(Genève) « Les otages ont besoin de nous ! » a lancé mercredi Meirav Leshem Gonen, mère d’une otage israélienne, lors d’une audition à l’ONU d’une commission d’enquête accusant Israël de crimes contre l’humanité et le Hamas de crimes de guerre.

La guerre à Gaza a été au cœur des préoccupations de l’ONU à Genève pour l’essentiel de la journée de mercredi.

Outre le rapport d’une commission chargée d’enquêter sur les causes profondes du conflit israélo-palestinien discuté au Conseil des droits de l’homme, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a fait état de ses « sérieuses inquiétudes » sur le respect du droit de la guerre par l’armée israélienne.

Le rapport de la commission d’enquête, créée depuis 2021, accuse Israël de crimes contre l’humanité, mais aussi de crimes de guerre et il estime que le mouvement islamiste Hamas a lui aussi commis des crimes de guerre, notamment le 7 octobre.

Israël, qui refuse de coopérer avec les enquêteurs et qui les accuse de partialité, a décidé de faire témoigner la mère d’une otage prise le 7 octobre, en lieu et place de l’habituelle réponse d’un diplomate.  

Sa fille, Romi, 23 ans, a été kidnappée alors qu’elle prenait part au festival Tribe of Nova, attaqué par les commandos du Hamas.

« Les jeunes filles de 23 ans ne devraient pas être prises en otage. Personne ne devrait l’être ! » a déclaré sa mère dans l’hémicycle.

« Les otages ont besoin de nous ! […] S’il vous plaît, aidez-moi à embrasser à nouveau ma fille », a-t-elle imploré, en appelant la communauté internationale à se ranger « du même côté, celui qui lutte contre les prises d’otages ».

Elle a également accusé la commission de l’ONU de ne pas avoir pris suffisamment en compte les violences sexuelles commises « le jour de l’attaque et pendant la captivité » des otages.

Suite à ce témoignage émouvant, l’ambassadeur palestinien Ibrahim Khraishi a remarqué devant le conseil qu’il serait « difficile » de faire venir des proches « de plus de 150 familles totalement décimées à Gaza ». Il a également soutenu que le rapport montrait « qu’il n’y avait aucune preuve de viol » lors de l’attaque du Hamas le 7 octobre.

La présidente de la commission d’enquête, Navi Pillay, qui fut Haute-Commissaire aux droits de l’homme, présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda et juge à la Cour pénale internationale (CPI), a vivement réagi aux déclarations de la mère et de l’ambassadeur palestinien sur les violences sexuelles, les accusant de ne pas avoir lu d’assez près le rapport.

« Espoir »

Pendant toute la journée, des familles des personnes tuées le 7 octobre et d’otages se sont rassemblées sur la grande place face à l’ONU, où étaient dressés les portraits de plus de 400 d’entre eux.

Un des enquêteurs de la commission Pillay, Chris Sidoti, a jugé qu’il était « extrêmement important » que « la personne qui représentait Israël » au Conseil « soit la mère d’une otage ».

« C’est la première fois que nous avions l’occasion de parler et d’entendre directement, en face à face, un des membres d’une famille », a-t-il dit, face au blocage des autorités israéliennes.

L’attaque du 7 octobre a entraîné la mort de 1194 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Sur 251 personnes enlevées, 116 sont toujours retenues en otages à Gaza, dont 41 sont mortes, selon l’armée israélienne.

En riposte, l’armée israélienne a lancé une offensive sur la bande de Gaza, ayant fait jusqu’à présent 37 396 morts, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza.

M. Sidoti a dit comprendre que « les événements du 7 octobre et ce qui s’est produit depuis soient profondément traumatisants » pour les Juifs en Israël et pour les Palestiniens et leurs diasporas respectives.

« Cependant, ma propre expérience de l’apartheid en Afrique du Sud et le fait que nous y ayons mis fin […] me remplit d’espoir », a observé Mme Pillay.

Quand on leur a demandé si l’attaque du 7 octobre était bien le point de départ de la guerre actuelle, les enquêteurs ont souligné qu’elle n’est pas née du vide, mais bien le résultat d’une longue histoire d’affrontements et de tensions.  

Sans faire de lien direct, Mme Pillay a toutefois souligné que Nelson Mandela, le grand artisan de la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, avait été lui-même qualifié de « terroriste » avant de devenir un symbole de liberté admiré et respecté dans le monde entier.