(Séoul) En envoyant des ballons vers sa terre natale, le transfuge nord-coréen Park Sang-hak entend perpétuer une longue tradition de guerre psychologique entre les deux Corées, dans l’espoir de faire un jour chuter le régime de Kim Jong-un.

Depuis près de vingt ans, le quinquagénaire qui s’est enfui de Corée du Nord en 1999, envoie des ballons remplis de tracts dénonçant le régime de Pyongyang, de billets de banque en dollars, ou encore de clés USB contenant de la musique K-pop du Sud.

Sa mission, confie-t-il à l’AFP, est d’« éclairer la population nord-coréenne ».  

L’activiste âgé de 56 ans est passé sous les feux des projecteurs récemment quand Pyongyang l’a qualifié de « racaille » et a répliqué en envoyant plus d’un millier de ballons remplis de déchets vers le Sud. Quelque 300 ballons supplémentaires en provenance du Nord ont perturbé le trafic aérien à Séoul mercredi matin.

C’est un détournement « inacceptable » des règles du jeu, fustige M. Park, affirmant que jamais, dans l’histoire de la propagande entre les deux Corées, l’une ou l’autre des parties n’avait envoyé d’ordures.  

« Kim Jong-un est le premier à ordonner l’envoi de ballons de déchets », dénonce le transfuge, réclamant des excuses au numéro un nord-coréen pour cet acte « méprisable et atroce ».

Fils d’un agent double nord-coréen, M. Park était lui-même tombé sur un tract du Sud, alors qu’il vivait encore au Nord, censé montrer la vie réussie de deux transfuges.  

Il s’en souvient encore très bien : « Une photo montre l’un des deux en compagnie de jolies Sud-Coréennes en maillot de bain, et le texte indique qu’il a reçu une aide gouvernementale de 100 millions de wons ».  

Cette brochure a changé sa vie, en lui montrant que la défection n’était pas une option réservée à des diplomates ou des soldats basés à la frontière, mais qu’elle était possible pour quiconque était prêt à tenter la traversée du fleuve vers la Chine.

« Information importante »

« C’était l’information la plus importante pour moi », confie-t-il. Car avec sa mère, son frère et sa sœur, il s’est décidé quelques années plus tard à prendre la direction du Sud.  

Ce tract était de la propagande diffusée par le gouvernement sud-coréen, a-t-il appris plus tard auprès du transfuge photographié. « Il m’a dit qu’il s’agissait d’une mise en scène du service national de renseignement de Séoul », rapporte-t-il aujourd’hui.  

De part et d’autre de la frontière coréenne, l’usage de propagande était alors monnaie courante. Séoul et Pyongyang diffusaient leurs messages par haut-parleur, le Sud y dédiant même des émissions radio.  

Les deux camps ont mis fin à leurs campagnes en 2003, pendant une période où les relations entre les deux Corées se sont réchauffées, ce qui a incité M. Park à lancer ses propres activités.  

Après avoir dans un premier temps, utilisé des ballons achetés dans un magasin de jouets - il a envoyé le premier en 2006 -, le transfuge a amélioré sa méthode, à force d’essais et d’erreurs.  

ASSOCIATED PRESS

Après avoir dans un premier temps, utilisé des ballons achetés dans un magasin de jouets, le transfuge a amélioré sa méthode, à force d’essais et d’erreurs.  

Aujourd’hui, il affirme pouvoir envoyer « les yeux fermés » ses ballons entièrement emballés, d’un poids de sept à huit kilos, vers le Nord, contenant toujours un billet d’un dollar, élément clé, selon M. Park, de leur succès.  

Car les Nord-Coréens, explique-t-il, savent désormais que des billets de banque tombent du ciel, ce qui les incite à ouvrir et à lire les tracts rédigés par M. Park et son équipe. L’un d’eux détaille l’assassinat du demi-frère de Kim Jong-un à l’aéroport international de Kuala Lumpur en 2017, montrant une photo de son corps.

« Tracts de vérité et d’amour »

La vivacité de la réaction de Pyongyang atteste l’impact de cette activité sur le public nord-coréen, affirme M. Park, soulignant que les 26 millions d’habitants du Nord, dépourvus de l’internet et de médias libres, ne disposent que de très peu d’informations.  

« J’ai reçu des appels d’environ 800 transfuges qui m’ont remercié pour ma mission et m’ont dit qu’ils avaient vu mes tracts dans le Nord », se félicite-t-il.

Selon ses détracteurs, ses actes risquent d’aggraver la situation entre les deux pays, qui restent techniquement en guerre depuis que le conflit intercoréen (1950-53) a pris fin avec un armistice et non un traité de paix.  

Mais M. Park rejette ces critiques : « alors que Kim ne cesse de tirer des missiles, notre message est de mettre fin à cette violence ».  

Son objectif est de faire tomber le régime de l’intérieur. « Ces tracts apporteront la vérité au peuple nord-coréen, qui s’en servira pour se soulever contre le régime de Kim et le renverser », espère-t-il.  

« Mes tracts », dit-il, sont des tracts « de vérité, d’argent et d’amour ».