Le Temple de la renommée du hockey dévoilera mardi les noms des prochains joueurs intronisés, et il y a de bonnes chances qu’on y retrouve d’anciens défenseurs du Canadien. Trois d’entre eux sont parmi les meilleurs joueurs admissibles. Voici leurs statistiques en saison.

Joueur A : 1038 matchs, 224 buts, 365 passes, 589 points

Joueur B : 990 matchs, 119 buts, 453 passes, 572 points

Joueur C : 1301 matchs, 220 buts, 591 passes, 811 points

Et parce que je me sens généreux ce matin, je vous donne un indice supplémentaire. Les trois ont porté le chandail tricolore dans la dernière décennie.

Les reconnaissez-vous ?

Le joueur A est Shea Weber.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Shea Weber

Mais, monsieur le chroniqueur, Shea Weber n’est-il pas encore sous contrat avec une équipe de la Ligue nationale ? Bien vu. Même qu’il est le joueur qui occupe le plus d’espace sur la masse salariale de l’Utah HC.

Après, ce n’est pas un bloquant pour être élu au Temple de la renommée. La règle, c’est qu’un joueur devient admissible trois années après avoir disputé son dernier match professionnel ou international. C’est le cas de Weber, inactif depuis la finale de la Coupe Stanley de 2021.

Sa candidature est intrigante, car il part avec deux prises contre lui.

Primo, il n’a gagné qu’un seul trophée individuel, le Mark-Messier. Deuxio, son nom n’est pas gravé sur la Coupe Stanley. « HÉRÉSIE », scanderont les puristes. Tous les membres du Temple de la renommée doivent avoir gagné la Coupe au moins une fois.

Euh… non.

Dans une ligue à six équipes, peut-être. Dans une ligue à 32 clubs, c’est placer la barre trop haut. Même au Temple de la renommée du baseball, où les critères d’admission sont beaucoup plus élevés qu’au panthéon du hockey, une conquête de la Série mondiale n’est pas un prérequis.

Préparez-vous à voir de plus en plus d’intronisés sans bague de champion. Juste dans les trois dernières cohortes, il y a eu Daniel Alfredsson, Jarome Iginla, Henrik Lundvqist, Roberto Luongo, Pierre Turgeon, Doug Wilson et les frères Sedin.

Ce qui importe vraiment, c’est de déterminer si le candidat a été un des meilleurs joueurs de son époque à sa position. Ici, Shea Weber marque des points. Il a été nommé deux fois sur la première équipe d’étoiles, et deux autres fois sur la deuxième. Ça embellit un CV.

De plus, il s’est retrouvé 9 fois parmi les 10 défenseurs ayant reçu le plus de votes pour le trophée James-Norris. Et ça, amis lecteurs, c’est très rare. Dans les 25 dernières années, seulement deux autres défenseurs ont accumulé 9 top 10.

Victor Hedman ?

Roman Josi ?

Kristopher Letang ?

Trois fois non.

La réponse : Nicklas Lidstrom et Zdeno Chara. De la très belle compagnie.

Shea Weber possède aussi un palmarès international exceptionnel. Il y a sûrement plus d’or sur ses médailles que dans toute la salle du trône d’Un prince à New York.

Ses titres ? L’or aux JO (deux fois), au Championnat du monde sénior, au Championnat du monde junior et à la Coupe du monde. Plus la Coupe Memorial. Il mérite haut la main d’être élu au Temple dès cette année.

Le joueur B était un contemporain de Shea Weber. Ses statistiques sont semblables. Même que sa moyenne de points par match est légèrement supérieure. Pourtant, ce défenseur n’a jamais été nommé sur l’équipe d’étoiles. Il n’a jamais terminé dans le top 5 pour le trophée Norris. Et même s’il a passé toute sa carrière à Montréal, il n’a jamais été élu joueur de l’année au sein de l’organisation.

Qui est-ce ?

Andrei Markov.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Andrei Markov

Comment expliquer l’écart de reconnaissance, par rapport à Weber ? Bien que les deux étaient des quarts-arrières offensifs, leurs styles de jeu différaient. Markov était surtout reconnu pour ses qualités de passeur. Weber, pour tirer des boulets de canon.

En incluant les séries, Markov a terminé sa carrière avec 124 buts. Weber, avec 242 buts. C’est presque le double. En fait, Markov n’a jamais compté plus de 16 buts en une saison. Au moment de faire les comptes, ça joue contre lui. Et son palmarès international n’est pas aussi remarquable que celui de Weber pour compenser.

Andrei Markov entre dans la catégorie des très bons défenseurs. Comme Éric Desjardins, Wade Redden et Dan Boyle. Ces hockeyeurs ont connu plus de succès que des dizaines de joueurs déjà intronisés.

Sauf que selon les critères modernes, ils n’en ont pas fait suffisamment pour que les portes du Temple s’ouvrent devant eux.

Pour le joueur C, j’ai étiré un peu l’élastique. Oui, il a défendu les couleurs du Canadien, mais pas longtemps. Seulement une saison, en fin de carrière, alors qu’il arrivait au bout du rouleau. Le CH l’avait d’ailleurs laissé de côté pendant les séries.

Il s’agit de Sergei Gonchar.

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Sergei Gonchar

OK, il n’a pas laissé un souvenir impérissable à Montréal. Mais à Pittsburgh et à Washington ? Absolument.

On le retrouve dans le top 20 des défenseurs de l’histoire de la Ligue nationale pour les buts, les mentions d’aide et les points. Juste ça, ça devrait suffire pour assurer sa place au Temple.

C’est d’autant plus remarquable qu’il a atteint ces plateaux en jouant dans une des pires périodes offensives de tous les temps. C’est en comparant ses statistiques à celles de ses contemporains qu’on réalise son excellence.

Défenseurs les plus productifs depuis 1994

  • Nicklas Lidstrom, 985 points
  • Brent Burns, 881 points
  • Erik Karlsson, 817 points
  • Sergei Gonchar, 811 points
  • Kristopher Letang, 742 points

En plus, Sergei Gonchar a remporté une Coupe Stanley, deux médailles olympiques et, comme Shea Weber, il s’est retrouvé 9 fois dans le top 10 du vote pour le trophée Norris. Le temps est venu de réparer une injustice, et de lui permettre de rejoindre les immortels à Toronto.