Une alarme d’incendie et une giboulée n’ont pas sorti Audrey Leduc de son plan de match quelques minutes avant la finale du 200 m, dont le coup de départ a été retardé de quelques minutes, dimanche après-midi.

Soulagée par sa victoire au 100 m, qui s’est avéré plus compliqué que prévu vendredi, la sprinteuse de 25 ans a doublé la mise sur 200 m, décrochant le deuxième titre national de sa carrière aux Essais d’athlétisme de Montréal.

Leduc admet s’être un peu impatientée pendant le délai occasionné par l’alarme et la brève ondée qui a mouillé la piste du complexe sportif Claude-Robillard.

« Je me suis dit : calme-toi, savoure le moment, parce que tu es déjà aux sélections, qui se termineront bientôt, a-t-elle relaté après la course. Je ne m’en rendrai même pas compte et les Jeux olympiques seront finis. Alors, profite de chaque étape et prends ton temps. »

Façon de parler, évidemment, parce que Leduc a pris les commandes dès le lancement de l’épreuve, rejoignant Jacqueline Madogo, sa principale rivale et voisine du couloir extérieur, dans le virage balayé par un vent de face. La favorite de la foule a déboulé dans la ligne droite à pleine vapeur, en ayant les coudées franches jusqu’au fil d’arrivée.

Avec un temps de 22,71 s (vent +2,7 m/s), la sportive de Gatineau a devancé les Ontariennes Zoe Sherar (22,95 s) et Madogo (22,95 s), deux coéquipières du club Royal City Athletics de Guelph, séparées par seulement 3 millièmes de seconde à la photo d’arrivée.

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Audrey Leduc a franchi le fil d’arrivée avant Zoe Sherar et Jacqueline Madogo.

C’est vraiment incroyable, je n’ai pas vraiment de mots pour décrire ça, décrire cette saison-là. Je veux juste continuer sur cette lancée pour m’en aller à Paris.

Audrey Leduc

Les spectateurs ont encore rempli les gradins, portant à 22 500 le nombre de billets vendus pour les quatre jours de l’évènement, un sommet pour des championnats canadiens. La détentrice des records canadiens au 100 m (10,96 s) et au 200 m (22,36 s) n’est certainement pas étrangère à ce regain de popularité. Inconnue du grand public il y a deux mois, elle a été de toutes les tribunes depuis.

Cette attention inhabituelle a demandé de la gestion à la nouvelle coqueluche de l’athlétisme québécois. Au 100 m, vendredi soir, elle n’a pas livré la performance souhaitée en dépit de sa victoire en finale. Son chrono de 11,20 s a été son moins bon de la saison.

« Les éléments techniques n’étaient pas là, a relevé son entraîneur Fabrice Akué. La mise en action a été un peu compliquée. Ce n’est pas ce qui est demandé. En se penchant de cette façon-là, tout le reste se complique. Elle était donc un peu hors position. Elle a “combattu” sa course. Elle a gagné, mission accomplie, mais en tant qu’entraîneur, il faut faire le débriefing. On s’est toujours dit qu’on doit être capable de courir une finale en exécutant et non pas en donnant tout. »

« Inspirer des jeunes »

Akué était nettement plus satisfait de la façon dont sa protégée a rebondi pour les 200 m dimanche. En demi-finale, elle a produit un effort sur 120 mètres avant de relaxer sur les 80 derniers, en route vers un temps de 23,28 s (+3,6 m/s), à 18 centièmes de Madogo, qui avait toutefois bénéficié d’un vent encore plus favorable dans la troisième vague (+5,3 m/s).

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Audrey Leduc

« C’est un luxe qu’elle a maintenant, elle peut gérer ses courses, a mentionné l’entraîneur. Si on remonte à l’an passé, elle devait y aller à fond pour passer en finale. »

En finale, les concurrentes ont affronté un vent de face tourbillonnant dans la courbe avant de profiter de ses faveurs dans la ligne droite. « Elle a trouvé ça difficile de garder ses angles, de driver sa position du départ à cause du vent. Malgré tout, ça a bien été. »

La bachelière en psychologie s’est surtout sentie « plus légère » en raison de sa victoire sur la plus courte distance vendredi. « Il reste que j’ai un travail à faire sur la piste. C’est tout en préparation pour Paris. L’adrénaline était quand même bien présente. On veut gagner, on veut bien performer. »

Après la conquête de ses deux premiers titres nationaux seniors, Leduc a remercié le public au micro, elle qui a dû limiter les bains de foule et se tenir loin de sa famille pour éviter de dépenser trop d’énergie pendant la compétition. Elle a néanmoins pris le temps de signer des autographes et de faire des photos après ses victoires.

Je le prends du côté positif. C’est une chance d’inspirer des jeunes, leur donner des conseils si jamais ils en ont besoin, être là pour l’athlétisme québécois.

Audrey Leduc

Après quelques jours de repos, Leduc recommencera l’entraînement à Claude-Robillard. Elle se concentrera sur la préparation de ses épreuves individuelles en vue des JO, avant de rejoindre ses coéquipières du relais pour la rencontre de Londres de la Ligue de diamant, le 20 juillet. Sa participation au 200 m individuel reste à déterminer, a indiqué son coach.

Au 200 m masculin, Aaron Brown s’est envolé vers la victoire en 20,09 s (+3,1 m/s) pour décrocher son 12titre canadien. « J’en avais six au 100 mètres, j’en ai maintenant six au 200 mètres, je devais égaler les choses ! », a pouffé celui qui disputera déjà ses quatrièmes JO à l’âge de 32 ans.

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Aaron Brown

Le Torontois a respectivement battu Brendon Rodney (20,34 s) et Jerome Blake (20,41 s) pour effacer sa déception au 100 m, où il a dû se contenter du troisième rang. Le double médaillé olympique au relais visera un premier podium individuel à Paris.

Déceptions au 1500 m

Au 1500 m, les têtes d’affiche québécoises sont restées sur leur appétit. Un peu paralysée par l’ampleur de ses premières sélections olympiques, Simone Plourde (4 min 13,45 s) a fini troisième d’une finale tactique dominée par Lucia Stafford en 4 min 10,14 s. L’Ontarienne Kate Current (4 min 12,62 s) s’est glissée entre les deux.

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Simone Plourde (au centre) lors de la finale du 1500 m

« Pour être complètement honnête, j’étais super nerveuse avant la course et ça ne s’est pas très bien passé », a admis la Montréalaise de 23 ans, médaillée d’argent l’an dernier.

Je me mets beaucoup de pression sur les épaules et c’est certain que je suis vraiment déçue du résultat. J’y allais pour la victoire, d’autant que c’était à la maison. On fait juste se croiser les doigts. La période de qualification se termine aujourd’hui. Il me reste un mois pour me préparer et arriver en forme à Paris.

Simone Plourde

Affaiblie par un virus, Plourde a passé une semaine au lit au début du mois, ce qui a compliqué sa tentative d’atteindre le standard de sélection. La bachelière en kinésiologie à l’Université de l’Utah est néanmoins en bonne position pour les JO, occupant le 40échelon sur 45 avant l’ultime mise à jour de World Athletics.

Dans quatre ans, elle vise à se trouver dans la même position que Charles Philibert-Thiboutot, qui a son minima en poche depuis l’an dernier.

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Charles Philibert-Thiboutot (à gauche) a terminé derrière le gagnant Kieran Lumb lors de la finale du 1500 mètres.

Qualifié ou pas, le vétéran de Québec tenait à reconquérir sa couronne nationale, mais Kieran Lumb a encore une fois eu le meilleur grâce à une accélération judicieuse à l’amorce du dernier tour. Quatrième à ce moment-là, Philibert-Thiboutot a dû produire un grand effort pour tenter de boucher le trou dans la ligne droite opposée, où un vent de face a sapé ses énergies. Même s’il a été le plus véloce au sprint, il a manqué d’espace, cédant la victoire au Britanno-Colombien par 19 centièmes.

« J’étais très bien placé tout le long de la course, mais Kieran a donné un gros coup à un tour de la fin et je me suis fait prendre avec les autres dans le peloton », a analysé le médaillé d’or des Jeux panaméricains.

Dans le dernier 100 mètres, j’étais le plus rapide de tout le monde. C’est le genre de vitesse de pointe qu’on recherche pour les Jeux olympiques, parce que les courses se jouent littéralement dans les 100 derniers mètres. Je suis content de cette progression-là.

Charles Philibert-Thiboutot

En raison de sa deuxième position, Philibert-Thiboutot n’a pas pu signer la carte d’embarquement géante officialisant sa deuxième participation aux JO. Il devra patienter jusqu’à l’annonce d’Athlétisme Canada mardi.

En revanche, il effectuera un retour en Ligue de diamant dimanche prochain dans le cadre de la réunion de Paris. Il sera sur la ligne du départ d’un 3000 m très relevé avec son collègue Thomas Fafard, qui attend toujours la confirmation de sa sélection olympique au 5000 m, quoiqu’elle semble plus probable que jamais.

« Deux membres du même club dans la même épreuve en Ligue de diamant, je pense que c’est une première au Québec, a souligné Philibert-Thiboutot. J’en suis très excité. »

Jean-Simon Desgagnés complétera la trifecta québécoise en participant au 3000 m steeple de la même compétition présentée au stade Charléty. Ce sera difficile pour les trois amis de ne pas songer au grand rendez-vous qui devrait les réunir dans un mois au Stade de France de Saint-Denis, de l’autre côté de la ville.