Plus de 50 ans après la fondation du Front national (FN), le parti d’extrême droite de Marine Le Pen, devenu Rassemblement national (RN), est passé de la marginalité à une banalisation dans les urnes, devenant le premier parti de France. Il est aujourd’hui aux portes du pouvoir, après avoir engrangé dimanche environ 34 % des suffrages au premier tour des élections législatives anticipées.

Les débuts

PHOTO DOMINIQUE FAGET, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Jean-Marie Le Pen en septembre 1985, alors qu’il était président du Front national

Le « Front national pour l’unité française », parti issu de groupes nationalistes dont Ordre Nouveau, est créé le 5 octobre 1972. Après un score de moins de 1 % à la présidentielle de 1974, son président, Jean-Marie Le Pen, choisit la lutte contre l’immigration comme priorité. En 1983, première victoire électorale d’importance : Jean-Pierre Stirbois, secrétaire général du FN, obtient 16,7 % au premier tour des municipales à Dreux (Eure-et-Loir) et s’allie à la droite au second tour. Trois ans plus tard, le scrutin proportionnel fait entrer 35 députés du FN à l’Assemblée nationale. À la présidentielle de 1988, M. Le Pen grimpe à 14,37 % des voix, mais le retour au scrutin uninominal majoritaire ne lui laisse qu’une députée.

Le « détail »

En septembre 1987, Jean-Marie Le Pen qualifie les chambres à gaz nazies de « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». Il est condamné en 1991. D’autres propos stigmatisant les homosexuels, les immigrés ou encore les Roms servent, selon lui, la progression du FN. À la présidentielle du printemps 1995, M. Le Pen obtient 15,15 %. Le 1er mai, en marge d’un défilé du FN, un Marocain meurt dans la Seine poussée par des skinheads. De 1992 à 1998, le parti prend les villes de Toulon (Var), Marignane (Bouches-du-Rhône) et Orange (Vaucluse).

Séisme de 2002

Coup de tonnerre en 2002 : M. Le Pen se qualifie pour le second tour de la présidentielle face à Jacques Chirac avec 16,86 % des suffrages. Sa fille Marine devient vice-présidente du parti. Pour sa dernière présidentielle, celle de 2007, Jean-Marie Le Pen obtient 10,44 %, son plus mauvais score depuis 1988. Le FN recule aussi aux élections européennes de 2009 (4,17 %). À la tête du parti depuis janvier 2011, Marine Le Pen, avec une stratégie de « normalisation » mettant en avant les questions sociales, remonte à 17,9 % à la présidentielle de 2012. Marion Maréchal, sa nièce, devient députée. Après avoir remporté 11 mairies en 2014, le FN signe une victoire historique aux européennes (25 %), loin devant l’Union pour un mouvement populaire (UMP) et le Parti socialiste (PS).

Père et fille, rien ne va plus

PHOTO ERIC GAILLARD, ARCHIVES REUTERS

Marine Le Pen et son père, Jean-Marie, en 2009

Aux cantonales de l’année suivante, le FN est en tête dans 43 départements. Mais M. Le Pen répète ses propos sur les chambres à gaz. À 87 ans, il est exclu du parti. En avril 2017, après un débat qu’elle reconnaîtra « raté », Marine Le Pen perd la présidentielle contre Emmanuel Macron. Aux législatives, le FN obtient huit députés. Fin juin, Marine Le Pen est mise en examen dans une enquête sur les assistants parlementaires d’eurodéputés FN. Un procès est programmé à l’automne 2024.

Le FN devient RN

Réélue à sa tête en 2018, Marine Le Pen veut symboliser la « mue » du FN en un « parti de gouvernement » et d’alliances : il devient le Rassemblement national (RN). Nouvelle première place aux élections européennes de 2019, avec 23,3 % des voix. En septembre 2021, Marine Le Pen cède les rênes à Jordan Bardella pour se consacrer à la présidentielle. Son rival à l’extrême droite, Eric Zemmour, lui ravit Marion Maréchal.

89 députés

La présidentielle de 2022 marque un nouvel échec face à Emmanuel Macron. Néanmoins, avec 41,5 % des voix, jamais l’extrême droite ne s’est autant approchée du pouvoir sous la Ve République. Aux législatives qui suivent, la percée est historique, le RN devenant, avec 89 élus, le premier groupe de l’opposition.

Score historique et dissolution choc

Le 9 juin, la liste de Jordan Bardella triomphe aux élections européennes avec 31,36 % des voix, plus du double du score de la liste macroniste. Dans la foulée, Emmanuel Macron dissout l’Assemblée. « Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance lors des futures législatives », affirme Marine Le Pen. Jordan Bardella devient favori pour le poste de premier ministre, mais il prévient qu’il n’acceptera la fonction que s’il peut disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Stupéfaction à droite : Eric Ciotti, président des Républicains (LR), s’allie avec le RN. Son parti tente de l’évincer et implose. Des candidats communs RN-LR sont annoncés dans 70 circonscriptions. Marion Maréchal appelle à voter pour eux, confirmant sa rupture avec Eric Zemmour.