(Paris) La campagne éclair des législatives en France entre dans sa dernière ligne droite vendredi, à deux jours d’un scrutin sous très haute tension qui pourrait faire basculer le pays à l’extrême droite ou le rendre difficilement gouvernable faute de majorité claire.

Agressions physiques de militants, menaces verbales, règlements de comptes politiques, libération de la parole raciste… la campagne officielle qui prend fin à minuit (18 h heure de l’Est) a révélé la grande fragmentation d’un des pays moteurs de l’Union européenne, après sept années de présidence d’Emmanuel Macron.

Depuis sa décision surprise de dissoudre l’Assemblée après sa débâcle aux Européennes du 9 juin, la recomposition politique express du pays a confirmé la montée en puissance du Rassemblement national (RN, extrême droite), qui espère transformer l’essai du premier tour et décrocher la majorité absolue à l’Assemblée dimanche.  

La crainte d’un gouvernement dirigé par l’extrême droite, qui serait une première en France en 80 ans, a toutefois conduit à la formation, dans la douleur, d’un nouveau « front républicain » avec le désistement de quelque 200 candidats de droite, centre droit et gauche pour contrer les candidats RN au second tour.  

La cheffe de file de l’extrême droite Marine Le Pen y voit la mise en place d’un « parti unique » réunissant « ceux qui veulent conserver le pouvoir contre la volonté du peuple ».

PHOTO THIBAULT CAMUS, ASSOCIATED PRESS

Marine Le Pen

Selon un sondage IFOP paru jeudi, le RN et ses alliés obtiendraient dimanche entre 210 et 240 sièges, loin de la majorité absolue fixée à 289.

« Urgence »

En face, le front du refus brasse large et réunit une grande part du monde politique, mais aussi des soignants, des syndicats ou des sportifs.  

Sans nommer explicitement le RN, le capitaine de l’équipe de France de foot Kylian Mbappé a de nouveau pris la parole jeudi pour exhorter ses compatriotes à aller voter et à choisir « le bon côté » après un premier tour « catastrophique ».

« Il y a vraiment urgence. On ne peut pas mettre le pays entre les mains de ces gens-là », a affirmé l’attaquant, dont l’équipe dispute l’Euro en Allemagne.  

Malgré un lent processus de normalisation, le RN a été rattrapé pendant la campagne par des dérapages racistes et antisémites de plusieurs de ses candidats, que le parti a tenté de minimiser en parlant de quelques « brebis galeuses » ou de « maladresses » provoquées par les « grands inquisiteurs de la presse ».

« Quand c’est un candidat sur trois pour lesquels on a des propos problématiques, ce n’est pas quelques brebis galeuses, c’est tout le troupeau qui est malade », a raillé jeudi soir le premier ministre Gabriel Attal.

La coalition de gauche du Nouveau Front populaire (NFP) et le camp macroniste (centre droit) ont beau alerter sur le péril de l’extrême droite, aucun de ces deux blocs ne semble en position de décrocher une majorité claire dimanche, au risque de rendre le pays ingouvernable à un mois des JO de Paris.

Certains à gauche ou au centre ont évoqué l’hypothèse d’une vaste alliance transpartisane pour gouverner, mais ce scénario à l’allemande est rejeté par la force dominante du NFP, la France insoumise (LFI, gauche radicale) qui refuse tout compromis avec les macronistes.

« Soit le Rassemblement national obtient une majorité absolue et je peux, dès dimanche, engager le projet de redressement que je porte […]. Ou alors le pays est bloqué », a assuré jeudi soir le président du RN Jordan Bardella, qui aspire à devenir premier ministre.

PHOTO BERTRAND GUAY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Jordan Bardella

Violences

Aux antagonismes politiques s’est ajoutée une multiplication de violences contre des élus.

Dans les Alpes, une candidate du RN a porté plainte jeudi après avoir été violemment prise à partie par un commerçant sur un marché. Dans la même région, l’ex-ministre Olivier Véran a dénoncé l’agression d’un élu local qui collait des affiches pour sa campagne.

Mercredi soir, c’est la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, candidate dans la région parisienne, qui a été victime, avec son équipe, d’une agression lors d’un collage d’affiches.  

Signe du climat ambiant, le gouvernement a annoncé que « 30 000 policiers et gendarmes dont 5000 à Paris et sa banlieue » seraient mobilisés pour la soirée du second tour.

Des témoignages font également état d’une multiplication des incidents et des insultes racistes dans le pays.