Lorsque Skylar Hertz, étudiante au Purchase College, s’est fait tatouer Snoopy en train de fumer un joint sur son mollet gauche, elle ne souhaitait pas que cela reste éternellement sur son corps.

En tant qu’actrice en herbe, elle pensait que le fait d’avoir un tatouage pourrait influencer les rôles pour lesquels elle serait considérée. Elle savait également qu’un tatouage permanent dérangerait sa famille. « Je suis juive, donc il est évident que la plupart des membres de ma famille ne sont pas très fans des tatouages », a affirmé Mme Hertz, 20 ans, précisant que la Torah interdit les tatouages et que de nombreux rabbins et membres de sa communauté sont contre cette pratique.

Elle aimait toutefois l’idée de se faire tatouer. Elle a choisi Snoopy pour honorer sa mère, qui jouait le personnage dans une production de You’re a Good Man, Charlie Brown. Elle a ajouté le joint pour lui donner « une petite touche ».

Plutôt que de se rendre dans un salon de tatouage traditionnel, elle s’est tournée vers Ephemeral, une entreprise qui possède un studio à Williamsburg, à Brooklyn, et qui utilise une encre de marque déposée qui s’efface de 9 à 15 mois après avoir été appliquée ; les tatouages coûtent entre 240 $ et 550 $, selon la taille.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB D’EPHEMERAL

L’encre utilisée par Ephemeral s’efface après 9 à 15 mois.

Contrairement aux autres tatouages temporaires, comme la teinture au henné ou les autocollants, les tatouages éphémères, comme les tatouages permanents, sont appliqués à l’aide d’aiguilles et d’encre sous la peau.

Mais certains pensent que l’idée d’un art corporel qui disparaît va complètement à l’encontre de l’objectif.

Joanna Acevedo, 24 ans, qui travaille dans une crémerie à Brooklyn, a plus de 100 tatouages sur tout le corps : « La seule chose que je n’ai pas tatouée est ma poitrine. » Beaucoup de ses motifs sont aléatoires, dit-elle, énumérant « un crocodile, un crâne de chat, un fil barbelé, les mots ‟steak frites”, un aigle, un cactus et un cône de crème glacée ».

PHOTO CAROLINE TOMPKINS, NEW YORK TIMES

Certains des tatouages de Joanna Acevodo

« J’aime le fait qu’ils soient permanents, car ils font partie de moi », dit-elle. « Ils représentent un moment dans le temps, et j’aime vivre avec toute mon histoire. »

Les erreurs de tatouage sont humaines

En plus de la bravade nécessaire pour choisir un tatouage permanent, les regrets sont parfois aussi durables que les tatouages eux-mêmes.

Parfois, la solution pour les faire disparaître implique beaucoup d’efforts, comme c’est le cas avec le détatouage au laser. « Une lumière laser brise les particules du tatouage et les fragmente », explique le DRoy Geronemus, directeur du Laser and Skin Surgery Center of New York.

Cela peut prendre de deux à plus de dix séances, selon la taille du tatouage. J’ai traité une femme avec quelques zones sur son doigt qui m’a pris trois à quatre secondes, et hier, j’ai fait quelqu’un avec une manche entière qui m’a pris une demi-heure.

Le DRoy Geronemus, directeur du Laser and Skin Surgery Center of New York

Le DGeronemus affirme que ses patients ne ressentent aucune douleur avec l’anesthésie locale.

« Je vois un certain nombre de patients qui ont pris des décisions spontanément, sans réfléchir », dit-il. « Un nom qui ne fait plus partie de votre vie n’a pas sa place sur votre corps. Dans la plupart des cas, le partenaire suivant n’aime pas forcément l’idée que le nom de l’ex-partenaire le regarde en face. »

Sans regrets

L’encre pâlissante d’Ephemeral a été inventée par deux ingénieurs chimistes spécialisés dans les protéines, Brennal Pierre, 41 ans, et Vandan Shah, 33 ans. Ils se sont rencontrés à l’Université de New York, où Pierre était professeur auxiliaire et Shah, candidat au doctorat.

Leur travail a commencé en 2014 lorsqu’un des étudiants de Pierre, qui était également l’assistant de recherche de Shah, passait par un processus de retrait au laser très douloureux et coûteux pour un tatouage, et il voulait savoir s’il était possible de l’enlever avec une enzyme.

« C’était tellement intrigant pour nous », raconte Brennal Pierre. Ils ont passé les sept années suivantes à développer une encre qui serait décomposée naturellement par le corps.

Ephemeral a ouvert son premier studio à Brooklyn en mars. Au début de l’été, il y avait huit mois d’attente pour se faire tatouer, selon l’entreprise.

« Nous avons des gens qui viennent en avion de Mexico », affirme Jeff Liu, 33 ans, directeur général d’Ephemeral. Depuis 2015, l’entreprise a amassé plus de 30 millions de dollars, ajoute-t-il. Un deuxième studio ouvrira ses portes à Los Angeles le 24 octobre.

Les tatouages permanents « sont faits avec une technique d’aiguille qui pénètre dans le derme, la partie inférieure de la peau », explique le DGeronemus.

Une fois l’encre déposée, une réponse inflammatoire entoure les particules d’encre et crée une matrice qui permet à l’encre de rester et de ne pas migrer ou disparaître d’elle-même. Ce sont les cellules inflammatoires qui entourent l’encre et lui permettent de rester en place.

Le DRoy Geronemus, directeur du Laser and Skin Surgery Center of New York

L’encre d’Ephemeral est composée d’un matériau que le corps dégrade naturellement avec le temps. L’encre fonctionne de la même manière que les produits médicaux biodégradables comme les sutures utilisées dans les points de suture. Ces produits, comme l’encre, sont décomposés naturellement par l’oxygène et l’eau dans le corps.

« C’était plus que de créer de l’encre, explique Vandan Shah. Nous devions comprendre comment le corps fonctionne, ce que fait l’encre quand elle entre dans le corps. »

Brennal Pierre et Vandan Shah tentent constamment d’améliorer l’encre. L’entreprise ne laisse pas ses clients se faire tatouer sur les mains, les pieds ou le visage, car ces endroits n’ont pas été testés à fond.

Ephemeral estime que plus de la moitié de ses clients se font tatouer pour la première fois, comme Barbara Edmonds, 27 ans, qui vit à Brooklyn. « Je suis une phobique de l’engagement », dit-elle.

Ephemeral a piqué sa curiosité sur Instagram. « Leur slogan est ‟Ne regrettez rien”, et c’est essentiellement pour cela que j’ai décidé de l’essayer », dit-elle. Le 7 août, elle s’est fait tatouer une bague Claddagh, un symbole traditionnel irlandais qui représente l’amour, la loyauté et l’amitié, sur son avant-bras droit.

« Je m’amuse beaucoup avec ça », dit-elle. Mais elle est également heureuse que ce soit temporaire. « Cette partie de mon bras n’est plus ce qu’elle était. C’est flippant. »

Lisez le texte original publié dans le New York Times (en anglais)