(Las Vegas) Il est peut-être osé d’avancer que le Canadien a déniché sa prochaine grande vedette offensive. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ivan Demidov est entré dans sa nouvelle vie par la grande porte.

Le décor lui-même avait quelque chose de surréel, dans la spectaculaire Sphere de Las Vegas, où le son et la lumière arrosaient la foule de tous les côtés. Dans les gradins ont résonné quelques « Demidov ! », alors que l’état-major tricolore s’apprêtait à monter sur scène.

Le même nom qu’a prononcé quelques instants après nulle autre que la plus grande vedette de l’histoire du Québec, Céline Dion. Impossible de ne pas y voir quelque chose comme un adoubement, acclamé par les partisans du CH, visiblement nombreux à s’être déplacés.

Le Canadien, donc, n’avait pas menti. Le vice-président des opérations hockey, Jeff Gorton, avait laissé entendre qu’il n’était nullement intimidé par l’idée de sélectionner un joueur russe aussi tôt.

Demidov a révélé que Nick Bobrov, codirecteur du recrutement amateur, l’a rencontré en Russie dès le début de la dernière saison et qu’il était resté en contact avec lui depuis. Les deux se sont revus en Floride la semaine dernière, et tous les dirigeants de l’équipe ont rencontré le jeune homme à Vegas plus tôt cette semaine. Les décideurs ont été convaincus.

Le Canadien a aussi tenu parole en optant pour un attaquant avec sa principale sélection de 2024, la cinquième au total. Dans cette cuvée réputée pour ses défenseurs, trois attaquants étaient déjà partis au tour de parole du CH.

Demidov n’était toutefois pas un prix de consolation, lui qui, depuis des mois, fait rêver les amateurs qui suivent ses exploits sur les réseaux sociaux. Il n’est pas réputé pour sa rapidité, mais il est un tel magicien avec la rondelle que certains observateurs le voyaient partir dès le deuxième rang. Dans la MHL, circuit junior russe, il a amassé 60 points en 30 matchs en saison, ajoutant 28 points en 17 matchs en séries éliminatoires.

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Ivan Demidov

Quelques minutes après sa sélection, le jeune prodige de 18 ans était incapable d’arrêter de sourire devant les journalistes montréalais. Il a évidemment parlé du chandail bleu-blanc-rouge, de l’histoire du club. Il a aussi avancé qu’il connaissait un peu Céline Dion pour avoir vu le film Titanic, dont elle chantait la chanson-titre.

Il a raconté avoir eu le pressentiment, en se couchant la veille, qu’il deviendrait un joueur du Canadien s’il était encore disponible au cinquième rang. Le marché montréalais ne l’effraie pas, a-t-il assuré, alors qu’il s’apprête à débarquer dans une province qui aime et hait son équipe sans ménagement.

« Ça démontre la passion des fans, qui aiment vraiment le hockey, a-t-il poursuivi. Moi aussi, j’aime le hockey. Ce n’est donc pas un problème pour moi. »

Son sourire s’est (encore) élargi lorsqu’un reporter lui a demandé s’il se voyait être le joueur d’impact (gamebreaker) dont a cruellement besoin sa nouvelle équipe.

Répondant par l’affirmative, il a créé la surprise en mentionnant que son idole était Kobe Bryant, légendaire basketteur mort tragiquement en janvier 2020 à la suite d’un accident d’hélicoptère.

« Cette saison, j’ai tenté de reproduire sa mentalité “Mamba”. » Se pousser au maximum, sans compromis, avec un engagement total.

« Son instinct du tueur », a-t-il renchéri. Rien que ça.

« Il y a trois ans, j’ai commencé à regarder son histoire. Je veux reproduire son éthique de travail. […] Je pense que je peux faire la différence avec le Canadien », a-t-il conclu.

Deviendra-t-il la grande vedette que plusieurs voient en lui ? Ça reste à voir. Il en a, en tout cas, l’aura.

Le DG comblé

Sur le thème du bonheur, Kent Hughes ne donnait pas sa place.

Cela fait un an que le club a les yeux rivés sur Demidov, « un joueur offensif, capable de marquer et de fabriquer des jeux, créatif, agile sur ses patins », a énuméré le DG en fin de soirée.

Un manieur de rondelle, en outre, qui peut « casser les chevilles » des défenseurs adverses, référence au basketball qu’on imagine involontaire, mais drôlement opportune. Son niveau de combativité a aussi milité en sa faveur.

Le Russe était tout en haut de la liste du CH, a assuré Hughes. Au cours des dernières semaines, les recruteurs et les dirigeants ont soulevé tous les scénarios imaginables pour les rangs 2, 3 et 4 du repêchage. Si le groupe était arrivé à la conclusion que Demidov se destinait aux Blackhawks de Chicago, aux Ducks d’Anaheim ou aux Blue Jackets de Columbus, le DG aurait tenté plus agressivement de s’avancer.

La motivation à l’acquérir à tout prix était d’autant plus grande que Demidov a donné à ses nouveaux patrons « l’une des meilleures entrevues » qu’ils aient vues.

Sa maturité pour son âge a soufflé tout le monde dans la pièce. « Il sait ce qu’il veut, a précisé Hughes. J’avais le sentiment que je parlais à quelqu’un qui pouvait m’enseigner quelque chose. » Une qualité que l’organisation avait reconnue à Juraj Slafkovsky il y a deux ans.

Du Russe comme du Slovaque, il a apprécié une confiance en soi qui ne versait pas dans l’arrogance. « Souvent, les gens sont arrogants parce qu’ils manquent de confiance, a-t-il philosophé. Quand tu paries sur un jeune qui va partir de l’Europe de l’Est pour venir dans la pression à Montréal, ça prend quelqu’un qui a confiance, qui va pouvoir encaisser les coups et continuer. »

L’attaquant doit disputer la prochaine campagne dans la KHL, avec le SKA Saint-Pétersbourg. Il souhaite faire le saut en Amérique du Nord en vue de la saison 2025-2026, et le Canadien, visiblement, ne redoute pas d’écueil qui retarderait son arrivée. Cela étant, il ne participera pas au camp de développement du CH, la semaine prochaine, puisqu’il ne possède pas de visa valide pour séjourner au Canada.

Sera-t-il prêt pour la LNH dans un an ? lui a demandé un journaliste. Apparemment, il est trop tôt pour en parler.

Mettre le grappin sur Demidov était la priorité. L’organisation doit maintenant s’assurer de le développer à la hauteur de ses attentes et de ses promesses. Elles sont, dans les deux cas, élevées.

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