(Paris) La gauche française a appelé lundi à un « front populaire » au lendemain de la décision choc du président Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée et de convoquer des élections législatives fin juin face à la victoire de l’extrême droite aux européennes, un coup de poker politique qui plonge dans l’incertitude un pays pilier de l’Union européenne.

Tant la victoire de l’extrême droite que la dissolution qui a suivi ont aussi fait descendre lundi soir des milliers de personnes dans les rues, notamment à Paris où la vaste et emblématique place de la République était noire de monde, avec beaucoup de jeunes disant leur refus de voir l’extrême droite au pouvoir.

Trois semaines de campagne éclair se sont ouvertes avant le premier tour des législatives le 30 juin puis le second le 7 juillet, à la veille des Jeux olympiques de Paris (26 juillet-11 août), et la classe politique a passé sa journée en conciliabules et autres rendez-vous secrets ou ultra-médiatisés.

Lundi soir, les diverses composantes de la gauche, profondément divisées, ont fait un premier pas vers l’union, en annonçant vouloir s’entendre sur des « candidatures uniques » dès le premier tour, et souhaiter « construire une alternative à Emmanuel Macron et combattre le projet raciste de l’extrême droite ».

« Nous appelons à la constitution d’un nouveau front populaire rassemblant dans une forme inédite toutes les forces de gauche humanistes, syndicales, associatives et citoyennes », ont écrit le Parti socialiste, le Parti communiste, les écologistes et La France insoumise (gauche radicale), dans un communiqué.

À la surprise générale, M. Macron a dégainé dimanche soir l’arme constitutionnelle de la dissolution après le triomphe aux européennes du Rassemblement national (RN, extrême droite), qui a recueilli deux fois plus de suffrages que le parti présidentiel Renaissance (31,36 % contre 14,60 %).

La France est désormais plongée en zone de turbulences, déroulant « un scénario extraordinairement incertain » a souligné Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut Ipsos.  

Le chef de l’État entrera de plain-pied mardi dans la campagne, en tenant une conférence de presse dans l’après-midi.

Deux premiers sondages donnent le RN en tête, avec 33/34 % des intentions de vote, contre 22/23 % pour la gauche unie et 18/19 % pour le camp présidentiel.

« J’ai confiance dans le peuple », a martelé lundi le chef de l’État français alors que débutent trois semaines de campagne sous tension.

« Un choc »

Lundi soir, ils étaient des milliers à manifester dans les rues de plusieurs villes de France, et de grands rassemblements sont attendus, à l’appel de la gauche et des syndicats, ce week-end.  

« La perspective d’avoir un premier ministre d’extrême droite dans trois semaines, ça me terrifie », lance Alice, une étudiante de 24 ans, à Paris.

À Rennes (ouest), Marie, retraitée de 69 ans, confie que « ce qui s’est passé hier a été un choc ». « On n’a pas envie de rester seuls, on avait besoin de voir quelle était la capacité à se mobiliser contre ça », explique-t-elle.

En France, où l’extrême droite a obtenu dimanche un des plus hauts scores dans l’UE, le RN n’a jamais été aussi proche du pouvoir et son jeune dirigeant Jordan Bardella, 28 ans, qui a mené la liste du parti aux européennes, postule déjà aux fonctions de premier ministre en cas de victoire.

La dirigeante historique du RN, Marine Le Pen, qui vise de son côté la présidentielle, a assuré lundi soir qu’en cas de victoire du parti aux législatives, Jordan Bardella avait vocation à devenir premier ministre.

« Depuis des mois, nous travaillons avec Jordan Bardella dans le cadre d’un couple exécutif dans le but de remplir au mieux les fonctions que les Français nous confieraient. Moi vers la présidence de la République, lui vers Matignon, il n’y a aucune raison de changer cela », a fait valoir Mme Le Pen, qui était au second tour des deux dernières présidentielles contre M. Macron.

M. Bardella, reconnaissant qu’il était « difficile de gagner seul », a « tendu la main » aux Républicains (LR, droite), affirmant avoir eu « des discussions » avec certains de leurs cadres.

Surpris par la dissolution, le camp présidentiel tente, lui, de se mettre en ordre de bataille. « Il y avait un autre chemin », a déploré la présidente sortante de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.    

Selon son entourage, le président assume « le risque » d’un nouveau « référendum anti-Macron », mais espère que les électeurs n’utiliseront pas les législatives comme un « défouloir ».

Selon un sondage, quelque 61 % des Français approuvent l’initiative d’Emmanuel Macron de dissoudre la chambre basse.