(Las Vegas) Il y a un an, Michael Hage vivait les pires moments de sa vie. La perte précipitée de son père, dans des conditions tragiques.

Un an plus tard, la douleur est encore vive. Mais ce que Hage a vécu, vendredi soir, est sans doute ce qui se rapproche le plus d’un baume sur cette plaie : être repêché par le Canadien de Montréal, son club préféré depuis tout petit. Et surtout le favori de son père.

« C’est incroyable ! », ne cessait de répéter le Franco-Ontarien, quelques instants après que le CH l’eut sélectionné au 21rang du premier tour. Au hockey mineur, il portait le numéro 9, parce que Maurice Richard était, avec Jean Béliveau, le joueur favori du paternel.

Avec son frère, il a suivi les hauts et les bas du CH de la dernière décennie. Il n’a toujours pas digéré la blessure qu’a infligée Chris Kreider à Carey Price en finale d’association en 2014. Il se rappelle avoir sauté partout dans la maison lorsque le Tricolore a comblé un retard de 3-1 contre les Maple Leafs de Toronto pendant les séries éliminatoires de 2021.

Quelque part, vendredi soir, son père souriait, croit Michael Hage. Et s’il avait été à Vegas avec son fils, il en aurait été drôlement fier.

« Je crois qu’il aurait été content quoi qu’il arrive », a nuancé le jeune homme, les yeux embrumés. « Mais ça lui aurait donné un gros sourire. »

PHOTO STEVE MARCUS, ASSOCIATED PRESS

Michael Hage a été repêché par Montréal au 21e rang du premier tour.

Le début de la plus récente saison a été difficile pour Michael Hage. On comprend qu’il subissait les contrecoups du drame qu’il avait vécu pendant l’été, mais il se remettait aussi d’une grave blessure à l’épaule subie quelques mois plus tôt.

En cours de campagne, il a toutefois trouvé son erre d’aller. Avec le Steel de Chicago, dans l’USHL, il a amassé 75 points en 54 matchs, ce qui l’a placé au quatrième rang des pointeurs du circuit. Grand joueur de centre de 6 pi 1 po et 190 lb, il est reconnu pour sa touche offensive et son intelligence du jeu.

Intérêt mutuel

Les différentes projections le plaçaient en deuxième moitié de premier tour, sinon un peu plus loin. Au récent camp d’évaluation de la LNH, 31 des 32 équipes de la ligue l’ont interviewé – la 31e, le Lightning de Tampa Bay, ne possédait aucun choix dans les trois premiers tours.

La rencontre avec le Canadien avait « bien été », selon lui. Il avait d’ailleurs raconté à La Presse les mises en situation hors du commun devant lesquelles il avait été placé.

L’intérêt était, nous l’apprendrons, hautement mutuel. Le directeur général Kent Hughes a en effet réalisé une transaction en matinée, vendredi, afin de devancer son tour de parole initialement prévu au 26rang.

Après coup, il ne s’en est pas caché : la Flanelle avait Hage dans son viseur avec cette sélection. S’il n’avait plus été disponible, le choix aurait peut-être bien été échangé.

Son lien avec Montréal n’a pas pesé dans la balance, mais il s’agit d’un atout, a-t-il précisé. Il n’est pas commun, en effet, qu’un garçon ayant grandi en banlieue de Toronto s’exprime avec autant d’aisance en français. Ses deux parents, d’origine égyptienne, sont nés et ont grandi dans la métropole avant de s’établir en Ontario. Ses grands-parents y résident toujours.

Michael est allé à l’école française au primaire et converse encore avec ses grands-parents dans la langue de Guy Bertrand (celui de votre choix). Il juge être « rouillé », mais la critique est sévère.

Ce que la direction aime de lui, c’est le fait qu’il possède, à ses yeux, « le talent offensif pour jouer dans un top 6 », dixit Kent Hughes, que ce soit au centre ou à l’aile, comme d’autres joueurs établis de l’organisation : Oliver Kapanen, Owen Beck, Kirby Dach, Nick Suzuki, Alex Newhook… « On n’est pas inquiets de ne pas avoir assez de centres, a encore dit le DG. De bons joueurs de hockey jouent ensemble, comme Dach quand il a joué avec Suzuki et Cole Caufield à sa première année. »

Le principal concerné, lui, se dit prêt « à jouer n’importe quel rôle » dans l’équipe. Et il ne souhaite brûler aucune étape pour arriver à ses fins. L’automne prochain, il amorcera une carrière dans la NCAA avec l’Université du Michigan. La suite, elle se passera « une année à la fois ».

« Je veux avoir un impact, aider notre université à gagner des matchs », a-t-il précisé.

Il tire beaucoup de fierté de son « éthique de travail ». Une valeur héritée de son père, justement.

PHOTO STEPHEN R. SYLVANIE, USA TODAY SPORTS

Michael Hage

Quand j’étais enfant, [mon père] m’a toujours poussé, et c’est pourquoi je m’impose de hauts standards. C’était encore plus vrai cette année. Je continue à tout faire comme s’il me regardait aller.

Michael Hage

Sa longue convalescence de l’hiver 2023 lui a aussi beaucoup appris sur lui, dit-il. « C’était dur de passer autant de temps sans patiner. Ça m’a fait ressentir beaucoup de reconnaissance envers [le hockey], ça m’a rappelé à quel point je suis passionné. »

Et d’ajouter : « Parfois, c’est quand tu perds quelque chose que tu réalises à quel point tu y tiens. »

On n’aurait pas mieux dit.