En tant que partisan du Canadien depuis toujours, Michael Hage vit un rêve cette semaine à Brossard. Mercredi, il a enfilé son chandail du Tricolore pour une séance sur glace pour la première fois. « C’est pas mal cool de baisser la tête et de voir ce logo », a-t-il lancé devant la dizaine de caméras qui l’entouraient, mercredi midi.

Hage et une trentaine de jeunes venaient de conclure leur premier entraînement sur glace du camp de développement du Canadien. Un camp où Hage est un des espoirs les plus en vue, en vertu de son rang de sélection (21e) au repêchage la semaine dernière.

Le chemin qui l’a mené à ce statut est toutefois des plus improbables. Blessé à une épaule à son année de 16 ans, il a ensuite vécu une tragédie quand son père, Alain, est mort de façon accidentelle l’été dernier.

Dans le petit milieu du hockey, ce départ soudain a créé une onde de choc. L’entraîneur-chef du Steel de Chicago, Mike Garman, en sait quelque chose. C’est là que Hage a passé les deux dernières saisons.

« Je connaissais bien Alain, j’étais proche de la famille. Donc pour moi aussi, c’était un choc, se remémore Garman, en entrevue avec La Presse. J’ai pu assister à la célébration de sa vie. Ils ont eu tellement de soutien de la communauté du hockey et de leurs proches. Ses coéquipiers sont allés passer du temps avec [Michael], l’un d’eux est même parti deux semaines chez lui. Il n’y a pas de plan de match pour aborder ça. »

PHOTO STEVE MARCUS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Michael Hage (au centre) a été repêché au 21e rang par le Canadien, vendredi dernier.

Début de saison chaotique

Au camp d’évaluation de la LNH, le mois dernier, Hage nous confiait que 31 équipes avaient demandé à le rencontrer. Les espoirs du premier tour vont souvent rencontrer une vingtaine d’équipes. Leur nombre commence rarement par 3.

Sauf que Hage a connu une progression constante malgré les embûches. Dans la toute première liste de la Centrale de recrutement de la LNH, publiée en octobre, il était coté B, ce qui correspond à un espoir de deuxième ou troisième tour. En janvier, il pointait au 19rang des patineurs nord-américains ; en avril, il grimpait au 10rang.

Les 31 équipes, c’était le résultat de cette progression. « Plusieurs équipes voulaient le rencontrer parce qu’il a vraiment progressé en cours d’année. À la fin de l’année, elles étaient curieuses », estime Garman.

Pour y arriver, il lui a toutefois fallu surmonter l’adversité une fois de plus, sous la forme d’un début de saison difficile.

Après neuf matchs, il affichait 7 points au compteur, avec un différentiel de -6. Collectivement, c’était la catastrophe, le Steel montrant une fiche de 1-7-1. L’équipe a atteint le proverbial fond du baril dans une défaite de 6-3, le 27 octobre, à Sioux City. Hage avait terminé ce match à -3 en plus d’écoper d’une pénalité.

« Je pense qu’il devenait vraiment nerveux en voyant que les points ne venaient pas. Ces joueurs s’éloignent parfois du jeu collectif, dans l’espoir d’amasser des points ou de gagner le match à eux seuls. Ses intentions étaient bonnes, mais il ne suivait pas le plan de match. »

C’est là que ça a brassé. L’équipe était à Sioux City pour deux matchs en 24 heures, donc le samedi matin, entre les deux duels, Hage a été convoqué par les entraîneurs à l’hôtel.

« On lui a dit que c’était une année très importante pour lui et pour l’équipe, et que ça n’allait pas à notre goût, raconte Garman. On a eu une conversation très dure et directe d’une bonne heure. Et il a dit : “Ça va, j’ai compris.” »

« Il m’a vraiment mis au défi d’être meilleur. Si on voulait connaître du succès, je devais faire preuve de leadership et gagner en maturité », confirme Hage.

Depuis cette rencontre, j’ai davantage de fierté, j’essaie de mener par l’exemple, de parler davantage et de faire un pas de plus dans mon jeu. Je sens que ça s’est amélioré après cette rencontre.

Michael Hage

Ses impressions sont validées par les chiffres. Dans les 45 matchs suivants, il a inscrit 30 buts et 38 aides pour 68 points, avec un différentiel de +23. Le Steel a présenté une fiche de 26-21-6.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Michael Hage

Une approche délicate

Plus froidement, son cas constituait un casse-tête de coaching. Garman devait composer avec un jeune homme qui vivait des moments difficiles hors glace. Cette histoire de Sioux City se déroulait moins de quatre mois après la mort tragique de son père. À partir de quel moment est-ce approprié de passer un savon à un jeune joueur dans ces circonstances ?

« Ce que j’aime de Michael, c’est que tu peux être très dur et direct avec lui, et le traiter comme un pro, répond Garman. Donc oui, on était très durs, mais on était justes. Et Michael te dira qu’une des choses les plus importantes pour lui et Alain, c’est qu’il veut devenir joueur de hockey. C’était une année cruciale dans son développement et Alain voulait qu’on lui impose des standards élevés. »

Je ne voulais pas de passe-droit, je ne voulais pas être pris en pitié. Je veux le savoir quand ça ne va pas bien, je veux savoir ce que je peux améliorer. J’ai accepté le défi et je ne l’ai pas pris comme une attaque personnelle. J’ai juste essayé de devenir meilleur.

Michael Hage

Ça a fonctionné. Hage a fini la saison comme meilleur marqueur de son équipe, 4e dans l’USHL. Le Canadien a jugé bon de conclure une transaction pour passer du 26e au 21rang avant de s’assurer de le sélectionner. Il s’apprête maintenant à passer la prochaine année à l’Université du Michigan, un programme par où sont passés bon nombre de jeunes premiers ces dernières années, d’Adam Fantilli à Owen Power.

« Il patine bien, il est compétitif et il est très talentueux. Il voit bien la patinoire, il peut fabriquer des jeux et il peut tirer. Il a tous les outils, résume Garman. Mais ensuite, c’est son état d’esprit et son approche. Je pense que l’adversité qu’il a affrontée, dans les 12 derniers mois, ou même 24 mois si on compte sa blessure à une épaule, lui donne une fondation très solide pour bâtir son succès. Car de l’adversité, il va encore en rencontrer. »