Dans son atelier de la Montérégie, l’artisane d’origine franco-guadeloupéenne Marie-José Gustave entrelace des fils de papier pour donner corps à des œuvres où l’on peut retracer sa lignée familiale. Une enfilade de formes qui évoquent la mer et qui composent la trame de son existence métissée, à découvrir dans l’exposition itinérante De fil et de papier, qui fera escale à Saint-Laurent en septembre prochain.

Une construction singulière abrite l’atelier de Marie-José Gustave dans le jardin de sa maison de Longueuil. Le toit, radicalement incliné vers l’avant, célèbre le papier cher à l’artiste et à son conjoint, Gérald Parent, architecte et sculpteur à l’origine de cet espace de création confidentiel. Ici, elle s’autorise toutes les explorations formelles à partir d’un fil aux qualités précieuses, c’est-à-dire à la fois souple et rigide, lorsqu’il est travaillé à dessein. Modelant la matière au fil de ses désirs en accueillant avec considération l’œuvre qui s’offre à elle.

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L’atelier au fond du jardin de Marie-José Gustave arbore des formes inspirées du travail du papier.

Des créations blanches, comme l’écume qui ourle l’eau sur les plages des Caraïbes, viennent d’être accrochées aux murs de bois. Elles rentrent de Québec où Marie-José les a présentées au Centre Materia dans le cadre de l’exposition De fil et de papier, qui voyage à travers le pays depuis l’automne et qui connaîtra son épilogue au Musée des métiers d’art du Québec (MUMAQ), à Saint-Laurent, du 4 septembre au 27 octobre prochains. L’artisane a convié huit autres femmes du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique à la rejoindre pour ce projet mettant en lumière un papier sous-tendant une démarche artistique et un propos culturel engageants.

Au fil du temps

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L’artisane utilise la vannerie pour donner du volume à ses œuvres.

L’histoire de cette Québécoise venue de France est aussi complexe que les œuvres qu’elle crée avec une patience infinie dans le calme de son atelier, une maille à la fois. Née à Paris de parents guadeloupéens, elle y suit une formation en production du vêtement, puis elle part s’installer au Québec, découvert en voyage de noces, où les aléas de la vie l’amèneront à suivre la voie que lui dicte son instinct : travailler le papier, le carton dans un premier temps, pour concevoir des objets utilitaires et décoratifs.

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Marie-José Gustave sculpte le papier et renoue du même geste avec ses racines guadeloupéennes.

Grâce à un atelier de tissage à Montréal, elle s’approprie le fil de papier et renoue avec les techniques ancestrales du crochet et du tricot que lui a apprises sa mère, enfant.

« Ces pratiques textiles faisaient partie du processus d’intégration qu’elle avait connu en France. Ces rencontres lui avaient permis de créer un lien avec la société qui l’avait accueillie à 22 ans, dans les années 1960. La transmission est importante dans ma pratique », souligne Mme Gustave qui s’emploie, à son tour, à partager son savoir-faire et son héritage multiculturel avec sa communauté d’adoption.

En filigrane

  • L’œuvre en fil de papier et anneaux de porcelaine Coraux accompagne l’exposition itinérante De fil et de papier.

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    L’œuvre en fil de papier et anneaux de porcelaine Coraux accompagne l’exposition itinérante De fil et de papier.

  • Explorations de formes au tricot et à la vannerie.

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    Explorations de formes au tricot et à la vannerie.

  • Des éléments ramenés des Antilles ou façonnés dans son atelier, comme de la céramique ou du papier mâché, nourrissent son inspiration.

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    Des éléments ramenés des Antilles ou façonnés dans son atelier, comme de la céramique ou du papier mâché, nourrissent son inspiration.

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L’exposition collective De fil et de papier s’inscrit dans un projet plus vaste et personnel intitulé D’un territoire à l’autre. Elle y met au jour l’importance de l’univers marin dans sa lignée familiale. « Mes parents ont rejoint la France en bateau. À l’époque, lorsque les Antillais quittaient la Guadeloupe, c’était un peu une bouée de sauvetage pour survivre », raconte-t-elle.

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L’artisane a un rapport sensible avec ses œuvres.

Sous ses doigts, ce ne sont pas pour autant ces images qui décident des formes qui émergent de son art, mais la matière avec laquelle elle entretient un rapport sensible.

L’installation sculpturale Les coraux est ainsi née d’un travail de vannerie au maillage rythmé par des anneaux de porcelaine.

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Une infinité d’alvéoles de fil de papier crocheté forme L’écume.

À travers ses ballets de gestes gracieux, Marie-José Gustave cultive une approche méditative. « Le fil symbolise la flexibilité. Il se courbe, il s’adapte au mouvement des mains, mais il garde ses qualités intrinsèques. Un peu comme lorsque l’on arrive dans un nouveau pays avec une autre culture où il faut trouver une façon de coexister avec ce que l’on est et les us et coutumes locales », explique celle qui navigue sans cesse entre plusieurs cultures.

C’est au Québec qu’elle a choisi d’ancrer son destin, il y a 25 ans. Elle y échange volontiers les impressions glanées tout au long de son parcours avec celles et ceux venus d’ailleurs et traversés de doutes existentiels. « Toutes les expériences de rapport à l’autre et à ses différences nous enrichissent », soutient celle qui se prépare à rejoindre, à la fin de l’été, une résidence d’artistes dans le cadre de la biennale Contextile, au Portugal.

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