La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes.
Aujourd’hui : Catherine*, mi-trentaine

Certains se trompent, puis se séparent, blessés. D’autres se séparent avant même de se tromper. C’est le cas de Catherine*. Récit d’un « break » bénéfique qui finit bien.

La trentenaire nous a écrit récemment parce qu’elle ne se retrouvait pas dans les propos racontés dans cette chronique. Plusieurs témoignages font en effet état d’infidélités, de blessures et de tentatives de recoller ensuite les pots cassés. « Mais ce n’est pas toujours ça ! Il y a des couples qui éclatent avant même de se tromper ! » Ce faisant, il n’y a pas de trahison à surmonter ni de plaie douloureuse à panser, fait-elle valoir. C’est effectivement son cas. Et le secret de son succès ? En tout cas, elle le croit.

Elle nous a donné rendez-vous dans un café du DIX30, un matin de canicule récent. Grande, exubérante, Catherine brasse de l’air et elle le sait. « J’ai toujours été la grande fille qui parle fort et qui rit fort ! »

Il faut savoir qu’elle est avec son amoureux depuis 17 ans. Quand ils se rencontrent, « j’avais 17 ans ! ». Non, elle n’a pas eu beaucoup de flirts avant. Une toute première expérience à 14 ans pour savoir « c’est quoi ». (Réponse : « C’est ça ? C’est dont ben mécanique ! », éclate-t-elle de rire). Une autre aventure plus ou moins agréable, et c’est tout. « Les gars, ils cherchent la fille délicate dont il faut prendre soin, glisse-t-elle ici. T’as pas besoin de prendre soin de moi… »

Au lit, cela prend un mois avant qu’ils ne passent à l’acte. « La vie est belle, on se fréquente, enchaîne-t-elle. On se colle, on se caresse, je découvre quelqu’un qui a envie de me faire plaisir pour vrai. […] Ce sont vraiment de beaux moments dans les débuts de ma sexualité adulte. »

Quand il y a enfin pénétration, c’est l’« évènement ! », rit-elle de plus belle. « On passait nos journées à faire l’amour, c’était quelque chose ! »

Les mois se suivent, puis les années, « ça marche ». Ils trouvent leur « vitesse de croisière ». Ils ont même un enfant ensemble, début vingtaine. « Sauf que moi, glisse-t-elle ici, je me suis toujours posé des questions. » Des questions ? Catherine ouvre ici une parenthèse : « J’aime les filles ou je n’aime pas les filles ? » C’est que plus jeune, au secondaire, elle a rencontré une « jumelle cosmique », une fille avec qui il ne s’est rien passé, mais qu’elle n’a jamais oubliée. D’où les questionnements : « Avec les années, je me suis demandé si je n’avais pas envie de coucher avec une fille… »

Mais je ne peux pas faire ça à mon chum ! Pour moi, c’est moralement inacceptable !

Catherine, mi-trentaine

N’empêche que l’idée ne la lâche pas. Jamais. Elle prend en fait de plus en plus de place. Et l’envahit carrément. « J’ai comme un feeling que ça me ferait du bien. C’est viscéral. […] Mais je ne peux pas dire ça à mon chum, […] voyons ! Je ne peux pas ! »

Pourquoi pas ? Elle finit par consulter, comprend qu’elle a « le droit » d’être comme elle est (« Ce n’est pas une maladie ! »), et s’ouvre enfin à lui. Réaction ? Sans surprise, monsieur est effectivement blessé. Sans doute se sent-il un brin « émasculé », avance son thérapeute. « Mais moi, j’ai comme un trou en dedans de moi à combler ! »

Et puis pour toutes sortes de raisons, enchaîne Catherine, qui vit à l’époque un solide post-partum, tandis que son amoureux a des horaires atypiques de fous, les jeunes parents finissent par se « pogner » pour un oui et pour un non. Ils se voient peu, comprend-on, et quand ils se voient, tout ce qu’ils font, c’est… « baiser ! ». « On continue d’avoir de la sexualité presque tous les soirs, mais c’est rendu presque un devoir, déplore-t-elle. À un moment donné, j’ai moins le goût ! Je ne suis pas dedans ! […] Je pleure, je me sens sale, c’est juste ça qu’on fait. On n’a plus de moments de complicité. Plus de moments le fun… »

Coup de théâtre : « C’est trop, on se sépare », finit par déclarer l’amoureux. C’était il y a dix ans. La séparation va durer 18 mois.

Et puis ? « La première chose que je fais : je vais coucher avec cette amie », enchaîne notre interlocutrice, sans transition. Monsieur part aussi s’amuser de son côté. On voit un immense soulagement dans son visage. « C’est comme si ça avait enlevé un poids énorme, résume-t-elle tout à coup. […] Je sais maintenant ce que c’est, sans brimer ma moralité et mes valeurs. On ne s’est pas trompés, on n’était plus ensemble ! »

Si vous voulez tout savoir : c’est effectivement « super agréable », confie-t-elle, en allusion à cette « espèce de délicatesse ». « Il y a quelque chose au niveau du toucher qui est différent… » Mais non, ça n’est pas une « révélation ». Plutôt un « apaisement », nuance-t-elle.

Ça a crevé un abcès.

Catherine, mi-trentaine

L’affaire ne se reproduit toutefois pas. Ni avec l’amie, parce qu’elle habite plutôt loin, ni avec d’autres, parce qu’il n’y en a pas tant qui plaisent à Catherine, finalement. En revanche, la jeune célibataire, qui a alors 25 ans, multiplie les rencontres avec des hommes. « Pour le thrill ! Je vis dangereusement. » Elle s’éclate, quoi, et fait ce faisant de belles rencontres, mais aussi de moins belles. « J’ai goûté à ce que je ne voulais pas. » Elle réalise surtout tout ce qu’elle a perdu, croit-on.

Sauf qu’elle n’a rien vraiment perdu, en fait, finit-on par comprendre. Détail non négligeable : Catherine, qui croise régulièrement son « ex » (ils ont un enfant, faut-il le rappeler), continue aussi de coucher avec lui ici et là. « Et ça reste vraiment le fun ! C’est la personne qui connaît le mieux mon corps après moi ! »

Ce qui devait arriver arrive et ils décident de revenir ensemble. Ça semble trop beau pour être vrai, mais non, ça n’a pas été un défi. « Parce qu’il n’y a pas eu de rupture du lien de confiance ! Je ne l’ai pas trompé ! », rappelle Catherine. Mieux : « En voyant plein de monde : je l’ai choisi ! » Mieux encore : lui aussi.

« C’est drôle, on n’a jamais été aussi proches mentalement ! » Il faut dire qu’entre-temps, monsieur a changé de travail, finies les heures de fou, et ils ont réussi à se retrouver physiquement également. « Quand on fait l’amour, c’est vraiment parce qu’on a les deux le goût de le faire. C’est important et vraiment différent ! […] On se fait plaisir, on prend le temps ! »

Et ses fantasmes bisexuels, dans tout ça, ose-t-on ? Plusieurs autres enfants plus tard, « je n’ai plus tous ces questionnements, répond-elle. En le vivant, ça a apaisé un feu qui bouillait, ça ne prend tellement plus de place. Je ne sais pas si c’est la maturité, mais maintenant, je ne pense plus rien qu’à ça. J’ai tellement d’autres projets dans ma vie ! ».

Catherine le sait : il fallait qu’elle vive « ces choses-là ». Elle l’a en prime confirmé : « Le gazon n’est pas toujours plus vert chez le voisin. » Morale ? « Pour s’apprécier vraiment, des fois, il faut se séparer… »

* Nom fictif, pour protéger son anonymat.