Ce que je pense du nouveau contrat de Juraj Slafkovsky ? La même chose que pour l’entente signée par Cole Caufield l’été dernier.

Oui, 60 millions US pour un joueur qui n’a inscrit que 60 points dans la Ligue nationale, c’est énorme. Très peu de joueurs actifs ont signé un aussi gros contrat à 20 ans. Ce contrat est non seulement un risque calculé ; c’est une profession de foi.

Contrats signés à 20 ans, parmi les joueurs actifs

  • Connor McDavid : 100 millions/8 ans
  • Tim Stützle : 66,8 millions/8 ans
  • Jack Hughes : 64 millions/8 ans
  • Andrei Svechnikov : 62 millions/8 ans
  • Juraj Slafkovsky : 60,8 millions/8 ans

Source : Spotrac. D’autres joueurs, comme Leon Draisaitl et Jack Eichel, ont aussi signé des ententes de plus de 60 millions après leur contrat d’entrée dans la LNH, mais ils avaient 21 ans.

Après, qui sont les joueurs les plus populaires de l’équipe ? Ceux qui vous font rêver, lever de votre siège et acheter des chandails bleu-blanc-rouge ? Les trois plus hauts salariés de l’équipe : Nick Suzuki, Caufield et Slafkovsky. Dans une organisation qui cherche des leaders offensifs depuis 30 ans, ce profil vaut son pesant d’or (plus quelques dizaines de millions de dollars américains).

La durée de l’entente a fait l’objet de négociations, a révélé le directeur général du Canadien, Kent Hughes. « Juraj adore jouer ici. L’objectif a toujours été de savoir si on pouvait [s’entendre] pour un contrat à long terme, que ce soit huit ans, sept ans ou même six ans. On a fait beaucoup d’allers-retours. »

C’est que chaque terme présente du pour et du contre. Pour le Canadien, l’avantage d’un contrat de huit ans, c’est qu’il retardera de quatre saisons le moment où Slafkovsky profitera de son autonomie complète. L’inconvénient ? Ces quatre années d’autonomie coûtent cher. Le CH devra payer son jeune ailier comme un joueur étoile dès ses 21 ans, plutôt que dans la mi-vingtaine.

Est-ce une bonne stratégie ?

Ça dépend de la situation du club.

Examinons les « deuxièmes contrats » accordés aux attaquants repêchés au tout premier rang, comme Slafkovksy, dans l’ère du plafond salarial.

En 2007-2008, Alexander Ovechkin et Sidney Crosby ont pris des chemins différents. La vedette des Capitals de Washington a signé une entente de 124 millions pour 13 ans. Celle des Penguins de Pittsburgh : 43,5 millions pour cinq ans.

Pour les Penguins, c’était une proposition risquée. Crosby allait pouvoir profiter de son autonomie plus rapidement. Par contre, son salaire allait être moins élevé que si l’entente s’était étalée sur 10 ans. Cela a permis aux Penguins de dégager une marge de manœuvre pour acquérir des vétérans de qualité et signer d’autres jeunes joueurs à long terme. Dès la première année du contrat, les Penguins ont gagné la Coupe Stanley.

Patrick Kane et Steven Stamkos ont eux aussi signé des contrats intermédiaires de cinq ans, qui laissaient une marge de manœuvre budgétaire à leurs clubs. Un pari payant pour les Blackhawks de Chicago, qui ont gagné deux Coupes pendant cette entente.

À partir de John Tavares, les ententes se sont allongées. L’ancien premier choix des Islanders de New York avait opté pour une entente de six ans. Taylor Hall, Ryan Nugent-Hopkins, Nathan MacKinnon et Nico Hischier ? Sept ans. Connor McDavid et Jack Hughes ? Huit ans. De ce groupe, seul MacKinnon a gagné la Coupe. Je précise que son contrat, de 6,3 millions par saison, était fortement avantageux pour l’Avalanche du Colorado.

Il manque deux noms à la liste des attaquants repêchés au premier rang : Nail Yakupov et Alexis Lafrenière. Puisqu’ils n’étaient pas encore établis comme des joueurs étoiles, ils ont préféré un contrat-pont de deux ans. Lafrenière n’est payé que 2,3 millions, une aubaine extraordinaire pour les Rangers de New York. Posséder un attaquant de ce calibre, à si petit prix, leur a permis d’investir ailleurs. D’accord, ils n’ont pas gagné la Coupe Stanley. Mais ils ont quand même terminé la saison au premier rang du classement général.

Et le Canadien, dans tout ça ?

Sa situation est différente de celle des Rangers. Lorsque le contrat de Slafkovsky commencera, en 2025-2026, l’équipe ne sera pas encore à son zénith.

Le CH n’aura pas besoin de la flexibilité budgétaire qu’offre une entente de deux à cinq ans. C’est vers la fin de la décennie que ça se corsera.

C’est pourquoi il est avantageux pour le Canadien de connaître dès maintenant les salaires de ses vedettes, et de savoir que rendu là, chacune comptera pour moins de 10 % de la masse salariale du club. Sans compter le fait que si Slafkovsky, Caufield et Suzuki avaient opté pour des contrats-ponts, ils auraient pu profiter de leur autonomie dans la mi-vingtaine. Le CH aurait pu les perdre au cœur de sa reconstruction. Ça s’est produit à Detroit, avec Tyler Bertuzzi.

Donc oui, 60 millions pour un joueur de 20 ans, c’est énorme. Mais c’est le juste prix à payer pour un premier choix autour duquel on souhaite reconstruire sa formation.

Cette signature, annoncée le jour de l’ouverture du marché des joueurs autonomes, a éclipsé une autre nouvelle : le Canadien est incapable de trouver des renforts en attaque pour la saison prochaine. Ce n’est pas à défaut d’avoir essayé. Il a notamment tenté d’attirer Jonathan Marchessault, mais les deux parties ne s’entendaient pas sur la durée du contrat.

Au moment d’écrire ces lignes, la formation du Tricolore est grosso modo la même que celle ayant terminé au 28rang la saison dernière. C’est vrai, Kirby Dach reviendra au jeu après n’avoir disputé que deux parties dans les 18 derniers mois. Mais il faut aussi tenir compte de la perte de Sean Monahan, un des meilleurs attaquants de l’équipe jusqu’à son transfert, en février.

Le Canadien possède des munitions pour échanger un défenseur contre un attaquant. Kent Hughes ne ferme d’ailleurs pas la porte. Or, le marché estival n’est pas exactement à son avantage. Si Jakob Chychrun a été transigé pour Nick Jensen et un choix de troisième tour, Hughes ferait peut-être mieux de garder ses billes.

Autre mauvaise nouvelle pour le CH : plusieurs de ses rivaux de division ont acquis des renforts immédiats, ces derniers jours. Dans l’état actuel des choses, ce sera difficile d’être « dans le mix » des séries l’hiver prochain.

Sinon, ailleurs dans la ligue, qui sont les gagnants et perdants du marché estival ?

LES GAGNANTS

Les joueurs autonomes

Quel est l’impact de la hausse du plafond salarial ? Énorme. La saison dernière, aucun joueur autonome sans compensation n’avait obtenu un contrat de 30 millions US. Trois heures après l’ouverture du marché, lundi, huit joueurs sans restriction avaient déjà dépassé ce plateau. On ne parle pas ici que de supervedettes. Il est notamment question de Matt Roy, Jake DeBrusk et Brett Pesce, qui n’ont jamais participé au match des Étoiles. Même Joel Edmundson a eu droit à un traitement royal, en soutirant 15 millions aux Kings de Los Angeles !

Les Predators de Nashville

PHOTO JULIA NIKHINSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Brady Skjei

Les Predators n’ont jamais été des titans offensifs. Leur record ? 266 buts. C’était la saison dernière, et ils étaient loin de la tête de la ligue, au dixième rang. C’est sur le point de changer. Ils viennent d’embaucher deux compteurs de 40 buts, Steven Stamkos et Jonathan Marchessault. Les deux sont des gagnants récents de la Coupe Stanley, et ils sont réputés pour leur ascendant positif sur leurs coéquipiers. De plus, les Predators ont enrôlé un des défenseurs les plus convoités du marché des joueurs autonomes, Brady Skjei, qui vient de connaître la meilleure saison offensive de sa carrière, avec 47 points.

Les Bruins de Boston

Depuis 10 ans, aucune équipe n’a inscrit plus de points au classement que les Bruins. Leurs ambitions sont affichées : rester dans le groupe de tête encore longtemps. C’est un discours qui plaît aux joueurs autonomes. Les Oursons ont réussi à attirer dans leur tanière un des meilleurs centres défensifs de la LNH, Elias Lindholm, ainsi que deux joueurs au physique imposant, Nikita Zadorov et Max Jones. Je ne suis pas emballé par l’échange Linus Ullmark-Joonas Korpisalo, mais c’était nécessaire pour respecter le budget.

LES PERDANTS

Les Sabres de Buffalo

Leur reconstruction s’éternise depuis 13 ans. Ils viennent de racheter le contrat de Jeff Skinner, pour dégager une marge de manœuvre. Leur plus grosse embauche lundi ? Jason Zucker, qui a compté 10 buts de moins la saison dernière que Skinner. Décevant.

Les Hurricanes de la Caroline

Les pertes de Jake Guentzel, Teuvo Tevarainen, Stefan Noesen, Brady Skjei et Brett Pesce leur feront mal.

L’Avalanche du Colorado

Ils sont tellement coincés sous le plafond salarial que je me demande s’ils pourront commencer la saison avec une formation de 23 joueurs. Conséquence : ils ont dû se contenter de faire du lèche-vitrine.