Quatre coureurs québécois sont en voie de se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris. Si tout se passe bien, un, deux ou même trois pourraient s’ajouter d’ici la date butoir du 30 juin.

À Tokyo, en 2021, le marcheur Mathieu Bilodeau était l’unique représentant québécois dans l’équipe canadienne.

Est-ce dire que l’athlétisme québécois est au cœur d’une révolution ? a demandé un collègue, mardi après-midi, lors d’une conférence de presse assurant la promotion de la Classique d’athlétisme de Montréal, présentée vendredi soir au complexe sportif Claude-Robillard.

« Je pense plutôt qu’on est en train de rééquilibrer les pendules », a répondu Jean-Simon Desgagnés.

Il y a eu un creux dans l’athlétisme québécois ces cinq ou dix dernières années. Là, on est un peu en train de remettre les proportions de façon plus adéquate et d’essayer de mettre plus de membres dans les équipes nationales. Peut-être une petite révolution. On a les infrastructures pour ça au Québec.

Jean-Simon Desgagnés

Desgagnés, 25 ans, y participe à sa manière. L’étudiant en médecine à l’Université Laval a fait écarquiller les yeux en terminant 8e du 3000 m steeple aux Championnats du monde de Budapest, l’été dernier. S’estimant en meilleure forme qu’un an plus tôt, le natif de Saint-Ferréol-les-Neiges vise aussi bien, sinon mieux, à ses premiers Jeux à Paris.

À la Classique, Desgagnés s’alignera sur le 1500 m pour tester ses réflexes dans le peloton et sa pointe de vitesse en prévision des Essais olympiques canadiens qui se dérouleront sur la même piste, la semaine prochaine.

Garder la flamme en vie

Lui-même spécialiste de 1500 m, Charles Philibert-Thiboutot s’élancera pour sa part dans le 1000 m « premium », où il tentera d’améliorer son propre record provincial.

PHOTO YVES BOISVERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le coureur Charles Philibert-Thiboutot

« C’est vraiment plaisant de voir qu’à quatre comme ça, on crée un tel engouement, s’est d’abord réjoui le demi-fondeur. Il y a beaucoup d’espoir de voir les Québécois faire un grand retour en athlétisme. Mais il faut se rappeler que ça ne prend pas grand-chose pour que ce chiffre passe à 1 ou 2 ou 5 ou 6. »

Demi-finaliste à Rio de Janeiro en 2016, l’athlète de 33 ans s’est souvenu des ennuis de santé et de quelques malchances qui lui avaient fait rater sa qualification en 2021. Il avait réussi le standard une semaine après le couperet. Un autre Québécois, William Paulsen, avait échoué par quelques centièmes.

Philibert-Thiboutot, qui a rebondi avec un record personnel, un standard olympique et une médaille d’or aux Jeux panaméricains l’an dernier, est donc pleinement conscient de la fragilité de ces succès.

« En 2021, c’était très sec au niveau québécois pour les Jeux. Ce qui se passe présentement, c’est vraiment le fun, mais il faut se rappeler que c’est assez précaire. Si on est capables d’aligner une présence comme on a [actuellement], de quatre athlètes ou plus sur quelques années, aux Mondiaux l’an prochain et que ce soit constant jusqu’en 2028, on sera alors sur la bonne voie pour avoir une équipe plus représentative aux prochains Jeux olympiques. »

À ses yeux, l’organisation d’évènements comme la Classique de Montréal est essentielle pour garder la flamme en vie.

« À l’époque où j’étais qualifié pour Rio, je me rappelle qu’au 5 km de Dollard-des-Ormeaux, il y avait un jeune comme Thomas Fafard. Il avait peut-être 15-16 ans à l’époque, et là, il est tout proche de se qualifier [pour Paris] au 5000 m. On ne sait pas trop l’impact que peuvent avoir des athlètes de haut niveau sur une jeunesse locale. »

Une chose est sûre, si on crée des évènements locaux, où il y a une forme de contact, ça aide à pousser la jeunesse vers le haut et à l’inspirer.

Charles Philibert-Thiboutot

Philibert-Thiboutot a cité en exemple les Jeux Bislett d’Oslo, une rencontre du circuit de la Ligue de diamant où le champion olympique Jakob Ingebrigtsen a l’habitude de briller.

« On entend qu’après, il y a des centaines de mini-Jakob qui, un peu partout au pays, courent des temps de malade sur des distances de 5 km, 10 km, à l’âge de 12-13 ans. C’est un peu indéniable que les sports de haut niveau ont ce genre d’influence sur la jeunesse. Une compétition comme la Classique de Montréal est vraiment déterminante dans la création de talents. »

« On veut donner un bon show »

Fidèle de la Classique depuis sa victoire en 2019, Audrey Leduc n’a plus besoin de présentation depuis ses succès fulgurants en 2024.

Non seulement la sprinteuse de 25 ans a pratiquement assuré sa sélection pour Paris, elle a également effacé les records canadiens des 100 m et 200 m. Les deux 100 m de vendredi (il y aura des demi-finales) seront une autre occasion d’appuyer la pédale au fond pour celle qui s’entraîne à Claude-Robillard.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

La sprinteuse Audrey Leduc

« C’est l’année olympique, on voit de belles performances des Québécois et ça passe dans les médias, a noté l’athlète de Gatineau. Ça crée un engouement. Mon objectif est donc d’aller sur la piste et de courir le plus vite possible. On veut donner un bon show en ce qui concerne les sprints. »

De son côté, Simone Plourde tentera de sécuriser sa place au 1500 m à Paris, elle qui pointe au 40rang du classement de World Athletics pour un maximum de 45 inscrites.

« Si je réussis à bien me classer, ça va me permettre d’aller chercher ces points-là qui sont cruciaux […] pour assurer ma qualification », a expliqué la représentante du Nike Union Athletics Club, en Oregon. « C’est un très gros avantage d’être en mesure de faire ça à la maison à Montréal. »

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Simone Plourde

Vendredi, Simone Plourde pourra compter sur un lièvre qui lancera l’épreuve sur des bases de 4 min 4 s, 4 min 5 s. Selon le scénario, la coureuse de 23 ans voudra faire mieux que son record provincial de 4 min 5,92 s réalisé à Los Angeles le mois dernier. La présence de la Néo-Zélandaise Kimberly May, vice-championne de la NCAA, pourrait être un autre atout. À noter la participation de l’Ontarienne Gabriela DeBues-Stafford, 5e à Tokyo, qui tente de retrouver la forme après avoir été ralentie par une blessure.

Laurent Godbout, directeur de la Classique, se réjouit de l’engagement des athlètes québécois, rappelant à quel point les finances de la rencontre, qui jouit de la certification « bronze » du circuit continental de World Athletics, sont, elles aussi, « précaires ». Il a souligné le « soutien inconditionnel » d’Athlétisme Québec et d’Athlétisme Canada, de même que celui de « loyaux » commanditaires. « Ça contraste pas mal avec Sport Canada », a-t-il asséné avant la conclusion de la séance virtuelle.