Hugo Houle et Guillaume Boivin n’ont pas ruminé leur non-inclusion dans l’équipe canadienne pour les Jeux olympiques de Paris. Juste avant, ils auront encore une fois la chance de participer au Tour de France.

Les deux cyclistes québécois font partie de la sélection de huit coureurs de la formation Israel-Premier Tech pour le Tour, dont le grand départ sera donné le 29 juin à Florence.

Si le choix de Houle, vainqueur d’étape qui en sera à sa sixième Grande Boucle consécutive, semblait probable, quoique loin d’être certain à la lumière de sa dernière année, celui de Boivin, lui, n’était plus attendu ou presque.

« C’est peut-être la sélection dont je suis le plus fier », a affirmé le vétéran de 35 ans, qui participera à la plus importante course cycliste pour la quatrième année de suite.

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Guillaume Boivin

L’équipe est plus forte d’année en année. Gagner ma place n’était pas évident, mais j’ai réussi à prouver que je la méritais. C’est toujours un honneur d’être au Tour de France.

Guillaume Boivin

Même s’il est le membre d’IPT détenant le plus d’ancienneté, sa route vers le Tour a souvent été tortueuse.

En 2020, Boivin avait intégré la bulle anti-COVID-19, mais rongé son frein à titre de premier réserviste. Il avait reçu l’appel tant espéré l’année suivante en dépit de l’arrivée dans la formation de grosses pointures comme Chris Froome, Dan Martin, André Greipel et son ami Michael Woods. Moins d’une semaine après l’arrivée à Paris, il posait les roues à Tokyo pour son baptême olympique.

Exclu de l’alignement en 2022, il avait été rapatrié in extremis après le retrait de son coéquipier israélien Omer Goldstein, cas contact à la COVID-19. L’an dernier, l’ex-champion canadien était assez convaincu de ses chances.

Les huit coureurs d’Israel Premier Tech au Tour
  • Pascal Ackermann

    PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ISRAEL-PREMIER TECH

    Pascal Ackermann

  • Guillaume Boivin

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    Guillaume Boivin

  • Jakob Fuglsang

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    Jakob Fuglsang

  • Derek Gee

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    Derek Gee

  • Hugo Houle

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    Hugo Houle

  • Krists Neilands

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    Krists Neilands

  • Jake Stewart

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    Jake Stewart

  • Stevie Williams

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    Stevie Williams

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Cette année, Boivin était presque résigné à ne pas disputer un quatrième Tour de France consécutif. Après un printemps calamiteux, ponctué de maladies, de blessures et de chutes, il a retrouvé son coup de pédale le mois dernier. Or une faute de positionnement à l’approche d’un secteur clé de la classique de Bruxelles, le 2 juin, l’a empêché de prêter main-forte à son coéquipier Pascal Ackermann pour le sprint final.

« Ce n’était pas une question de jambes, parce que je me sentais super bien, mais mentalement, j’ai commis des erreurs et j’ai manqué la cassure dans le mur de Grammont. J’aurais dû être là, je n’avais pas d’excuse. C’était vraiment une mauvaise course de ma part. »

Conséquence : la direction sportive d’IPT l’a exclu du Tour de Suisse où il devait finaliser sa préparation avant le Tour de France. « Je comprends ça, ça fait partie du sport. J’ai été fâché une journée ou deux, mais je me suis reconcentré. »

Redéployé sur deux épreuves belges, le Québécois les a abordées « avec le couteau entre les dents », conscient qu’il jouait son va-tout.

À l’attaque durant À travers le Hageland, semi-classique d’un jour où il a fini 13e, il a ensuite été de toutes les batailles au Baloise Belgium Tour. Sa formation s’est distinguée dans les étapes décisives, dont la dernière alors que Tom Van Asbroeck a abouti sur le podium derrière Tim Merlier et Jasper Philipsen, « pas mal les deux meilleurs sprinteurs au monde », dixit Boivin. Son compatriote Pier-André Côté a également terminé 10e au général.

Au bout du compte, ce « coup de pied dans le c… » de la part de ses patrons a probablement été providentiel. « Ça m’a permis de faire ces courses avec un peu rien à perdre. D’une certaine façon, ça a peut-être eu l’effet contraire [que d’ajouter de la pression]. Je me sentais plus libre dans ces courses-là en Belgique. J’ai juste éprouvé du plaisir avec un beau groupe et des jeunes très forts. »

PHOTO PETER MᴄCABE, LA PRESSE CANADIENNE

Guillaume Boivin (deuxième à partir de la droite) dans le peloton lors du Grand Prix cycliste de Montréal, en septembre dernier

Boivin a passé la journée de mardi avec le téléphone toujours à portée de main, « le cœur qui montait de vingt battements par minute » à chaque sonnerie ou notification. Comme ses coéquipiers qui faisaient partie de la longue liste pour le Tour, il était anxieux de voir apparaître le nom de son directeur sportif Steve Bauer sur l’afficheur. Vers 18 h 30, l’ex-maillot jaune canadien lui a annoncé l’heureuse nouvelle.

« Je remercie l’équipe parce qu’ils m’ont dit : “Prouve-nous que tu es assez bon, en forme et de niveau pour aller au Tour et on va te prendre.” Ils ont été honnêtes. Ils auraient pu juste me tasser quand je n’ai pas fait le Tour de Suisse ou le Dauphiné. »

Houle reçoit lui aussi l’appel

À peu près au même moment, Hugo Houle a reçu l’appel positif de Bauer. Sixième fois ou pas, l’athlète de 33 ans a attendu la décision avec fébrilité.

« On met beaucoup d’efforts, a-t-il souligné. Ça fait des semaines qu’on se prépare. Donc d’avoir cette forme-là pour aller faire des barbecues, ce n’est pas l’objectif. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Hugo Houle à Montréal, en septembre dernier

Le vainqueur d’une étape pyrénéenne à Foix, en 2022, estime être surtout récompensé pour sa polyvalence et sa « constance » au fil des années. Il a terminé les huit grands tours de trois semaines auxquels il a pris part.

« Chaque année, il y a toujours un certain risque quand tu décides de faire le Tour. Il y a une probabilité que tu ne le fasses pas finalement. C’est une course tellement convoitée. Une erreur dans ta préparation ou une malchance peuvent vite t’écarter aussi. »

Au fil de la journée, Houle a appris que d’excellents collègues étaient laissés de côté. D’une certaine façon, plus l’appel tardait, le meilleur était l’augure.

« Pour les dernières places, honnêtement, c’est toujours très tendu. Tout le monde est bon. C’est pour ça que faire le Tour est un privilège que je ne prends pas à la légère. »

Après une première moitié de saison en deçà de ses standards habituels, le domestique de luxe s’est rassuré au Critérium du Dauphiné en appuyant son compatriote Derek Gee, gagnant de la première étape et troisième au général.

« Je ne suis pas nécessairement le plus fort ou le plus impressionnant sur le plan des qualités physiques, a analysé Houle, mais j’offre tout le temps un niveau de performance assez stable qui fait de moi une valeur quand même sûre. »

Sa capacité à bien lire les mouvements de course dans la dynamique particulière de la Grande Boucle est un autre atout qui a séduit ses patrons, croit-il.

Cycliste « passe-partout », Houle s’attend à être sollicité dans toutes les circonstances, que ce soit dans les sprints pour l’Allemand Ackermann, auxquels participera Boivin, ou dans la haute montagne pour Gee, qui découvrira le Tour.

Le Britannique Jake Stewart agira à titre de poisson-pilote d’Ackermann, l’attaquant letton Krists Neilands devrait lui aussi servir sur tous les terrains, le puncheur britannique Stephen Williams chassera les étapes, tandis que le Danois Jakob Fuglsang, grand ami de Houle, sera capitaine de route comme au Dauphiné.

Chris Froome n’a pas été retenu comme l’an dernier, ce qui n’est pas une surprise à l’aune de son niveau actuel, mais un récent article incendiaire de L’Équipe a laissé entendre que les patrons d’IPT souhaitaient le retour du quadruple lauréat britannique.

PHOTO MARCO ALPOZZI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le sprinteur allemand Pascal Ackermann, lors d’une victoire d’étape en Italie, en 2020

Avec un sprinteur pur comme Ackermann, Houle s’attend à « avoir du boulot pratiquement tous les jours ». Sur le plan personnel, il aimerait s’offrir une place parmi les cinq premiers dans une étape, estimant ses chances meilleures dans la deuxième moitié de l’épreuve de trois semaines.

Pour la première fois de l’histoire, le Tour de France ne se conclura pas sur les Champs-Élysées, en raison du début des JO, mais plutôt par un contre-la-montre entre Monaco et Nice, dans la cour arrière d’Hugo Houle.

Dans un monde idéal, Houle serait vite reparti dans la Ville Lumière pour ses troisièmes JO, mais les sélectionneurs canadiens ont opté pour Gee et Woods. Ce choix se défend bien, tant de son avis que de celui de Boivin, qui, lui, profitera de cette pause pour se marier chez lui en Andorre.