(Pékin) La Chine enverra aux Jeux olympiques de Paris cet été 11 nageurs contrôlés positifs en 2021 à une substance interdite et blanchis, selon une liste officielle, une affaire qui provoque d’importants remous depuis quelques mois.

Le quotidien américain New York Times et la chaîne allemande ARD ont rapporté en avril que 23 nageurs chinois avaient été contrôlés positifs à la trimétazidine-substance qui peut améliorer les performances.

Ils n’ont pas été sanctionnés, l’Agence mondiale antidopage (AMA) ayant conclu à l’époque qu’ils n’étaient pas dopés, mais avaient été victimes d’une contamination alimentaire et que les taux très bas de cette substance retrouvés dans les échantillons d’urine semblaient incompatibles avec une prise intentionnelle.

Mais, dans la foulée des révélations du New York Times et de l’ARD, l’agence antidopage américaine (USADA) a évoqué un « maquillage au plus haut niveau de l’AMA », qui aurait « mis ces cas positifs sous le tapis ».

L’instance internationale, fortement secouée depuis le début de l’affaire, a répliqué en accusant l’USADA, virulente dans ce dossier, de « mensonges » et de tenir des propos « motivés politiquement » pour « affaiblir le travail de l’AMA ».

Plusieurs de ces sportifs chinois contrôlés positifs en 2021 ont ensuite remporté des médailles lors des JO de Tokyo. Et 11 font donc partie des nageurs sélectionnés pour participer aux Jeux de Paris (26 juillet–11 août), selon la liste publiée mardi par l’Association chinoise de natation, l’organisme étatique chargé de ce sport.

Parmi eux figurent la nageuse star Zhang Yufei, spécialiste du papillon, qui a remporté deux médailles d’or à Tokyo, ou encore Wang Shun, champion olympique du 200 m quatre nages.

Interdite depuis 2014

Les accusations de l’USADA interviennent sur fond de rivalité sino-américaine sur un grand nombre de sujets diplomatiques, politiques ou encore commerciaux.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Wang Shun

Une commission du Congrès américain a demandé fin mai au Département américain de la Justice et à la police fédérale (FBI) d’enquêter sur les nageurs chinois contrôlés positifs.

Pour faire taire les critiques, l’AMA a désigné le 25 avril un procureur indépendant afin d’examiner sa gestion du dossier. L’Agence chinoise antidopage (CHINADA) a promis de « coopérer activement ».

Interrogé mercredi sur la date de cet audit, le ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas donné de calendrier, mais assuré avoir une « tolérance zéro à l’égard du dopage ».

La Chine « a toujours résolument préservé la santé physique et mentale des athlètes, l’équité des compétitions sportives et a apporté des contributions positives à la lutte mondiale antidopage », a ajouté Lin Jian, porte-parole du ministère.

La trimétazidine est interdite pour les sportifs depuis 2014 au motif qu’elle peut améliorer la circulation sanguine.

Selon l’AMA, entre le 1er et le 3 janvier 2021, l’agence CHINADA a prélevé 60 échantillons d’urine sur des nageurs chinois lors d’une compétition nationale, qui n’était pas qualificative pour les JO de Tokyo.

Au total, 28 résultats se sont révélés positifs à la trimétazidine (TMZ), impliquant 23 nageurs différents, certains d’entre eux ayant été déclarés positifs plusieurs fois durant la période.

« Il y a de fortes raisons de penser que cela pourrait être un cas de contamination collective », a conclu l’AMA après une enquête de CHINADA.

« Dégoûté »

L’AMA est arrivée à cette conclusion notamment, car « tous les échantillons ont été déclarés positifs en même temps à la TMZ à des niveaux constamment très bas », et les sportifs en question séjournaient au même endroit – sous-entendu semblent avoir consommé la même nourriture.  

« Pour plusieurs nageurs, les résultats sont passés de négatifs à positifs en l’espace de quelques heures, ce qui n’est pas compatible avec un scénario de dopage par ingestion délibérée ou par microdose », selon l’AMA.

La technique de microdose consiste pour un sportif dopé à prendre des doses très faibles pour passer en dessous des radars.

Le Canadien Richard Pound, ex-président de l’AMA, s’était dit fin mai « fort déçu et dégoûté par les mensonges et les distorsions menées par l’USADA ».  

« L’USADA est financée par le gouvernement américain et ce gouvernement a actuellement une relation froide avec le gouvernement chinois. Est-ce qu’il pourrait y avoir un lien ? », s’est-il interrogé.  

L’AMA, basée à Montréal, est financée pour moitié par le Comité international olympique (CIO).