(Doha) Les concessions faites aux talibans pour qu’ils participent à des pourparlers organisés par l’ONU à Doha, notamment l’exclusion de groupes de défense des droits des femmes, en « valaient la peine », a déclaré mardi l’envoyé spécial de l’Union européenne (UE) en Afghanistan.

Les organisations de défense des droits de la personne ont vivement critiqué la décision de l’ONU d’exclure des groupes de la société civile de cette réunion de deux jours (dimanche et lundi), la troisième du genre organisée au Qatar en un peu plus d’un an, et la première à inclure les autorités talibanes qui ont repris le pouvoir en 2021.

Des groupes de la société civile et des militantes des droits des femmes ont pu cependant rencontrer mardi à Doha des responsables et des envoyés spéciaux, alors que d’autres ont décidé de boycotter cette journée supplémentaire.

« Avoir l’opportunité de parler avec les talibans, et ils sont venus, et de parler avec ces gens, la société civile, le secteur privé, et ils sont venus […] je pense que cela en valait la peine », a déclaré à l’AFP le représentant spécial de l’UE pour l’Afghanistan, Tomas Niklasson.

« Bon point de départ »

« Je pense que c’était une bonne discussion. Nous connaissons la controverse autour de l’évènement. Certains membres de la société civile l’ont boycotté pour diverses raisons et je les comprends », a-t-il ajouté mardi.

Après le retour au pouvoir des talibans en 2001, la communauté internationale a rencontré des difficultés quant à la façon d’approcher les nouveaux dirigeants, alors que les autorités de Kaboul ne sont officiellement reconnues par aucun gouvernement.

Les talibans ont imposé une interprétation stricte de la loi islamique en Afghanistan, les femmes étant soumises à des lois qualifiées par l’ONU d’« apartheid de genre ».

Les autorités talibanes ont déclaré à plusieurs reprises que les droits de tous les citoyens étaient garantis par la loi islamique.

PHOTO AHMAD SAHEL ARMAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un porte-parole taliban s’adresse à la presse à Kaboul le 29 juin 2024.

Pour M. Niklasson, les discussions avec la délégation du gouvernement taliban au sujet notamment d’un engagement accru de la communauté internationale avec l’Afghanistan, y compris les questions économiques et les efforts de lutte contre les stupéfiants, avaient constitué « un bon point de départ ».

Même s’il n’y a eu « aucun engagement à changer quoi que ce soit de leur côté, ni aucun engagement de notre côté à faire quoi que ce soit de plus à ce stade », a-t-il ajouté.

Les discussions ont été « meilleures que ce que je craignais », a-t-il dit.

M. Niklasson a affirmé que celles portant sur le secteur privé et l’accès au marché constituaient un domaine sur lequel « nous avons de nombreux points communs ».

« Cette réponse satisfera-t-elle une fille qui est à la maison depuis 1000 jours et sans école ? Probablement pas. Mais je pense que mes attentes réalistes pour cette réunion n’étaient pas non plus que nous soyons capables de régler ce problème en trois jours », a-t-il ajouté.

La tenue de nouvelles discussions avec les autorités de Kaboul n’a pas été confirmée, mais M. Niklasson a souligné que les talibans avaient « clairement exprimé leur intérêt et leur volonté de continuer ».

« Violations des droits de l’homme »

Au début des discussions dimanche avec plus de 20 envoyés spéciaux et responsables de l’ONU, la délégation talibane a déclaré que les diplomates devraient « trouver des moyens d’interaction et de compréhension plutôt que de confrontation ».

« Comme tout État souverain, nous défendons certaines valeurs religieuses et culturelles […] qui doivent être reconnues », a déclaré le chef de la délégation talibane, Zabihullah Mujahid.

La délégation a également fait pression pour mettre fin aux sanctions internationales, M. Mujahid se demandant si elles étaient une « mesure juste » après « des guerres et une insécurité pendant près d’un demi-siècle en raison des invasions et des ingérences étrangères ».  

M. Niklasson a expliqué que l’UE avait imposé des sanctions de l’ONU et que, par conséquent, leur levée « devrait être réglée par le Conseil de sécurité ».

Il a fait valoir que les personnes visées par des sanctions supplémentaires de l’UE étaient « liées à des violations des droits de l’homme ».

« Donc, pour parvenir à lever nos sanctions, ils devraient adopter des positions différentes en ce qui concerne les droits des femmes et des filles, par exemple », a souligné M. Niklasson.