(Paris) Les partis engagés dans la campagne éclair des législatives en France tentent jeudi de convaincre des patrons inquiets d’un changement de cap économique radical à l’issue des élections, sur lesquelles continuent de planer des controverses autour de l’antisémitisme.

À l’approche du scrutin des 30 juin et 7 juillet, la possible arrivée au pouvoir du Rassemblement national (RN, extrême droite) ou de la coalition de gauche du Nouveau Front populaire fait craindre aux milieux patronaux un décrochage du pays, dont les comptes publics sont déjà dans le rouge.

La Commission européenne s’est invitée dans le débat mercredi en ouvrant la voie à des procédures pour déficits publics excessifs contre plusieurs États membres, dont la France, qui figure parmi les plus mauvais élèves de l’Union et dont la note de solvabilité a été abaissée fin mai par l’agence S&P pour la première fois en onze ans.  

Affaibli par sa débâcle aux européennes du 9 juin, le camp présidentiel a ouvert ce grand oral économique en appelant à ne pas changer la politique « pro-business » mise en œuvre depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, et à freiner encore davantage la dépense publique.

« On ne pourra pas être compétitif avec ce niveau d’endettement et avec cette dépendance à la dépense publique », a déclaré l’ancien premier ministre d’Emmanuel Macron, Edouard Philippe, devant des organisations de grandes et petites entreprises à Paris.

Réunissant sociaux-démocrates, communistes et gauche radicale, le Nouveau Front populaire a défendu une tout autre approche, lui qui plaide pour une hausse du salaire minimum et le rétablissement d’un impôt sur la fortune supprimé par Emmanuel Macron au début de son premier mandat.

« Déraison budgétaire »

« Vous pouvez lever la main les milliardaires et je m’excuserai auprès de vous de l’effort que je vous demande de solidarité et de patriotisme économique », a lancé le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud.

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Boris Vallaud

Donné grand favori des législatives, le président du RN Jordan Bardella a lui mis en cause « la déraison budgétaire » du gouvernement et le « risque de décrochage économique » en cas de statu quo à l’issue des élections. Son parti promet notamment d’abaisser de deux milliards d’euros la contribution de la France au budget de l’Union européenne, ses adversaires estimant qu’une telle mesure conduirait à terme à un « Frexit ».

A la veille de ces auditions, l’organisation patronale du Medef, qui représente les grandes entreprises, avait qualifié de « dangereuses » pour l’économie française les propositions économiques du RN et de la coalition de gauche.

« Si ces programmes se concrétisaient en 2024 ou après », ils provoqueraient « des hausses d’impôts, […] le départ des investisseurs étrangers et des faillites massives d’entreprises, donc des destructions d’emplois », a estimé l’organisation.  

Depuis la dissolution choc de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron au soir du 9 juin, les promesses électorales se sont multipliées, y compris au sein du camp présidentiel qui a annoncé de nouvelles mesures en faveur du pouvoir d’achat, préoccupation centrale des électeurs à en croire les enquêtes d’opinion.  

« Digues » contre l’antisémitisme

L’onde de choc provoquée par le viol en réunion d’une jeune adolescente juive de 12 ans samedi en banlieue près de Paris continue par ailleurs d’alimenter des critiques contre La France insoumise (LFI, gauche radicale), principale force de la coalition du Front populaire.  

Le premier ministre Gabriel Attal, qui mène la campagne du camp présidentiel, a enjoint jeudi aux responsables politiques de « mettre des digues » face à la montée de l’antisémitisme et de « refuser de (le) banaliser », visant le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon.

Ce dernier avait jugé « résiduel » l’antisémitisme en France alors que les chiffres font état d’une flambée des actes antijuifs depuis l’attaque meurtrière du Hamas en Israël le 7 octobre et le début de la guerre dévastatrice à Gaza.

La France compte à la fois la première communauté juive et l’une des plus importantes communautés musulmanes d’Europe.

« Quand on dit, comme ça a été le cas pour Jean-Luc Mélenchon, que l’antisémitisme est, je cite, “résiduel” dans notre pays alors qu’il […] a explosé, […] évidemment qu’on laisse se banaliser un discours, une haine dans le débat public », a estimé le premier ministre.

Une des figures médiatiques du Front populaire, l’écologiste Sandrine Rousseau, a récusé jeudi tout « antisémitisme structurel » chez LFI.