(Lima) Le parlement péruvien a adopté jeudi un projet de loi qui prescrit les poursuites pour crimes contre l’humanité commis avant 2002, ce qui pourrait profiter à l’ex-président Alberto Fujimori et à des centaines d’anciens soldats accusés d’exactions.

Le projet de loi a été approuvé en deuxième lecture par une majorité des députés de la chambre unicamérale, malgré une résolution de Cour interaméricaine des droits de l’Homme mi-juin réclamant la suspension du processus législatif établissant que les actes survenus avant l’entrée en vigueur du Statut de Rome dans le pays, le 1er juillet 2002, ne peuvent pas être qualifiés de crimes contre l’humanité.

Le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale, stipule que la CPI est compétente pour « les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale », tels que le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, et que ces crimes sont imprescriptibles et peuvent être poursuivis par n’importe quel tribunal dans le monde.

Si la loi est promulguée par la présidente Dina Boluarte, elle mettrait un terme, selon le bureau du procureur, aux 600 enquêtes en cours sur les crimes présumés commis pendant le conflit interne au Pérou qui a fait quelque 69 000 morts et 21 000 disparus entre 1980 et 2000.

« L’objectif de la loi est d’interrompre les procès et de libérer les personnes condamnées », a déclaré à l’AFP le député Fernando Rospigliosi, l’un des promoteurs de la loi et membre du principal parti de droite, Fuerza Popular, fondé en 2010 par Keiko Fujimori, trois fois candidate à la présidentielle.  

Cette loi bénéficierait à son père, l’ancien président Alberto Fujimori (1990-2000), poursuivi pour l’assassinat en 1992 par des soldats de six paysans soupçonnés d’avoir des liens avec la guérilla maoïste du Sentier lumineux.

M. Fujimori a déjà été condamné en 2009 à 25 ans de prison pour avoir commandité deux massacres perpétrés en 1991 et 1992 par des escadrons de la mort dans le quartier de Lima « Barrios Altos » (quinze morts dont un enfant) et à l’Université de la Cantuta (dix morts).

Après 16 années passées en prison, M. Fujimori, 85 ans, a été libéré le 7 décembre 2023 pour raisons de santé, malgré l’objection de la justice interaméricaine.

Le dernier procès sur ce passé sombre du Pérou s’est achevé en août, la justice condamnant 18 ex-militaires à des peines de 8 à 15 ans de prison pour la mort de 39 paysans à Cayara, en 1988.