(Moscou) Vladimir Poutine a répété vendredi son exigence pour toute paix d’un retrait ukrainien des régions qu’il convoite, en recevant au Kremlin le premier ministre hongrois Viktor Orbán, qu’il a prétendu voir en représentant de l’UE malgré le démenti de Bruxelles.

« La Russie veut l’arrêt total et définitif du conflit, la condition pour cela est […] le retrait total de tous les soldats ukrainiens des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk et des régions de Zaporijjia et de Kherson », a dit le président russe devant la presse à l’issue de sa rencontre, réitérant ses exigences déjà balayées mi-juin par Kyiv et les Occidentaux.

« Il reste de nombreuses étapes à franchir » pour « mettre fin à la guerre » et « instaurer la paix », a pour sa part reconnu le dirigeant hongrois, aux côtés de Vladimir Poutine.

« Il y a de moins en moins de personnes qui peuvent parler à tous les belligérants, et la Hongrie » est en mesure de le faire, a-t-il assuré.  

Viktor Orbán s’était rendu mardi à Kyiv, où le président Volodymyr Zelensky avait rappelé que l’Ukraine exigeait pour tout cessez-le-feu le retrait complet des forces russes du territoire ukrainien, et le paiement de réparations.

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Viktor Orbán, premier ministre hongrois

Le président russe a quant à lui profité de la visite non annoncée de M. Orbán, son principal allié dans l’Union européenne, pour mettre Bruxelles dans l’embarras, le tout à quelques jours d’un sommet de l’OTAN à Washington où il sera question de l’Ukraine.  

Au début de cette rencontre, il a assuré que le premier ministre hongrois était arrivé à Moscou « non seulement en tant que partenaire de longue date, mais aussi en tant que président du Conseil » de l’Union.

L’ambiguïté de la double casquette de M. Orbán, dont le pays exerce pour six mois la présidence tournante de l’Union européenne, a hérissé les partenaires européens de Budapest, qui affichent un soutien sans faille à Kyiv et ont coupé les ponts avec la Russie depuis son invasion de l’Ukraine en février 20252.

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Le président russe Vladimir Poutine rencontre le premier ministre hongrois Viktor Orbán au Kremlin de Moscou.

« En aucune manière » l’UE

Pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, M. Orbán « ne représente donc pas l’UE, en aucune manière ».

Mais pour l’UE, qui a coupé les ponts avec Moscou et sanctionné durement la Russie, M. Orbán, dont le pays assure depuis le 1er juillet la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne, n’est pas son représentant à Moscou pour cette visite, et n’est pas habilité à parler de l’Ukraine en son nom.

« La présidence tournante de l’UE n’a pas de mandat pour engager le dialogue avec la Russie au nom de l’UE », avait écrit sur X dès jeudi soir – à l’annonce officieuse de ce déplacement à Moscou de M. Orbán – Charles Michel, le président du Conseil européen, qui rassemble les dirigeants des Vingt-Sept.  

Pour les 27, « la Russie est l’agresseur, l’Ukraine est la victime » et « aucune discussion ne peut avoir lieu sans l’Ukraine, » avait-il souligné.

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a ironisé en disant qu’il n’appartenait pas à Moscou de comprendre la « subtilité des pouvoirs » à Bruxelles.

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Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin

Alors que se profile le prochain sommet de l’Alliance atlantique, le secrétaire général de cette organisation Jens Soltenberg a insisté sur le fait que « Viktor Orbán ne représente pas l’OTAN à ces rencontres, il représente son propre pays ». Il a indiqué que l’Alliance avait été simplement « informée » de ce déplacement.

Kyiv, qui entretient des relations compliquées avec Budapest du fait notamment de ses prises de position prorusses, a fustigé ce déplacement à Moscou qui a été décidé « sans aucun accord ou coordination avec l’Ukraine ».  

« Nous rappelons que, pour notre pays, le principe “pas d’accord sur l’Ukraine sans l’Ukraine” reste inviolable », a martelé la diplomatie ukrainienne.

La Maison-Blanche s’est, quant à elle, dite « préoccupée par le choix qu’a fait le premier ministre Orbán de faire ce voyage à Moscou », par la voix de sa porte-parole Karine Jean-Pierre. Elle a jugé que cela « ne fera pas avancer la cause de la paix » et que ce déplacement était même « contre-productif pour le soutien à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance de l’Ukraine ».

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Le premier ministre hongrois Viktor Orbán et le président russe Vladimir Poutine

Seul, au sein de l’UE, le premier ministre populiste slovaque Robert Fico a exprimé son « admiration » pour la démarche de son homologue hongrois, arguant qu’il n’y avait « jamais assez de discussions ou d’initiatives sur la paix » et assurant que s’il n’était convalescent après avoir été blessé par balle lors d’une tentative d’assassinat en mai, il aurait « beaucoup aimé se joindre à lui ».

La Hongrie et la Slovaquie refusent d’aider militairement l’Ukraine.

Demande russe de capitulation

Pour autant, les conditions pour arrêter le conflit posées par la Russie – que l’Ukraine lui cède les quatre régions dont elle revendique l’annexion, en plus de la Crimée, et qu’elle renonce à son alliance avec les Occidentaux – constituent de facto une demande de capitulation.  

À Kyiv, M. Orbán avait jugé que l’Ukraine devait accepter un cessez-le-feu, un préalable rejeté par les Occidentaux et par l’Ukraine qui réclame une « paix juste » passant par le retrait des troupes russes et le respect de son intégrité territoriale.  

La présidence tournante au sein de l’UE, qu’assure la Hongrie jusqu’à la fin de l’année, permet au pays qui la détient de contrôler l’ordre du jour des réunions des 27, à l’exception de celles des ministres des Affaires étrangères, un pouvoir non négligeable, mais pas absolu, selon plusieurs diplomates européens.

Budapest avait promis d’assurer une présidence « normale », malgré les nombreux différends, en particulier sur la Russie, qui l’opposent à ses partenaires.