Il existe une perception erronée selon laquelle l’époque des six clubs, dans la LNH, inclut tout ce qui a précédé l’expansion de 1967. Rien n’est pourtant moins vrai, puisque, comme on le sait, cette ère désigne plutôt le quart de siècle amorcé en 1942 pour se conclure l’année de l’Expo.

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La dernière fois qu’une équipe a gagné la Coupe Stanley après avoir effacé un déficit de 0-3 en série de finale, c’était littéralement avant les six clubs. Tout juste avant, en fait, en 1941-1942, alors que la ligue comptait sept formations, dont les pauvres Americans de Brooklyn. Et puisque c’était chose possible à cette époque, ce sont les Maple Leafs de Toronto qui l’avaient emporté. C’est dire à quel point ça fait longtemps.

Les Oilers d’Edmonton ont aujourd’hui la chance de rééditer cet exploit, réalisé une seule fois au demeurant. Grâce à une victoire de 5-1 contre les Panthers de la Floride, vendredi, ils ont égalé la série à 3-3. Ils auront ainsi la chance de devenir, lundi, la première organisation canadienne à remporter la Coupe depuis le Canadien en 1993, ce qui ne sera pas dénué d’ironie puisque ça se produirait un 24 juin. Remarquez, la dernière fois qu’un match a été disputé à la Saint-Jean, en 2021, le Canadien a reçu le trophée portant le nom de celui qui avait suspendu Maurice Richard 66 ans plus tôt. On n’en est pas à un paradoxe près.

La prudence n’étant pas passée de mode jusqu’à preuve du contraire, on se rappellera sagement que ce match ultime s’amorcera avec une marque de 0-0 et que les Panthers pourraient profiter d’un nouveau souffle à domicile pour sauver la face, les meubles et le reste.

Or, à voir la mine grave de ses joueurs alors qu’ils retraitaient au vestiaire après la sirène finale, et surtout après avoir vu les Oilers disputer un match quasi parfait, il est permis de se demander qui pariera contre Connor McDavid et sa bande.

Le revirement de situation ne pourrait être plus total. Comme si les deux clubs s’étaient disputé deux séries distinctes de trois matchs chacune. La première se soldant par un avantage évident des Panthers, malgré un regain de vie des Huiliers en troisième période du troisième duel. Et la deuxième survolée par les Edmontoniens.

Cette apparence de domination au cours des trois dernières joutes est en fait attribuable au pointage total de 18-5 pour les Oilers. Une cassure nette avec le déficit de 4-11 des trois premiers affrontements.

PHOTO SERGEI BELSKI, USA TODAY SPORTS

Mattias Janmark (13) et Brandon Montour (62)

Quiconque a regardé la série sait qu’en réalité, ces déséquilibres ne sont pas représentatifs de l’ensemble de l’action sur la glace. À cinq contre cinq, les Oilers ont généré plus de buts attendus et en ont accordé moins lors des trois premiers matchs que lors des trois plus récents, selon le site Natural Stat Trick. La tendance en possession de rondelle va dans le même sens.

Magie

C’est en quelque sorte la magie qui a changé de camp. Ou, dans un lexique moins occulte, le proverbial « momentum ». Tout ce qui fonctionnait pour les Panthers fonctionne désormais pour les Oilers. Le gardien de but Stuart Skinner, sans multiplier les acrobaties, accomplit son travail avec diligence. Les employés de soutien se sont mis au boulot. Les vedettes offensives aussi. L’avantage numérique a produit – quoique pas vendredi.

Bref, tout va… et le contraire est vrai chez les Panthers. Dans ce match numéro 6, Matthew Tkachuk, jusque-là une inspiration pour ses coéquipiers, a connu son pire match éliminatoire en 2024, peut-être depuis son arrivée en Floride. Sergei Bobrovsky, sans être à blâmer pour la défaite des siens, ne réalise plus l’arrêt miraculeux qui garde son club dans le coup.

Et il y a eu ce but refusé en tout début de deuxième période qui a peut-être résumé tous les déboires récents de cette équipe.

Il a fallu une longue reprise vidéo pour déterminer qu’un hors-jeu avait été commis en entrée de zone tout juste avant que le but soit marqué. Une question de millimètres, peut-être au singulier.

L’entraîneur-chef Paul Maurice pouvait bien être furieux, même s’il avait tort. Son club ne jouait même pas si mal que ça, malgré son incapacité en début de rencontre à générer des tirs cadrés. Mais passer proche, que l’on sache, ne suffit pas pour marquer, encore moins pour gagner.

Après cette décision renversée, la marque est restée à 2-0. Et même si l’avance de 3-0 demeure présumément la pire à conserver au hockey, on a tous su, lorsque Zach Hyman a fait exploser l’amphithéâtre à la fin du deuxième engagement, qu’il y aurait un septième match. On s’en doutait depuis la passe poétique de Leon Draisaitl qui a permis à Warren Foegele d’ouvrir la marque. Mais au dernier vingt, malgré les efforts des visiteurs, il n’y a jamais vraiment eu de doute.

Tout ça se conclura lundi à Sunrise, où les Oilers ont un rencard avec l’histoire. S’ils échouent à conclure leur remontée, leur exploit restera un passage dans le récit d’un printemps interminable – on est rendus l’été, au fait, indice que c’est trop long.

Mais s’ils réussissent, on parlera sans conteste de l’un des triomphes les plus exceptionnels du sport professionnel, point.

Ce n’est pas une perspective qui se présente souvent. Alors il y a lieu d’en profiter.