(Nouméa) Les violences ont repris lundi en Nouvelle-Calédonie après l’incarcération en métropole de plusieurs militants indépendantistes, leur organisation exigeant leur « libération » et leur « retour immédiat ».

« La nuit a été agitée et marquée par des troubles sur l’ensemble de la grande terre [l’île principale], sur l’île des Pins et Maré, nécessitant l’intervention de nombreux renforts », a indiqué lundi dans un communiqué le Haut-commissariat, représentant de l’État dans l’archipel français du Pacifique Sud.

Ce regain de tension intervient après le transfèrement en métropole, dans la nuit de samedi à dimanche, de plusieurs figures indépendantistes calédoniennes, soupçonnées d’avoir orchestré les émeutes sur le « Caillou », pour y être incarcérés.

La Nouvelle-Calédonie est en proie à de violents troubles depuis le 13 mai, nés de la contestation d’un projet de loi de dégel électoral. Les évènements ont fait neuf morts, dont deux gendarmes, et d’immenses dégâts, chiffrés à plus d’un milliard d’euros.

Le président Emmanuel Macron a suspendu mi-juin le projet de loi qui a mis le feu aux poudres et cristallisé la colère du camp indépendantiste : il prévoyait une réforme constitutionnelle modifiant les critères électoraux pour les élections provinciales calédoniennes, ce qui aurait eu pour conséquences, selon ses opposants, de marginaliser le poids du peuple autochtone kanak.

La Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), accusée par les autorités d’être à l’origine du soulèvement contre la réforme électorale, a exigé lundi « la libération et le retour immédiat » de ses militants incarcérés en métropole.

« Nous exigeons la libération et le retour immédiat des frères et sœurs pour être jugés sur leur terre », a affirmé la CCAT, dénonçant les « tactiques coloniales » de la France après l’arrestation et le transfert de ces indépendantistes, dont le porte-parole de la CCAT Christian Tein.

« L’éloignement de responsables indépendantistes kanak de la CCAT à plus de 17 000 km de chez eux dans le cadre de leur placement en détention provisoire porte une atteinte grave à leur droit à une vie privée et familiale », a dénoncé dans un communiqué la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Interrogé en marge d’un déplacement dans le cadre de la campagne des élections législatives en France, le premier ministre Gabriel Attal a défendu des arrestations de « personnes qui ont été à l’origine de graves violences ».

« Force doit rester à la loi, et je pense que c’est très important pour la sécurité sur place », a-t-il fait valoir.

« Libérez nos prisonniers ! »

À Dumbéa, au nord de Nouméa, chef-lieu de la Nouvelle-Calédonie, les locaux de la police municipale ont brûlé ainsi qu’un garage. Quatre véhicules blindés sont intervenus, a constaté un journaliste de l’AFP.

Les affrontements se sont déroulés près d’un garage automobile où des voitures étaient en feu. Quatre militants encagoulés se tenant derrière des barricades de fortune ont lancé des projectiles vers les forces de l’ordre en les invectivant, a observé un journaliste de l’AFP.

Un homme de 23 ans en état « de détresse respiratoire » est mort dans la nuit après s’être rendu sur des barrages à Nouméa, a annoncé le parquet, précisant que la victime avait assuré à ses parents qu’il n’avait pas été « blessé par la police ».

Un automobiliste « contraint de faire demi-tour en raison d’un barrage édifié par des militants indépendantistes », selon les pompiers, est mort dimanche soir d’un choc frontal avec un autre véhicule dans l’agglomération de Nouméa.

Près d’un grand magasin de matériel de sport entièrement détruit situé dans les environs, des indépendantistes campaient devant les forces de l’ordre lundi en début d’après-midi, l’un d’eux lançant « Libérez nos prisonniers ! ».

PHOTO DELPHINE MAYEUR, AGENCE FRANCE-PRESSE

De la fumée s’élève d’un feu à un barrage routier dans le district de la Vallée du Tir, le 24 juin 2024.

Des affrontements ont aussi opposé les forces de l’ordre à des indépendantistes à Bourail, commune située à moins de 200 km au nord de Nouméa, qui se sont soldés par un blessé, a appris l’AFP. La personne blessée n’a pas été touchée par une balle et n’est pas membre des forces de l’ordre, a précisé le haut-commissariat.

Le Haut-commissariat a fait état « de plusieurs incendies maîtrisés », en particulier à Ducos et dans le quartier de Magenta, ajoutant que « les locaux et des véhicules de la police municipale et de véhicules de particuliers » ont été incendiés.

« Des exactions, destructions et tentatives d’incendies ont également été commises à plusieurs endroits sur Païta », a ajouté le Haut-commissariat, soulignant que « la brigade territoriale de Maré a également été prise à partie ».

Réactivation du pont aérien

La route qui mène à l’aéroport a aussi été bloquée lundi, en raison d’une opération de déblaiement par les forces de l’ordre, selon des journalistes de l’AFP.

Le pont aérien entre l’aérodrome de Magenta, situé dans le quartier du même nom à Nouméa, et l’aéroport international de La Tontouta, qui devait être levé totalement lundi, a été réactivé pour les passagers à l’arrivée ou au départ lundi, a annoncé la chambre de commerce et d’industrie (CCI), gestionnaire de l’infrastructure.

De nombreuses écoles étaient par ailleurs fermées en raison du regain de violences et la voie express menant à l’hôpital était bloquée.

En soirée, les rues de Nouméa étaient plutôt calmes, mais de nombreux axes étaient coupés par des arbres, des branchages, de gros pavés et des lampadaires au sol. Des militants cachés sur les bords de route lançaient des projectiles sur les forces de l’ordre venues déblayer, selon une journaliste de l’AFP, qui a vu des pompiers intervenir pour éteindre l’incendie d’une voiture.

Vers 2 h du matin mardi (11 h heure de l’Est), des points de barrage étaient reformés dans Nouméa.

Au total, 1493 personnes ont été interpellées depuis le début des troubles, dont 38 lundi.