Nous avons tous notre endroit préféré dans la maison. Des gens nous font découvrir leur pièce de prédilection.

Un fort sentiment de bien-être envahit quiconque met les pieds dans le chaleureux séjour de Sonia Bolduc. Ses vieux meubles récupérés ici et là, qui trouvent chacun leur place dans cet assemblage dépareillé, participent au message : tous sont accueillis comme ils sont dans cette maison.

Le laisser vivre est en effet au cœur de la nature de cette ex-journaliste, potière et poète accomplie à ses heures, aujourd’hui à la tête des communications de la compagnie théâtrale Du double signe, à Sherbrooke. Elle partage sa vie avec la réalisatrice télé Annick Sauvé, aussi photographe d’art. Leur maison à Racine, en pleine campagne, est un lieu de rendez-vous d’amis de tous horizons, venus pour des cafés improvisés, des fêtes, des soirées musicales et des petits spectacles de salon.

Ici, le plancher est fait pour danser et les fauteuils, prévus pour s’évacher, dit Sonia Bolduc.

« J’aime l’idée que la maison soit un point de rencontre, et de retrouvailles, pour des gens qui se connaissent. Mais aussi pour du monde qui ne se connaît pas ou ne provient pas du même milieu », reconnaît celle qui a tenu la chronique pendant des années dans La Tribune de Sherbrooke.

Cela me plaît de voir des gens d’affaires, des artistes, des enseignants, des vieux pis des jeunes rassemblés autour du feu, dans le même espace, et qu’ils se sentent tous chez eux. Je peux alors dire que la maison est habitée, pas décorée.

Sonia Bolduc

PHOTO ANNICK SAUVÉ, FOURNIE PAR SONIA BOLDUC

Vue sur le séjour de la vieille maison de ferme, avec le piano droit au fond

Cette hospitalité, authentique, s’incarne par cette grande pièce qui distille des airs de vacances au chalet. Un peu partout dans la vieille maison de ferme s’accumulent les piles de livres. Le vieux piano droit se fait invitant. Le vent souffle par les fenêtres et les portes toujours grand ouvertes. On y entre simplement en s’essuyant les pieds.

« Je dis au monde de garder leurs souliers parce que, dans deux minutes, on va aller marcher dans le jardin ou se promener dans le bois », raconte Mme Bolduc.

« Jamais je ne dirai à quelqu’un de ne pas regarder le ménage. Ce n’est pas ça, l’important. Je veux avant tout que les gens trouvent le fauteuil le plus confortable pour regarder dehors, ramasser un livre, écouter de la musique, jaser, boire, manger… Et souvent, après 15 minutes, ils finissent par dire “Dieu qu’on est bien chez vous !”. »

Des amis gardés tout près

PHOTO ANNICK SAUVÉ, FOURNIE PAR SONIA BOLDUC

Anciens bancs récupérés du Théâtre Granada de Sherbrooke

La belle maison du couple Bolduc-Sauvé date de la seconde moitié du XIXsiècle. Les deux femmes ont acheté cette maison de rêve à un ami qui, comme elles, cultive les occasions de fêter. Ce dernier avait déjà abattu les cloisons du rez-de-chaussée pour ne pas entraver les discussions entre le foyer et le fourneau. Les vieilles poutres au plafond laissent deviner les pièces d’antan.

Seuls les meubles départagent aujourd’hui le salon, la cuisine et la salle à manger.

PHOTO ANNICK SAUVÉ, FOURNIE PAR SONIA BOLDUC

Le classeur a été sauvé d’un vieil atelier d’imprimerie.

« On avait déjà pas mal placé dans nos têtes nos vieux meubles chinés un peu partout », se rappelle cette invétérée des encans, des brocantes et des ventes de garage. Chez elle, un classeur sauvé d’un vieil atelier d’imprimerie et deux anciens bancs du vénérable Théâtre Granada de Sherbrooke peuvent se côtoyer avec élégance. « C’est hétéroclite, comme la vie », illustre-t-elle.

Un peu partout trônent des œuvres d’artistes locaux comme le sculpteur Matthieu Binette, la céramiste Amélie Pomerleau et la peintre Deborah Davis. « Et d’autres amis qu’on aime beaucoup. »

« C’est une autre façon de garder les gens qu’on aime près de nous. Ils ne sont pas là pour la décoration », souligne Sonia Bolduc.

Éloge de la lenteur

  • Œuvre de l’artiste estrienne Madeleine Lemire

    PHOTO ANNICK SAUVÉ, FOURNIE PAR SONIA BOLDUC

    Œuvre de l’artiste estrienne Madeleine Lemire

  • Œuvre de l’artiste sherbrookoise Catherine Landry

    PHOTO ANNICK SAUVÉ, FOURNIE PAR SONIA BOLDUC

    Œuvre de l’artiste sherbrookoise Catherine Landry

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La robuste maison aux fondations de pierre se trouve au sommet d’une colline, tout au bout d’une étroite route de terre. « On y voit passer environ une auto et demie par semaine », évalue Mme Bolduc.

Cet isolement contribue à la richesse du séjour, enchaîne-t-elle.

La maison n’est pas toujours pleine. C’est aussi un endroit de réflexion et de silence. Nous ne sommes jamais envahis par quoi que ce soit que nous n’avons pas décidé par nous-mêmes. À part le vent.

Sonia Bolduc

Les pannes d’électricité sont autant de moments de joie pour le couple, qui chérit l’absence d’urgence. « La lenteur, il faut se la créer. L’obligation de courir provient des besoins qu’on se crée. Moi, mes besoins, c’est de pouvoir prendre deux cafés avec ma blonde le matin, aller prendre une marche avec mes chiens et, idéalement, avoir le temps de faire un peu de poterie avant d’envisager d’aller travailler. Et de pouvoir tout refaire ça à mon retour. »

Son séjour représente cet idéal de lenteur, ajoute-t-elle.

« Il y a des moments dans la journée où tu ne peux pas sortir de cette pièce. À l’automne, quand arrive le coucher du soleil et que tu es sur le bord du poêle à bois, c’est un moment extraordinaire. Ou un vendredi soir quand une dizaine d’amis viennent jouer du piano. C’est une pièce faite pour profiter du temps qui s’étire », conclut-elle.