Sur papier, le projet est emballant.

Amanda Kessel, l’une des meilleures joueuses de l’histoire du programme américain, sur le même trio que Marie-Philip Poulin. Deux attaquantes vedettes, rivales de longue date, réunies au sein de ce qui deviendrait peut-être le duo offensif le plus dangereux de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), voire le trio le plus dangereux avec Laura Stacey à sa gauche.

Qui est contre ? Nous non plus.

Maintenant, cette unité aura-t-elle même la chance d’être réunie ? Il est permis d’en douter. Car le choix de l’équipe de Montréal de sélectionner Kessel au septième tour (41e rang) du repêchage, lundi soir, a de quoi laisser perplexe.

Si elle évoluait dans la LPHF l’automne prochain, Kessel renouerait avec la compétition après une absence de plus d’un an et demi. À la suite du championnat mondial de 2023, au cours duquel ses neuf points en sept matchs ont contribué au triomphe des Américaines, elle a mis sa carrière de joueuse en veilleuse afin de poursuivre celle qu’elle avait amorcée un an plus tôt au sein de la direction des Penguins de Pittsburgh.

D’abord embauchée par le truchement d’un programme de développement de futurs gestionnaires, elle a été promue comme conseillère spéciale au directeur général Kyle Dubas. Son rêve, elle ne l’a jamais caché, est d’un jour diriger une organisation.

Son emploi actuel implique une grande quantité de recrutement, amateur comme professionnel, a-t-elle expliqué en mars dernier au réseau ESPN. Des fonctions difficilement conciliables avec un emploi à temps plein comme joueuse professionnelle, surtout à Montréal, d’où elle ne pourrait essentiellement assister sans long déplacement qu’aux matchs du Canadien, du Rocket de Laval ou de l’Armada de Blainville-Boisbriand, dans la LHJMQ.

Après la séance de repêchage de la LPHF, lundi, la directrice générale Danièle Sauvageau a indiqué n’avoir pas encore eu le temps de discuter avec Kessel au sujet de sa toute récente sélection. Les joueuses désireuses de se retirer du repêchage avaient eu l’occasion de le faire, a-t-elle rappelé. Autrement dit : si Kessel est demeurée admissible, c’est parce qu’elle veut jouer.

Quarante occasions

Il n’en demeure pas moins que tous les DG avaient eu 40 occasions de choisir Kessel, sans conteste l’une des meilleures joueuses disponibles. Une analyse du média Athlétique la plaçait au 6e rang des « espoirs » disponibles – à bientôt 33 ans, le qualificatif fait sourire, surtout s’il s’agit d’une triple médaillée olympique.

La décision de Montréal de prendre Kessel à l’avant-dernier rang ne représente pas en soi un risque énorme. Il y aura abondamment de talent disponible sur le marché des joueuses autonomes, si jamais l’équipe ne remporte pas son pari.

Il n’empêche qu’il y a lieu de s’interroger sur le fait que cinq autres DG aient fait l’impasse sur celle qui pourrait devenir instantanément une joueuse d’impact dans cette ligue. Doutaient-ils de ses chances réelles de revenir au jeu ? Certains craignaient-ils qu’elle refuse de venir jouer au Canada ? Ses demandes salariales étaient-elles difficiles à honorer, à un moment où il ne reste plus beaucoup d’argent pour les nouveaux contrats ?

Si son souhait avait explicitement été de jouer coûte que coûte, n’importe où, son nom aurait été prononcé très tôt. Si son souhait avait plutôt été de jouer en poursuivant ses activités avec les Penguins, elle aurait pu espérer être repêchée par un club américain (Minnesota, New York, Boston). Le lien avec Boston était évident, vu la présence derrière le banc de sa belle-sœur, Courtney Kessel. Or, puisque la ligue n’accorde plus de privilèges en raison de contraintes personnelles, comme ç’avait été le cas l’an dernier, il aurait fallu croiser les doigts.

Mystère

Le mystère, donc, est complet. À la suite du repêchage de lundi, Amanda Kessel n’a rien publié sur les réseaux sociaux. Elle n’y est pas très active d’ordinaire, mais même les plus discrètes sortent toutes de leur réserve habituelle à cette occasion spéciale. Pas elle. Les Penguins n’ont rien publié non plus pour la féliciter.

Ni son agent ni Danièle Sauvageau n’ont rappelé La Presse. Et notre demande d’entrevue avec la joueuse, par le truchement de l’équipe, n’a pas abouti.

Trois options s’offrent désormais à Kessel :

1. Signer un contrat avec l’équipe montréalaise. Si l’attaquante refuse une offre qui lui est faite, l’organisation garde l’exclusivité de ses droits de négociation pour deux ans.

2. Refuser l’offre et rentrer chez elle, ce qui mettrait vraisemblablement fin à sa carrière professionnelle.

3. Convaincre la direction de l’échanger.

Ce dernier scénario semble peu probable. Montréal n’aurait aucun intérêt à s’en défaire pour une chanson, et si aucune autre équipe n’a voulu la repêcher, pourquoi payer cher pour l’acquérir après coup ?

Il est évident que la meilleure avenue est la première, assurément pour le club et peut-être aussi pour Amanda Kessel elle-même.

Si, d’aventure, son intention était de retourner aux Jeux olympiques, on peut présumer que ceux de 2026, en Italie, seraient ses derniers. Après avoir passé 18 mois loin de la glace, elle pourrait trouver un tremplin formidable à Montréal pour se faire valoir aux yeux de USA Hockey.

Cet argument servira-t-il à Danièle Sauvageau pour la convaincre de traverser la frontière ? Au risque de se répéter : peut-être.

En réalité, toutes les questions dans ce dossier se résument à une seule : Amanda Kessel jouera-t-elle en 2024-2025 ? Rien n’est moins clair. Si oui, le résultat pourrait être spectaculaire. Sinon, ç’aura été beaucoup de bruit pour rien.