(Sunrise, Floride) À 39 ans, un joueur de hockey est l’équivalent d’un vieillard. C’est l’âge où le cliché le plus fréquent, en entrevue, est le fameux « une année à la fois ».

Nous voici devant le casier de Corey Perry, dimanche midi, dans le vestiaire des visiteurs à l’Amerant Bank Arena. Dans 11 mois, Perry deviendra un quadragénaire. Il est donc normal de se questionner sur ce qui l’attend au-delà du septième match de la finale de la Coupe Stanley, qui aura lieu lundi soir.

Perry pourrait-il chausser les patins pour une dernière fois ? « Non, non, lance-t-il sans hésiter. J’en ai encore beaucoup en moi, peut-être cinq autres années. »

L’hilarité s’ensuit. Et Perry de regarder la demi-douzaine de journalistes autour de lui, l’air mi-outré, mi-amusé. « De quoi riez-vous ? Je me sens comme si j’avais 25 ans ! »

S’il y a une preuve d’amour pour le hockey, elle est là. En 2007, un jeune Perry de 22 ans remportait la Coupe Stanley avec les Ducks d’Anaheim. Dix-sept ans plus tard, il attend toujours sa deuxième bague. Il est passé proche à plusieurs reprises, lui qui a perdu les finales de 2020, 2021 et 2022 avec, dans l’ordre, les Stars de Dallas, le Canadien et le Lightning de Tampa Bay.

Un collègue lui a demandé s’il est vrai que la douleur de la défaite est plus vive que la joie de la victoire.

Ça fait mal [la défaite], assurément. Tu le réalises l’été, quand tu essaies mentalement de te préparer pour la prochaine saison. Ça te suit. Mais ça te sert aussi de motivation pour la saison suivante, d’en tirer des leçons pour l’avenir, et essayer de te souvenir de cette sensation.

Corey Perry

Malgré ces étés pas toujours joyeux qu’il a dû passer, le voici donc de retour, avec l’ambition de jouer jusqu’en 2029.

PHOTO SERGEI BELSKI, USA TODAY SPORTS

Dix-sept ans après avoir gagné la Coupe Stanley avec les Ducks d’Anaheim, Corey Perry aura la chance lundi de toucher à nouveau au trophée.

Un habitué

À la veille du match le plus important de la carrière des 40 joueurs qui chausseront les patins, plusieurs se tournent vers Perry, vétéran de 19 saisons dans la LNH.

Ses 1311 matchs dans la LNH sont presque 400 de plus que quiconque dans ce vestiaire. Ses 214 matchs en séries sont près du double du deuxième joueur en termes d’expérience chez les Oilers d’Edmonton, Mattias Ekholm (111 matchs).

« La nervosité, c’est aussi de l’excitation. C’est une bonne chose d’en ressentir, estime-t-il. Tu veux te placer dans cette position. Mais on ne peut rien tenir pour acquis au hockey. Je l’ai déjà dit, pour la moitié des joueurs dans ce vestiaire, ce pourrait être une dernière chance de gagner la Coupe Stanley. Moi, ça m’a pris [13] ans pour y retourner. C’est la même chose pour Rico [Adam Henrique]. Il faut en profiter. »

Perry pourrait donc songer à actualiser son discours, car un joueur qui participe à une quatrième finale en cinq ans n’est pas le mieux placé pour souligner l’unicité du moment. Cela dit, si les Oilers l’emportent lundi, il battrait le record de Chris Chelios et deviendrait le joueur qui a attendu le plus longtemps (17 ans) entre deux Coupes Stanley. Chelios, lui, avait patienté 16 ans entre sa conquête avec Montréal en 1986 et celle avec Detroit en 2002.

L’apport de l’expérience

À la blague, on pourrait dire que Perry participe à tant de finales parce que son œil de recruteur lui permet de prédire quelle équipe se rendra jusqu’au bout. Ce serait toutefois oublier qu’il a amorcé la saison à Chicago, avant d’être remercié sur la base d’éléments assez graves pour que les Blackhawks déchirent son contrat, mais pas si graves que ça finalement, puisque Gary Bettman l’a rapidement autorisé à signer un contrat avec une autre équipe. Ce qui l’a mené à Edmonton.

Mais il serait également malhonnête de voir Perry comme un Forrest Gump du hockey, c’est-à-dire un gars qui s’adonne simplement à toujours être au bon endroit. Même s’il n’est plus le marqueur de 30 buts qu’il était à son apogée, il apporte encore du sien.

Brett Kulak en sait quelque chose, puisqu’il a côtoyé Perry chez le Canadien en 2021, et maintenant chez les Oilers.

PHOTO WILFREDO LEE, ASSOCIATED PRESS

Brett Kulak

« Je vois pas mal les mêmes choses que ce qu’il avait apporté à l’époque à Montréal pendant les séries », estime Kulak.

Il apporte son expérience, son calme à chacune de ses présences, quand ça chauffe. Si tu es embourbé en zone défensive, que la pression arrive de partout et que tout le monde serre son bâton, s’il reçoit la rondelle il va faire le jeu qui va nous permettre de sortir de la zone et de procéder à un changement.

Brett Kulak, au sujet de Corey Perry

Il y a aussi ces moments hors glace, ces moments romancés par des scènes de film comme celle de Bob dans Les Boys, où un meneur se lève pour haranguer les troupes.

Lors des séries de 2021, le Tricolore avait vécu un de ces moments lorsqu’il s’est retrouvé en retard 1-3 face aux Maple Leafs de Toronto au 1er tour. Perry, Shea Weber et Eric Staal auraient parlé, selon la recension qu’avait faite Dominique Ducharme à l’époque.

Mais il y a un monde d’écart entre le CH de mai 2021 et les Oilers du 23 juin 2024. Le Tricolore venait de subir deux défaites de suite pour se retrouver à 1-3 et devait donc aligner trois triomphes, tout ça dans le rôle des négligés face à une puissante machine offensive.

Les Oilers, eux, arrivent dans le sud de la Floride avec le vent en poupe, vainqueurs des trois derniers matchs. Ils affronteront un gardien, Sergeï Bobrovsky, qui n’arrête que quatre tirs sur cinq depuis trois matchs, et des canons offensifs, de Sam Reinhart à Carter Verhaeghe, en panne sèche.

C’est pourquoi l’heure n’est pas nécessairement aux grands discours inspirants. Au deuxième entracte lundi, peut-être. Mais pas d’ici là.

« Tu ne peux pas sortir de ta zone de confort pour faire de quoi de différent, a rappelé Perry. De toute façon, ça fait trois matchs qu’on est dans cette position, qu’on a le dos au mur. On va juste continuer à faire ce qu’on fait. S’il faut parler, on parlera. S’il faut être tranquille, on le fera. Notre jeu va déterminer le reste. »

En bref

Nugent-Hopkins absent

Les Oilers ont tenu un entraînement au Amerant Bank Arena. L’attaquant Ryan Nugent-Hopkins était l’unique absent, mais l’entraîneur-chef des Oilers, Kris Knoblauch, a assuré que le numéro 93 sera à son poste lundi.

Quand Draisaitl a le mot pour rire

À la toute fin du point de presse de Leon Draisaitl, un journaliste lui a demandé quel joueur incarnait-il lorsqu’il était petit et qu’il jouait, dans sa tête, un match numéro 7 dans sa cour arrière. « J’étais Leon en Allemagne ! », a tout simplement répondu l’attaquant vedette. Sa réponse a permis de dissiper le malaise qui persistait depuis quelques minutes, après qu’un journaliste lui eut souligné que les Oilers avaient la chance de réaliser un exploit jamais accompli depuis… la Seconde Guerre mondiale. Il faisait ici référence à une victoire après avoir été en retard 0-3 en finale, ce qui n’a pas été fait depuis les Maple Leafs de Toronto en 1942.

La mécanique derrière la contestation

Tout a été dit sur les exploits de Connor McDavid, Evan Bouchard et Stuart Skinner. Mais Kris Knoblauch a aussi eu son mot à dire, notamment dans sa décision de contester ce qui aurait été le premier but des Panthers, vendredi. Après de longues minutes, les officiels ont trouvé un angle indiquant qu’il y avait hors-jeu et ont refusé le but, enlevant ainsi aux Panthers la chance de briser l’élan des Oilers. Cette décision a été prise à « 95 à 98 % » avec l’information que les responsables de la vidéo lui relaient, a indiqué Knoblauch. Mais le contexte importe aussi, a-t-il précisé, rappelant que le moment du match et le pointage pèsent aussi dans la balance. L’entraîneur-chef a ajouté un autre facteur : les performances du désavantage numérique, car une contestation ratée vaut un avantage numérique à l’équipe adverse. Or, le désavantage numérique des Oilers montre un taux de succès phénoménal de 94,1 % le printemps dernier, ce qui facilite la décision.