La Russie a libéré un groupe de femmes d’une prison fin mai pour qu’elles rejoignent les combats en Ukraine, selon deux ex-détenues qui restent en contact avec elles. Cela pourrait marquer une nouvelle étape dans le recrutement de criminels dans l’effort de guerre du Kremlin.

Des recruteurs sont venus chercher plusieurs détenues d’une prison de la banlieue de Saint-Pétersbourg, ont dit les anciennes détenues, qui ont demandé l’anonymat pour éviter les représailles. On ne sait pas s’il s’agit d’un cas isolé, d’un projet pilote ou du début d’un programme à grande échelle.

Environ 30 000 femmes purgeaient une peine en Russie au début de l’invasion.

Les recruteurs ont commencé à visiter les prisons pour femmes de la partie européenne de la Russie à l’automne 2023. Dès 2022, l’armée russe avait offert aux hommes condamnés grâce et salaire s’ils s’engageaient pour combattre. Des détenues avaient également signé, mais jusqu’à présent, elles restaient incarcérées sans explication officielle, selon des détenues anciennes et actuelles de quatre prisons pour femmes.

Des dizaines de milliers de détenus se sont enrôlés, comblant les rangs de l’armée russe à un moment crucial de la guerre et l’aidant à reprendre l’avantage militaire sur l’Ukraine. Des milliers d’entre eux ont été tués en Ukraine. Certains, qui ont survécu aux combats et été démobilisés, ont depuis commis des crimes graves, y compris des meurtres.

Le recrutement de détenues fait partie des méthodes de moins en moins orthodoxes pour attirer des volontaires issus des marges de la société russe, afin d’éviter un nouveau cycle de conscription, très impopulaire.

Outre les détenus, les recruteurs russes visent les débiteurs, les personnes accusées de crimes et les étrangers.

Le ministère de la Défense et l’administration pénitentiaire russes ont, par le passé, laissé sans réponse toutes les demandes d’entrevue sur le recrutement en milieu carcéral.

On ne sait pas quels rôles les ex-détenues assumeront au front. Les recruteurs qui ont visité leur prison près de Saint-Pétersbourg en 2023 ont proposé des postes de tireuses d’élite, de paramédicales de combat et d’opératrices radio au front pendant un an. Ce sont des rôles très différents des fonctions largement auxiliaires assumées par la plupart des femmes dans l’armée russe moderne. Une quarantaine des 400 prisonnières ont dit oui, acceptant la grâce à la fin de leur enrôlement et l’équivalent d’environ 2750 $ CAN par mois, soit 10 fois le salaire minimum national.

Selon deux femmes qui ont assisté au recrutement à la prison en 2023, des codétenues se sont engagées malgré les dangers décrits par les recruteurs.

Selon les deux femmes, la sévérité du système carcéral russe a joué pour beaucoup dans la décision de certaines femmes de s’enrôler. À la prison près de Saint-Pétersbourg, il était interdit de parler en permanence et il fallait travailler jusqu’à 12 heures par jour dans la scierie de la prison, même par des températures inférieures à -15 °C, ont déclaré les femmes.

L’Ukraine recrute aussi dans les prisons. Après avoir tourné en dérision cette pratique par la Russie, le gouvernement ukrainien a autorisé un programme similaire en mai, dans un contexte de pénurie de troupes de plus en plus aiguë. Selon les autorités ukrainiennes, des milliers de condamnés ont demandé à s’enrôler.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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