Après l’effervescence, le mal de tête. Au lendemain du résultat des élections législatives qui n’ont pas fait de vainqueur clair, la France se demandait lundi à quoi ressemblerait son avenir politique à court et à moyen terme.

Le problème est qu’aucun camp ne semble en mesure de gouverner seul. Car ni le Nouveau Front populaire (NFP, autour de 180 sièges), ni le camp présidentiel (Ensemble, autour de 159 sièges), ni le Rassemblement national (RN) et ses alliés (143 sièges) n’ont obtenu la majorité absolue à l’Assemblée nationale, fixée à 289 députés.

D’où ce climat d’incertitude, voire d’hébétude, à quelques semaines du début des Jeux olympiques à Paris.

J’ai parlé avec pas mal de responsables politiques. Personne ne sait vraiment. Ils sont tous perdus.

Simon Persico, chercheur en science politique au Centre d’études européennes de Sciences Po Grenoble

Arrivé en tête, le NFP (qui regroupe le parti La France insoumise, le Parti socialiste, le parti Les Écologistes et le Parti communiste) a assuré lundi qu’il proposerait « dans la semaine » un premier ministre pour remplacer Gabriel Attal, qui a présenté sa démission lundi, mais qui a été maintenu par Emmanuel Macron pour « assurer la stabilité » pendant cette période floue.

Faute de poids, le bloc de gauche aurait toutefois du mal à imposer ce scénario de « cohabitation » à Emmanuel Macron, qui a le dernier mot sur le choix du premier ministre, et dont le programme centriste est peu compatible avec l’idéologie plus radicale de La France insoumise, parti majoritaire au sein du NFP.

Une coalition, mais avec qui ?

Un autre scénario est celui d’un gouvernement de coalition, cas de figure jamais vu en France depuis le début de la Ve République. Cette probabilité suscite toutefois beaucoup de questions et demandera sans doute énormément de tractations. Car l’Assemblée est actuellement divisée en trois blocs à peu près égaux qui se détestent mutuellement.

On sait d’ores et déjà que le Rassemblement national ne pourra pas trouver d’alliés pour former une majorité. Idem pour le Nouveau Front populaire, qui comprend le parti La France insoumise et son chef, le polarisant Jean-Luc Mélenchon, jugés infréquentables par le bloc Ensemble (qui réunit les partis Renaissance, Horizons et Mouvement démocrate).

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Jean-Luc Mélenchon, lundi

Une rumeur veut en revanche que les partis plus modérés du NFP (Parti socialiste, Écologistes, communistes) puissent former un « arc républicain » avec le bloc central, faisant ainsi faux bond aux 72 députés de La France insoumise.

Mais ce scénario semble peu plausible aux yeux de Simon Persico, considérant que le NFP bénéficie actuellement d’une « dynamique assez forte, qui a mobilisé beaucoup d’électeurs sur le terrain », et qu’une bonne partie des élus socialistes doivent leur victoire aux désistements des candidats LFI pendant l’entre-deux-tours, afin de faire barrage au RN.

Une alliance entre le bloc central et le parti Les Républicains (LR) – qui n’appartiennent à aucun bloc et qui ont remporté une soixantaine de sièges – serait par là plus probable, quoique cette option soit pour l’instant écartée par Laurent Wauquiez, un ténor du parti LR, réélu dimanche soir.

Peu importe le cas de figure, on semble encore loin d’une nouvelle configuration parlementaire.

« Dans n’importe quel régime normalement constitué, ces gens se mettraient autour de la table avec leurs demandes et leurs compromis et réussiraient à faire un programme de coalition. Mais la France n’a pas du tout cette culture politique… Je ne dis pas que c’est impossible, mais que ce n’est pas évident et que ça pourrait prendra du temps… », dit Simon Persico.

Rien avant le 18 juillet

Selon Jean-Pierre Beaud, professeur de science politique à l’UQAM, on pourrait cependant avoir une indication sur la suite des choses le 18 juillet, alors que les nouveaux députés seront chargés d’élire le prochain président ou la prochaine présidente de l’Assemblée nationale, troisième personnage en importance derrière le président de la République et le président du Sénat.

« C’est là que d’éventuelles coalitions vont pouvoir commencer à émerger », croit l’expert.

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Emmanuel Macron, dimanche

M. Beaud prévoit qu’une alliance entre Emmanuel Macron et LR pourrait alors se dessiner, avec le soutien de la quarantaine de députés « non affiliés » divers droite et divers centre, au terme d’un troisième round de vote, ne nécessitant qu’une majorité relative. Ce scénario pourrait ouvrir la voie à une future coalition parlementaire.

Jean-Pierre Beaud suggère que l’actuel président du Sénat, Gérard Larcher, pourrait alors s’imposer comme premier ministre, en raison de son profil relativement rassembleur. « Il est identifié au LR. Mais ce n’est pas le LR le plus à droite. C’est un modéré. Un notable. Je ne serais pas surpris que cette hypothèse revienne », affirme le professeur.

Ce scénario, du reste, ne serait pas à l’abri d’une motion de censure au Parlement.

En cas de blocage pourrait aussi s’imposer l’option d’un gouvernement « technique » nommé par le président, dans lequel le premier ministre serait un haut fonctionnaire sans affiliation partisane, une sorte de bonze consensuel, chargé de gérer les affaires courantes jusqu’à nouvel ordre.

« Mais sur quel programme gouvernerait-il ? », demande Simon Persico. À noter que le concept n’a encore jamais été appliqué sous la Ve République et qu’il s’agit d’une solution à court terme, car un tel gouvernement n’a pas la légitimité des urnes.

Les experts s’entendent au moins sur une chose : il est peu probable que cette situation débloque avant le début des grandes vacances, prévues en août dans l’Hexagone, mais plus probablement en septembre, à la « rentrée »…

Bardella s’allie avec les nationalistes d’Orbán pour peser au Parlement européen

Le Rassemblement national (RN), qui s’est vu progresser moins qu’attendu et échouer à obtenir une majorité aux élections législatives françaises, a rallié le nouveau groupe de droite radicale du premier ministre hongrois Viktor Orbán. Il forme ainsi la troisième force du Parlement européen, devant les familles politiques de Giorgia Meloni et Emmanuel Macron. Le chef du parti français d’extrême droite, Jordan Bardella, présidera ce groupe baptisé « Patriotes pour l’Europe », officiellement constitué lundi à Bruxelles. Viktor Orbán avait dévoilé le 30 juin son intention de former ce groupe parlementaire, pour faire entendre une voix contre le soutien militaire à l’Ukraine, contre « l’immigration illégale », et pour la « famille traditionnelle ».

Agence France-Presse