Ajoutez Andre De Grasse à la liste des admirateurs d’Audrey Leduc. Le médaillé d’or olympique du 200 m est impressionné par l’évolution fulgurante de la nouvelle détentrice des records canadiens du 100 m et du 200 m.

« Je l’ai rencontrée cette année seulement », a raconté De Grasse après s’être adonné à une séance de signature d’autographes avec la vedette locale, mercredi midi, quelques heures avant l’ouverture des Essais olympiques et paralympiques d’athlétisme au complexe sportif Claude-Robillard, à Montréal.

« J’ai vu qu’elle a réalisé un temps incroyable à LSU [en Louisiane] en avril. Elle progresse très bien. Je suis content pour elle. »

Le sextuple médaillé olympique a pu côtoyer Leduc de plus près dans le cadre des World Relays, le mois dernier aux Bahamas, où les deux sprinteurs ont mené leur pays à une qualification au relais 4 X 100 m pour Paris.

« Nous n’avions pas réussi cela depuis 2016 du côté féminin, c’est donc incroyable de voir sa progression et ce qu’elle a accompli, a rappelé De Grasse. Elle est de Montréal, elle a le soutien du public. J’ai hâte de la voir réaliser quelque chose de spécial vendredi ! »

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Audrey Leduc lors du point de presse avant l’ouverture des Essais olympiques et paralympiques d’athlétisme, à Montréal

De Grasse a lui-même une idée assez précise de ce qu’il veut réussir sur la ligne droite rapiécée de Claude-Robillard, après la catastrophe de la semaine dernière qui a forcé la relocalisation de la Classique de Montréal à Saint-Laurent, à 24 heures d’avis.

L’Ontarien de 29 ans souhaite évidemment l’emporter et repasser sous la barre des 10 secondes, comme il l’avait fait à sa dernière visite à Montréal en 2019, alors qu’il avait arrêté le chrono à 9,98 s en demi-finale. Il avait toutefois été battu par Aaron Brown à la photo d’arrivée en finale.

Je veux vraiment bien courir ici. Je n’ai pas souvent l’occasion de compétitionner sur mes terres devant mon public. […] Cela me motive toujours de revenir, de voir la foule et de faire une bonne performance pour elle. Je souhaite donc donner le meilleur de moi-même.

Andre De Grasse

Auteur du standard olympique de 10,00 s la semaine dernière en Finlande, De Grasse convient que la profondeur du 100 m au Canada est inégalée depuis son émergence en 2015. Sept sprinteurs sont inscrits en 10,10 s ou moins.

« Tout le monde court très vite. Nous avons beaucoup de gars de 10,00 s qui veulent une place dans l’équipe et qui veulent aussi concourir pour une médaille au relais. Il y en a six ou sept cette année. Dans le passé, c’était seulement trois gars qui couraient vraiment bien. Tout le monde progresse, développe bien son talent, surtout en trouvant des entraîneurs avec lesquels ils veulent travailler. »

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Andre De Grasse

De Grasse a pour sa part retrouvé Rana Reider à Jacksonville, en Floride, après une saison sous la houlette de l’Irlandais John Coghlan, avec qui il a mis du temps avant de trouver ses marques l’an dernier. Le sprinteur canadien avait quitté Reider après le lancement d’une enquête d’inconduite sexuelle qui a valu à l’entraîneur américain une année de probation.

Toujours à la recherche d’un premier chrono sous les 10 secondes depuis septembre 2021, dans la foulée des JO de Tokyo, De Grasse met actuellement l’accent sur la vitesse pure. À Montréal, il ne s’alignera donc que sur 100 m samedi, préférant passer son tour au 200 m dimanche. Il renouera avec l’épreuve en compétition internationale avant les JO.

« Je veux me concentrer sur le travail de 100 m et mon départ. C’est notre objectif, mon entraîneur et moi. Si je retrouve ma vitesse, le 200 m deviendra beaucoup plus facile. »

Je sais que j’ai l’endurance nécessaire, mais maintenant, je dois vraiment améliorer ce départ. Beaucoup de gars ici ont un excellent départ, notamment les relayeurs et quelques autres gars. Je pourrai donc me tester vendredi soir et voir où j’en suis.

Andre De Grasse

Enfin en santé après avoir été ralenti par la COVID-19 et une blessure à un orteil en 2022, De Grasse se sent « [lui]-même à nouveau ».

« Statistiquement parlant, en regardant mes temps à l’entraînement et en étant en bonne santé, je pense que c’était le principal. Les dernières années, j’ai dû faire face à quelques blessures, mais cette année, j’ai pu commencer avec une base et des entraînements solides. Ma forme physique revient à ce que j’espérais. Je suis impatient de passer à travers les rondes et de me préparer à refaire le doublé [à Paris]. »

Un autre record pour Leduc ?

De son côté, Leduc visera le doublé 100-200 sur l’anneau sur lequel elle court presque quotidiennement. Auteure de son deuxième temps à vie la semaine dernière à Saint-Laurent (11,00 s), elle avait déclaré forfait pour la finale par mesure de prudence. Elle avait senti une gêne à l’entraînement deux jours plus tôt, un souci physique qu’elle assure avoir mis derrière elle.

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Audrey Leduc

La sprinteuse de Gatineau s’attend donc à courir plus vite vendredi – et idéalement à améliorer sa marque nationale de 10,96 s établie en Louisiane le 20 avril.

J’ai vraiment hâte de pouvoir compétitionner devant ma famille et mes amis, et de pouvoir montrer le sprint aux Québécois. On est capables aussi [d’être rapides] au Québec, au Canada. Juste de pouvoir faire vivre cette expérience à tout le monde. Je veux me surpasser sur cette piste.

Audrey Leduc

Un tantinet intimidée avant sa première mêlée de presse à vie, Leduc a effectué sa séance de signatures au côté de De Grasse comme si de rien n’était.

Ressent-elle de la pression à titre de double favorite ? Elle hausse les épaules. À sa première participation chez les seniors en 2019, elle avait atteint la finale au même endroit.

« C’est encore plus spécial d’être la favorite devant ma famille », a-t-elle reconnu avant de préciser : « La pression, je me la mets moi-même. Je ne me concentre pas sur celle que les gens pourraient me mettre. Quand j’embarque sur la piste, mon but est d’aller exécuter, de courir le plus vite possible et de finir première. Ça a toujours été ça, l’objectif d’une compétition ; ce le sera encore une fois en fin de semaine. »

Andre De Grasse n’aurait pas mieux dit.

La renaissance de Philibert-Thiboutot

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Charles Philibert-Thiboutot

Laissé pour compte financièrement par Athlétisme Canada après avoir raté de justesse les JO de Tokyo, Charles Philibert-Thiboutot revient par la grande porte pour ces Essais olympiques.

Le coureur de Québec figurait parmi les invités d’honneur de la conférence de presse d’ouverture, au côté de De Grasse, Leduc, l’espoir paralympique Bianca Borgella, le médaillé d’or paralympique du poids Greg Stewart et la jeune sensation Christopher Morales Williams, champion de la NCAA à 19 ans seulement et meneur mondial du 400 m.

« Ça a probablement été l’une des périodes les plus difficiles de ma vie de ne pas me qualifier pour Tokyo », a rappelé le spécialiste du 1500 m, qui avait lutté contre des bourrasques de 70 km/h pour tenter en vain d’inscrire le minima olympique lors des Essais de 2021 qui s’étaient tenus à huis clos à Claude-Robillard.

« On revient ici trois ans plus tard et j’ai l’impression d’avoir une autre vie complètement. J’ai le standard en poche, je me sens vraiment en forme et j’ai eu beaucoup de chance avec un entraînement ininterrompu ces derniers mois. J’ai beaucoup de soutien des gens d’ici qui viendront apprécier les championnats en fin de semaine. En tout et pour tout, ce ne pourrait être plus différent que ce que j’ai vécu en 2021. Au niveau psychologique, c’est très plaisant d’être dans cette situation. »

« Prêt à toutes les éventualités », Philibert-Thiboutot cherche à reconquérir un titre national qui lui avait échappé l’an dernier.