La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné mardi les violations des droits fondamentaux commises par la Russie en Crimée depuis l’annexion de la péninsule ukrainienne en 2014.

« Cette décision est la première dans laquelle une cour internationale tient la Russie responsable de sa politique de violations vastes et systématiques des droits de l’homme dans la péninsule provisoirement occupée de Crimée », s’est félicitée la présidence ukrainienne.

« C’est un jalon crucial sur la voie de la reconnaissance internationale de la responsabilité de la Russie », a estimé le ministère ukrainien des Affaires étrangères.

Saisie par Kyiv en 2014 et 2018, la cour, qui a son siège en France à Strasbourg (nord-est), a estimé dans un arrêt de la Grande chambre, sa plus haute instance, que Moscou avait violé l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie) en raison de « l’existence d’une pratique administrative de disparitions forcées et d’un défaut d’enquête effective » à ce sujet.

L’État russe, exclu de la CEDH à la suite de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, s’est en outre rendu coupable d’un grand nombre de violations en Crimée, ont estimé les juges européens.  

La cour relève notamment des violations de l’article 3 (interdiction de la torture) du fait des « mauvais traitements infligés à des soldats ukrainiens, à des personnes d’origine ethnique ukrainienne, à des Tatars de Crimée et à des journalistes ».

La CEDH dénonce aussi « des détentions au secret » des mêmes catégories de personnes et appelle Moscou à « prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer, dès que possible, le retour, en toute sécurité, des prisonniers en question transférés de la Crimée dans des établissements pénitentiaires situés sur le territoire de la Fédération de Russie ».

La cour reconnaît aussi la Russie coupable de « harcèlement et d’intimidation de dirigeants religieux ne se conformant pas au culte orthodoxe russe [en particulier de prêtres orthodoxes ukrainiens et d’imams] ».

Elle la juge responsable d’une « répression contre des médias non russes » et d’une interdiction des manifestations de soutien à l’Ukraine.

Les 17 juges, qui se sont prononcés à l’unanimité, ont encore estimé que Moscou avait manqué à ses obligations en raison du « bannissement de la langue ukrainienne dans les écoles et de persécution d’élèves ukrainophones ».

Moscou a en outre porté atteinte à la liberté de circulation avec l’instauration d’une frontière entre la Crimée et l’Ukraine continentale, selon eux.

En ce qui concerne les Tatars de Crimée, une minorité musulmane, la CEDH estime que la Russie est en violation de l’article 14 de la Convention des droits de l’homme qui interdit les discriminations.

Même si elle ne fait plus partie de la CEDH, la Russie reste redevable des violations commises avant son exclusion le 16 septembre 2022.

L’Ukraine la poursuit dans le cadre de quatre autres affaires interétatiques, notamment l’agression militaire de février 2022 et la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines en 2014, un dossier introduit conjointement avec les Pays-Bas.

La Russie est en outre visée à la CEDH par 7400 requêtes individuelles concernant les évènements de Crimée et du Donbass, précise la cour dans un communiqué.