 4 min 15,66 s, samedi soir.

Stressée ? « Un petit peu, mais je me dis que je suis en position pour me qualifier », a souligné la seule Canadienne du Nike Union Athletics Club, établi en Oregon. « Ce n’est pas comme si je n’étais pas classée. On continue à faire ce qu’on a fait toute la saison et ça devrait être correct. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Simone Plourde lors de la demi-finale du 1500 m

En finale, dimanche midi, Plourde tentera de décrocher un premier titre national. Sa principale rivale sera l’Ontarienne Lucia Stafford, détentrice du standard olympique et première de la deuxième vague devant Florence Caron. Jessy Lacourse, du club de l’Université Laval (UL), sera également de la partie.

Philibert-Thiboutot a lui aussi dominé sans souffrir sa demi-finale du 1500 m, se chargeant d’animer la foule après avoir coupé la ligne en 3 min 41,45 s.

Le demi-fondeur de 33 ans est déterminé à venger sa deuxième place de l’an dernier derrière le Britanno-Colombien Kiran Lumb, meneur de l’autre demi-finale en 3 min 42,45 s.

Aiyanna Stiverne est une autre candidate pour les JO au relais 4 x 400 m, avec qui elle a remporté le bronze aux derniers World Relays, le mois dernier. La native de Miami est dirigée par le Lavallois Ronald Morency et représente le club Saint-Laurent Sélect. Qualifiée de justesse pour la finale la veille, elle a sauvé les meubles en finissant sixième de la finale, samedi soir. Manifestement insatisfaite, elle a refusé d’accorder une entrevue après sa course. Peut-être est-elle inquiète de son statut pour les JO ?

Lapointe, un « moteur »

Fafard rêve d’accompagner Philibert-Thiboutot à Paris avec Desgagnés, l’autre membre du trio dynamique de Québec. Leur entraîneur Félix-Antoine Lapointe a été un « moteur » incontournable de la résurgence de l’athlétisme dans la province, a souligné Robert Demers, directeur général de la Fédération québécoise d’athlétisme (FQA) depuis août 2023.

Ex-pilote du Rouge et Or de l’UL, Lapointe est devenu en 2018 le premier entraîneur-chef des équipes du Québec et du Centre provincial d’excellence installé au PEPS et spécialisé dans les épreuves d’endurance.

Cette nomination était une pièce maîtresse du plan stratégique de la FQA qui visait entre autres à améliorer la représentation québécoise sur la scène internationale.

« Ç’a attiré tout le monde du demi-fond là-bas, a expliqué Demers. Cet encadrement additionnel, qui n’est pas nécessairement disponible dans les clubs et les équipes universitaires, permet de passer à un autre niveau. Ça a eu un effet d’émulation et montré que c’était possible de rivaliser et de gagner des championnats universitaires chez les hommes, par exemple. »

Cette initiative a été rendue possible grâce à un partenariat avec l’UL, Excellence sportive Québec Lévis et Athlétisme Canada, dont la haute direction cherchait une façon de bonifier la représentation québécoise dans ses programmes.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Robert Demers, directeur général de la Fédération québécoise d’athlétisme

« Ils trouvaient totalement anormale la faible présence des Québécois dans l’équipe nationale », a rappelé Demers, qui était vice-président du C.A. de la fédération canadienne à l’époque.

Tu as à peu près 25 % de la population, il y a du talent. Si on réussit à tirer profit de ce talent et à augmenter la participation, l’équipe canadienne est meilleure. On se disait : il faut être capable d’exploiter ça. Ils nous ont demandé nos principaux besoins. Le premier était de créer un poste d’entraîneur-chef.

Robert Demers, directeur général de la Fédération québécoise d’athlétisme

En 2021, le marcheur Mathieu Bilodeau était l’unique représentant fleurdelisé à Tokyo. « On va attendre le chiffre exact mardi, mais que ce soit six ou sept pour Paris, c’est une grosse progression, a acquiescé Félix-Antoine Lapointe samedi. C’est une grande fierté. »

Le fait qu’une majorité de ces athlètes s’entraînent dans la province est un autre facteur de satisfaction pour l’entraîneur.

« Ça démontre que notre impact n’est pas minime. Même quand ils s’exilent et vont dans la NCAA ou ailleurs, on peut se dire qu’on a eu un impact dans leur développement quand ils étaient jeunes. Nos initiatives rapportent. Il n’y a jamais de garantie dans le sport de haut niveau. Tu peux investir des ressources sur des coachs, des équipes de soutien, il n’y a jamais la certitude que ça produira des olympiens. Le milieu est compétitif. »

Cette masse critique d’athlètes de pointe contribue à solidifier l’expertise de tous les intervenants qui gravitent autour, a insisté Lapointe.

Ça va augmenter les chances de reproduire ça dans les prochaines années. Ça inspire également la prochaine génération. Un bon jeune junior de 18, 19, 20 ans, qui voit des Québécois qui vont aux Jeux, ça veut dire : moi aussi, je peux y arriver.

Félix-Antoine Lapointe, entraîneur-chef des équipes du Québec

À l’automne 2022, la création d’un centre de haute performance d’AC axé sur les sprints, à Montréal, a été un autre accélérateur dont Audrey Leduc a profité. Fabrice Akué, qui la dirigeait à l’UL, en est l’entraîneur-chef.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Audrey Leduc

« La particularité du fait français a été considérée par [le directeur de la haute performance] Simon Nathan, a mentionné Robert Demers. On s’est dit que le monde ne va pas nécessairement au pôle de Toronto pour le sprint ou à Victoria pour le demi-fond. Ça mettait un peu des limites pour ceux qui avaient une certaine réserve à aller là-bas. »

La FQA ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Elle installera donc des pôles de développement avec des entraîneurs provinciaux dédiés pour les épreuves combinées à Sherbrooke, les sauts et les haies à Montréal et les lancers à Québec. De nouveaux agents de développement régionaux ont aussi le mandat d’appuyer les intervenants locaux pour aider les clubs ou en créer de nouveaux et donner une impulsion à la construction et l’aménagement de plateaux.

En vertu du plan stratégique 2020-2025, la FQA visait quatre représentants à Paris cet été. Si tout se passe bien, ils seront sept dans un mois à Paris, une cuvée presque inespérée au début de l’année.

« À cette époque, si on en avait eu six, j’aurais été bien content, a admis le DG Demers. Ce n’est pas un grand nombre, mais quand tu n’en as déjà pas beaucoup, ça fait une grosse augmentation ! Ultimement, on aspire à avoir une représentation équivalente à notre poids démographique. »

Thomas Fafard est bien d’accord. « Ça s’en vient pas pire, mais il ne faut pas se contenter de ça. On rééquilibre les choses par rapport à ce qu’on avait avant. C’est un peu la moindre des choses qu’on ait une représentation sur la scène internationale. »

Sept athlètes québécois qualifiés ou en voie de l’être pour Paris

  • Jean-Simon Desgagnés (3000 m steeple)
  • Thomas Fafard (5000 m*)
  • Marie-Éloïse Leclair (4 x 100 m*)
  • Audrey Leduc (100, 4 x 100, 200 m*)
  • Charles Philibert-Thiboutot (1500 m)
  • Simone Plourde (1500 m*)
  • Aiyanna Stiverne (relais 4 x 400 m*)

* Ces athlètes doivent attendre l’annonce de l’équipe olympique par Athlétisme Canada le 2 juillet.