Nom
Luis Arce
Âge
60 ans
Fonction
Président de la Bolivie
Mots-clés
Coup d’État, coup de théâtre, impopularité
Pourquoi on en parle
Parce qu’une tentative de coup d’État a eu lieu cette semaine en Bolivie, pour destituer le président de gauche Luis Arce, au pouvoir depuis 2020. Les forces militaires ont envahi la place Murillo et enfoncé les portes du palais présidentiel avec un véhicule blindé. La rébellion était menée par le commandant général de l’armée, Juan José Zúñiga, prétendument pour « restructurer la démocratie ».
Des arrestations
La rébellion s’est terminée sans effusion de sang à la fin de la journée. Le conspirateur a été arrêté, ainsi que deux présumés complices et une vingtaine d’autres personnes liées au putsch. M. Zúñiga a été appréhendé alors qu’il s’exprimait devant la presse à l’extérieur d’une caserne militaire. Il a été placé en détention provisoire et fait l’objet de poursuites pour « soulèvement armé et terrorisme ».
Une déclaration choc
Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Avant son arrestation, le général Zúñiga a affirmé que c’était le président Arce lui-même qui lui avait ordonné de procéder à la tentative de coup d’État. « Le président m’a dit : “La situation est très critique. Il faut préparer quelque chose pour augmenter ma popularité” », a déclaré le général. Cette déclaration choc alimente depuis une frénésie de conjectures sur le putsch raté. Rebondissant sur ces allégations, les sénateurs de l’opposition et les critiques du gouvernement ont notamment qualifié la mutinerie d’« auto-coup d’État » – affirmation vigoureusement démentie vendredi par le gouvernement.
Hypothèse peu probable
Professeur à l’Université de Colombie-Britannique et auteur du livre Challenges to Democracy in the Andes, Maxwell Cameron ne croit pas, lui non plus, aux affirmations du putschiste. « C’est absolument ridicule de prétendre que c’était un auto-coup d’État, pour la simple raison qu’un auto-coup ne débute pas par un soulèvement militaire, mais par le président qui déclare : nous avons atteint une situation intenable, je n’ai pas le choix de fermer le Congrès et de suspendre la Constitution parce que j’ai besoin de ces pouvoirs pour résoudre la crise. Ce n’est pas ce qui s’est passé, à mon avis. Tout cela ressemble beaucoup à une tentative conventionnelle de coup militaire, tentative par ailleurs très mal préparée. » Pour l’expert, le général souhaitait peut-être prendre les devants, ses jours à la tête de l’armée étant comptés à la suite de déclarations controversées dans les médias.
Popularité retrouvée
Les affirmations du général ont du vrai sur un point : cette tentative de coup d’État a en effet « augmenté la popularité » du président Luis Arce. À un peu plus d’un an de la fin de son mandat entamé en 2020, cet ancien économiste, ex-ministre des Finances (2009-2017) et actuel chef du parti MAS (Movimiento al Socialismo), faisait face à un mécontentement grandissant dans sa population de 12 millions d’habitants. La Bolivie a en effet connu une intensification des protestations ces derniers mois contre le déclin de son économie, qui est passée de l’une des plus dynamiques du continent à l’une des plus touchées par la crise, en raison de la chute des recettes provenant des exportations d’hydrocarbures, ainsi que de pénuries et d’une flambée des prix qui ont étranglé les familles.
Le retour de Morales
La Bolivie a aussi été témoin, ces derniers mois, d’un conflit très médiatisé entre M. Arce et son ancien allié Evo Morales. Premier chef d’État indigène et président de 2006 à 2019, M. Morales a clairement indiqué qu’il souhaitait reprendre le contrôle du parti MAS et revenir au pouvoir, malgré une décision de la Cour constitutionnelle le lui interdisant au motif qu’il avait déjà exercé plus de mandats que le nombre autorisé par la Constitution. Il avait été contraint de démissionner en 2019 après des manifestations dénonçant des fraudes électorales et s’était exilé pendant un an avant de revenir avec la victoire de Luis Arce en 2020. Signe de dissensions : M. Morales a demandé vendredi l’ouverture d’une enquête après avoir à son tour remis en question la version présidentielle, s’étonnant qu’il y ait eu « zéro blessé, zéro coup de feu, zéro mort ».
Turbulences à venir
Avec ce coup d’État manqué, la Bolivie entre dans une nouvelle période de turbulence politique en vue des élections de 2025, tandis qu’un malaise règne au sein de l’institution militaire. Mais Maxwell Cameron espère que le pays tirera des leçons des derniers évènements : « Avec un peu de chance, cette crise aura un impact positif sur la Bolivie et tout le monde réfléchira à l’importance de préserver la démocratie et les processus institutionnels. Quand un virus ne te tue pas, il te rend plus fort… »
Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press, Yahoo News et Reuters