« On a besoin de gars qui sont prêts à planter des arbres même s’ils savent qu’ils ne vont jamais profiter de l’ombre. »

Martin St-Louis avait ému le Québec en entier en 2022 avec sa métaphore au sujet de Jake Allen.

On exagère un brin, mais il reste que l’image était forte. Autrement dit, là où en était le Canadien dans sa reconstruction, des vétérans allaient forcément devoir donner un coup de pouce pour former la relève, tout en sachant très bien qu’ils seront ailleurs quand le Tricolore aspirera aux grands honneurs.

Nous voici au Tournoi de golf Jonathan Huberdeau, lundi matin. Personne n’arrive ici la mine basse, comme c’est toujours le cas dans de tels évènements. Michel Therrien apparaît au loin, avec le gros sourire. Marie-Ève Dicaire déploie son énergie habituelle. Un claquement vif résonne dans les airs : c’est Jakob Pelletier qui donne à un vieux copain une des bonnes poignées de main de l’histoire des poignées de main.

Huberdeau prend un petit quart d’heure pour s’attabler avec La Presse dans un coin tranquille de la terrasse du chalet. Lui aussi est souriant, même s’il sait bien qu’il aurait pu accueillir la visite dans un contexte autrement plus festif. C’est que son ancienne équipe, celle avec laquelle il a « planté des arbres » jusqu’en 2022, les Panthers de la Floride, est maintenant championne de la Coupe Stanley.

« Je suis content pour les gars, ils ont travaillé fort. [Aleksander] Barkov, j’ai été avec lui pendant des années, il travaille tellement fort. Aaron Ekblad, Sam Bennett aussi », énumère Huberdeau.

C’est dur de voir les gars soulever la Coupe. Tu te dis : j’étais là pendant 10 ans, pendant des moments plus difficiles. Mais c’est comme ça que tu bâtis une équipe. Quand tu es jeune, tu t’en fous, tu veux juste bâtir ta carrière. Maintenant, je suis de retour dans cette situation, mais un peu plus vieux.

Jonathan Huberdeau

Là où ça fait mal, cependant, c’est que Huberdeau avait l’âge pour être un contributeur de premier plan des champions. Mais on a jugé que MacKenzie Weegar et lui devaient partir en retour de Matthew Tkachuk, afin de changer l’identité des Panthers. Tkachuk a bel et bien contribué à ce changement, avec 197 points en deux saisons et de la hargne à revendre.

« Tkachuk est arrivé, et oui, il est bon, concède le Jérômien. Mais il est bien entouré. Ils ont du talent, tu le vois. Bill Zito a été bon pour aller chercher des gars comme Ekman-Larsson et Kulikov, qui allaient moins bien ailleurs. Et un bon coach comme Paul Maurice, ça paraît. Je pensais bien qu’ils allaient gagner. »

La reconstruction

À 31 ans, Huberdeau se retrouve chez des Flames de Calgary qui tentent de se relancer. Ont été échangés, depuis le début de 2024 :

  • les attaquants Elias Lindholm et Andrew Mangiapane ;
  • les défenseurs Noah Hanifin et Chris Tanev ;
  • le gardien Jacob Markström.

Ces cinq vétérans comptaient entre 400 et 800 matchs d’expérience dans la LNH. On parle donc de joueurs matures, dans cette fenêtre idéale où ils possèdent de l’expérience sans être en plein déclin.

Huberdeau aurait pu y passer. Mais avec sa production à la baisse et un contrat valide jusqu’en 2031, à hauteur de 10,5 millions de dollars, il est coincé en Alberta.

« C’est sûr que je suis dur à échanger. Je le savais en signant le contrat, mais je ne savais pas comment ça allait se passer. Je pensais que j’allais produire des points, que ça irait bien, mais le système de jeu plus défensif n’a pas aidé.

« Le contrat, moi, je sais que je vaux ça. Plusieurs facteurs ne m’ont pas aidé, et c’est à moi de m’en sortir. »

Des insuccès

Depuis son arrivée, les Flames ont changé d’entraîneur – Ryan Huska a remplacé Darryl Sutter – et de DG – Craig Conroy à la place de Brad Treliving. L’équipe a raté les séries par deux petits points l’an dernier, mais ce printemps, elle a été larguée par 17 points, la cause et la conséquence du ménage susmentionné.

Les indices pointant vers une reconstruction sont nombreux, notamment les quelque 20 millions de dollars dont l’équipe dispose encore à ce jour en vue de la prochaine saison.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Jonathan Huberdeau

« À l’âge où on est rendus, c’est ce qui est plus dur, admet Huberdeau. Mais il y a des surprises. On peut rentrer en séries, même si tout le monde nous voit comme les négligés. »

Mais ce n’est jamais le fun d’être en reconstruction. Quand tu es jeune, tu peux apprendre, gagner de la maturité, tu as du temps. Mais à 31 ans, tu veux gagner et tu veux gagner là. C’est plus dur à avaler, mais tu dois accepter ton rôle à 100 %.

Jonathan Huberdeau

Huberdeau accepte le sien en épaulant notamment son jeune compatriote Jakob Pelletier, choix de 1er tour des Flames en 2019. « Moi, Jaromir Jagr m’a appris beaucoup de choses. Là, j’aide Pelletier, mais j’essaie aussi d’en aider d’autres. Mais c’est sûr qu’il y a une connexion plus spéciale entre Québécois. »

Pelletier était d’ailleurs un des invités au tournoi. « Juste le fait qu’il m’ait écrit pour se présenter quand il s’est fait échanger, ça a vraiment fait wow. Tout le monde connaît le joueur, mais le gars en dehors de la glace, peu de gens le connaissent », affirme Pelletier. Aujourd’hui, c’est un bon exemple, on voit qu’il redonne aux gens.

« C’est le genre de personne que je veux être. Même si ça fait deux ans que ça va moins bien, il arrive quand même à l’aréna avec le sourire. »