Deux fois par mois, notre journaliste répond aux questions de lecteurs en matière de santé et bien-être.

« Pourquoi certains spécialistes recommandent-ils le jeûne intermittent qui limite le nombre de repas à deux par jour tandis que d’autres spécialistes recommandent trois repas par jour et deux collations entre ces repas ? Quelle est l’approche la plus saine ? »

– Suzanne Milette, Sainte-Anne-de-Sorel 

L’excitation autour du jeûne intermittent vient principalement de deux résultats, selon Benoît Lamarche, professeur à l’École de nutrition de l’Université Laval et directeur scientifique du centre NUTRISS. Ces deux résultats ont été répétés dans la littérature scientifique de façon presque systématique, dit-il. D’où leur intérêt.

Il y a d’abord les études sur les animaux, qui ont montré que les souris soumises à un contrôle alimentaire et à du jeûne intermittent vivent plus longtemps que les autres. Des chercheurs se sont alors intéressés à l’impact du jeûne intermittent chez l’humain, et leurs études ont montré qu’en suivant un protocole de jeûne intermittent (qui peut prendre différentes formes), les gens perdent du poids rapidement.

« Quand on mange moins de calories, on va perdre du poids – ça, c’est clairement démontré dans la littérature, il n’y a pas de débat là-dessus », résume Benoît Lamarche, qui s’intéresse dans ses recherches aux impacts de l’alimentation sur la santé cardiométabolique et le risque cardiovasculaire. « Le grand débat, il est à propos des défis qu’on rencontre quand on s’embarque dans des diètes comme ça. »

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Benoît Lamarche, professeur à l’École de nutrition de l’Université Laval (et patineur de vitesse)

Le premier défi (« énorme », selon Benoît Lamarche), c’est le maintien dans le temps d’une diète restrictive comme le jeûne intermittent. « Plusieurs études montrent que l’adhésion s’effrite avec le temps », résume-t-il. Socialement, culturellement, il est difficile de maintenir ces habitudes à long terme – que ce soit de ne rien manger entre 20 h et midi ou de faire des journées entières de jeûne.

Le problème, avec les « diètes extrêmes » qui mènent à des pertes de poids rapides, c’est qu’on met l’organisme dans un état de déficit, explique Benoît Lamarche. Or, l’organisme est programmé pour ne pas être en déficit.

Quand on réaugmente le nombre de calories, l’organisme, qui était « en mode veille », stocke les surplus, vulgarise le chercheur. « Le risque de regain de poids est énorme, à moins de vraiment trouver le sweet spot de l’équilibre énergétique », explique Benoît Lamarche.

Lorsqu’on fait des changements nutritionnels, ça prend quelques jours seulement pour voir des bénéfices en matière de santé (cholestérol, pression artérielle, etc.), mais l’inverse est aussi vrai : on perd les gains rapidement quand on revient à ses vieilles habitudes.

Benoît Lamarche cible un autre défi associé au jeûne intermittent : celui de combler ses besoins nutritionnels. Si on supprime des aliments, on supprime aussi des vitamines, des minéraux et des nutriments essentiels.

Pour ajouter à la confusion, rappelons que dans les années 1980 et 1990, des chercheurs canadiens avaient publié des études qui montraient que, pour contrôler sa glycémie, il était préférable de manger plusieurs petites collations par jour que trois gros repas. « C’est complètement contradictoire avec la notion du jeûne intermittent », souligne Benoît Lamarche.

L’équilibre

Revenons à la question de notre lectrice. Quelle est l’approche la plus saine ? Le succès de la santé à long terme, selon Benoît Lamarche, c’est de manger de façon équilibrée, pour répondre à ses besoins énergétiques (sans les dépasser) et à ses besoins nutritionnels.

Ça peut se faire avec huit repas par jour, ça peut se faire avec deux repas par jour, ça peut se faire avec trois repas et deux collations, mais l’idée, c’est d’avoir de la diversité, puis de satisfaire ses besoins par rapport à tous les groupes alimentaires importants.

Benoît Lamarche, résumant le succès de la santé à long terme

Les gros défis nutritionnels sur la planète, c’est la consommation de légumes, de fruits, de protéines végétales, de noix, de grains entiers… Et ce qu’on mange trop, ce sont d’abord et avant tout les produits ultratransformés, la source de 40 % à 50 % des calories consommées par les Canadiens.

« Est-ce que c’est facile à faire ? Non », convient Benoît Lamarche. Les produits ultratransformés sont partout dans notre environnement alimentaire et ils sont abordables. Collectivement, on perd aussi la capacité de se faire à manger, dit-il. Lorsqu’on mange souvent à l’extérieur, la qualité de l’alimentation s’en ressent.

L’alimentation intuitive est un autre courant qui prend de l’ampleur, mais l’adopter n’est pas chose simple, convient Benoît Lamarche, qui rappelle que bien des gens ne reconnaissent plus trop leurs signaux de faim. « Alors comment fait-on ? Il s’agit d’abord d’en être conscient, d’être accompagné aussi, pour être en mesure de faire des changements durables, indique Benoît Lamarche. Il n’y a pas de recette magique. C’est malheureux, mais c’est ça. »