(Las Vegas) Justin Poirier était à la pêche, au début de la dernière semaine. Sur le bateau, son téléphone a sonné. Au bout du fil, un représentant des Hurricanes de la Caroline, organisation avec laquelle il n’avait eu aucun contact jusque-là.

Le jeune homme a évalué que la discussion s’était bien déroulée, malgré quelques questions pas commodes. En raccrochant, il ne savait toutefois pas que cet appel allait changer sa vie.

Ce sont en effet les Hurricanes qui ont choisi l’attaquant du Drakkar de Baie-Comeau à la fin du 5tour (156e au total), samedi à Vegas.

Il semblait acquis que Poirier devrait s’armer de patience. Les plus optimistes le voyaient être sélectionné en fin de deuxième tour ; les plus pessimistes, jusqu’au septième tour, voire pas du tout.

Le scénario qui s’est concrétisé était, en ce sens, prévisible. Il n’en demeure pas moins – et tout le monde le sait, Poirier le premier –, que s’il mesurait plus que 5 pi 7 po, il aurait entendu son nom beaucoup plus tôt.

Il vient en effet de réaliser le rare exploit de marquer plus de 50 buts à 17 ans, du jamais vu dans la LHJMQ depuis Sidney Crosby. La LHJMQ a elle aussi dû faire preuve de patience, samedi, attendant presque 60 sélections avant qu’un de ses représentants soit choisi, mais nous y reviendrons.

Poirier, donc, n’a pas caché qu’il « avait hâte » d’en savoir davantage sur son sort. « À chaque nom, depuis la troisième ronde, ça pouvait être le mien, a-t-il reconnu. Je savais que ma grandeur allait jouer contre moi. Mais d’être repêché dans une belle organisation, c’est un honneur. »

Ce qui comptait pour lui, en définitive, c’était d’enfiler un chandail de la LNH. Le fait qu’il s’agisse de celui des Hurricanes était une sorte de boni, sachant à quel point cette franchise a la réputation de développer de bons joueurs offensifs.

Les tours qui passaient sans qu’il soit nommé ont été pénibles, a-t-il avoué. Aussi pénibles que les derniers mois, passés à répondre à des questions sur son gabarit et sa capacité à transposer sa production offensive au niveau suivant.

À Vegas, il a vu défiler 155 joueurs avant lui, dont 11 de la LHJMQ, notamment Alexis Bernier et Raoul Boilard, du Drakkar. Il s’y attendait. Et il ne s’en est pas formalisé, célébrant même les sélections de ses coéquipiers.

La sienne a néanmoins été « un énorme soulagement ».

« J’ai toujours su faire ma place, je ne suis pas inquiet pour la suite », a-t-il ajouté avec aplomb.

On peut croire que son retour à Baie-Comeau, l’automne prochain, sera en effet spectaculaire.

Triste record

Sur le plan quantitatif, la LHJMQ a connu un repêchage plus heureux qu’en 2023, avec un total de 15 sélections, soit trois de plus que l’an dernier.

Sur le plan qualitatif, c’est moins rose. Jamais, à ce jour, le circuit n’avait attendu si longtemps pour voir un de ses représentants être sélectionné. Pour la deuxième année de suite, et pour la sixième fois depuis la mise en place du repêchage dans cette formule en 1979, aucun membre de la LHJMQ n’a été choisi au premier tour, vendredi.

Et samedi, il a fallu attendre au 27rang du deuxième tour, soit le 59e au total, pour qu’un club puise dans cette ligue. Le précédent « record » datait de 2000, alors que le gardien Mathieu Chouinard avait été sélectionné au 45rang.

Après avoir parlé d’une situation « cyclique » l’an dernier, le commissaire Mario Cecchini, présent à Vegas, a souhaité que cette situation « serve de wake-up call ».

Je veux qu’on prenne acte des deux dernières années et que tous les acteurs se ramassent. La ligue, c’est une chose, mais on a eu des rencontres avec Hockey Québec, avec [le directeur général sortant] Jocelyn Thibault, et on se questionne un peu.

Mario Cecchini, commissaire de la LHJMQ

La LHJMQ, en effet, a sa responsabilité dans le développement des joueurs du Québec et des Maritimes, mais on peut en dire autant de toutes les structures de hockey mineur en amont.

À ce compte, le Québec fait meilleure figure que l’an dernier, avec huit natifs de la province parmi les athlètes issus de la LHJMQ – trois de plus qu’en 2023. L’ajout de trois Québécois à la liste, soit Sacha Boisvert, Louka Cloutier et Xavier Veilleux, fait bien paraître la province, mais moins la LHJMQ, puisque ceux-ci sont partis jouer aux États-Unis dans l’USHL.

C’est ce qui fait dire à Mario Cecchini que, parmi les « voies privilégiées » pour envoyer des joueurs québécois dans la LNH, celle de la LHJMQ n’est « pas optimale » pour l’instant. « On doit regarder ce qu’on peut ajuster et changer, a-t-il ajouté. On le doit aux joueurs et aux parents qui font tellement de sacrifices. »

Les représentants de la LHJMQ repêchés en 2024

Spencer Gill (Océanic de Rimouski)

  • Flyers de Philadelphie, 2tour (59au total)

Maxim Massé (Saguenéens de Chicoutimi)

  • Ducks d’Anaheim, 3tour (66au total)

Alexis Bernier (Drakkar de Baie-Comeau)

  • Kraken de Seattle, 3tour (73au total)

Tomas Lavoie (Eagles du Cap-Breton)

  • Utah, 3tour (89au total)

Eriks Mateiko (Sea Dogs de Saint John)

  • Capitals de Washington, 3tour (25au total)

Jakub Milota (Eagles du Cap-Breton)

  • Predators de Nashville, 4tour (99au total)

Alexandre Blais (Océanic de Rimouski)

  • Ducks d’Anaheim, 4tour (100au total)

Gabe Smith (Wildcats de Moncton)

  • Utah, 4tour (103au total)

Jan Golicic (Olympiques de Gatineau)

  • Lightning de Tampa Bay, 4tour (21au total)

Raoul Boilard (Drakkar de Baie-Comeau)

  • Rangers de New York, 4tour (119au total)

Simon-Pier Brunet (Voltigeurs de Drummondville)

  • Sabres de Buffalo, 4tour (123au total)

Justin Poirier (Drakkar de Baie-Comeau)

  • Hurricanes de la Caroline, 5tour (156au total)

Matyas Melovsky (Drakkar de Baie-Comeau)

  • Devils du New Jersey, 6tour (171au total)

Antoine Dorion (Remparts de Québec)

  • Blues de St. Louis, 7tour (209au total)

Nikita Prishchepov (Tigres de Victoriaville)

  • Avalanche du Colorado, 7tour (217au total)