(Corumbá) « Je respire de la fumée tous les jours », déplore Érica Cristina, habitante du Pantanal brésilien, sanctuaire de biodiversité ravagé par les flammes.

La situation est « chaotique » dans la plus vaste zone humide de la planète, dit cette femme de 44 ans, propriétaire d’un bar dans la ville de Corumba, où le ciel a pris une teinte rouge vif en raison des lueurs des incendies qui dévastent la végétation.

Les experts et les autorités locales assurent que ces feux sont liés au réchauffement climatique qui a causé une sécheresse extrême ces derniers mois dans cette région reconnue comme Patrimoine naturel de l’Humanité par l’UNESCO.

Du 1er janvier au 25 juin, les satellites de l’Institut brésilien de recherches spatiales (INPE) ont détecté 3372 foyers d’incendie dans le Pantanal, un record pour cette période de l’année.  

« Cette année, le feu et la sécheresse sont arrivés plus tôt. Habituellement, les rafales de vent, la chaleur et les incendies ne débutent qu’au mois d’août », explique Bruno Bellan, éleveur de 25 ans.

Sa ferme se trouve dans la zone rurale de Corumba, dans l’État du Mato Grosso do Sul (centre-ouest), qui a décrété l’état d’urgence lundi en raison du nombre et de l’importance des incendies.

PHOTO PABLO PORCIUNCULA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le ciel a pris une teinte rouge vif en raison des lueurs des incendies qui dévastent la végétation.

Cette exploitation où il élève 900 têtes de bétail est à deux kilomètres d’un important foyer dans une zone difficile d’accès pour les pompiers.

« Nous avons peur que le feu ne cause des dégâts sur nos terres. Les bêtes ont peur, elles aussi, elles risquent de se perdre au milieu des flammes, nous allons les rapprocher de la ferme », dit l’éleveur.

Expansion agricole

La ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, a alerté lundi que le Pantanal vivait « l’une des pires situations jamais vues » dans cet écosystème qui se régénère en principe chaque année grâce à l’inondation de la plaine lors de la saison des pluies.

« Nous n’avons pas eu les inondations habituelles lors de la transition entre El Niño et la Niña », deux phénomènes climatiques à forte incidence sur les précipitations, a-t-elle expliqué.  

Le Pantanal est le biome brésilien qui s’est le plus asséché l’an dernier, subissant une réduction de 61 % de sa surface humide par rapport à la moyenne observée depuis 1985, selon une étude publiée mercredi par l’ONG de référence Mapbiomas.

Selon les experts, les incendies sont causés en grande partie par l’action humaine, notamment l’usage de la technique du brûlis pour l’expansion agricole.  

Des brûlis contrôlés sont autorisés dans certains cas, permettant de nettoyer les terres de végétations pouvant potentiellement prendre feu. Mais ils ont été formellement interdits jusqu’à la fin de l’année en raison de la situation actuelle.

Avenir incertain

Érica Cristina, originaire de Rio de Janeiro, est installée dans la région depuis une quinzaine d’années. Selon elle, la situation au Pantanal « ne fait qu’empirer ».

« Beaucoup de gens ont perdu leurs maisons » en raison de feux qui se sont propagés de façon incontrôlée depuis 2020. Sans compter « les problèmes de santé, avec des maladies respiratoires qui surchargent les centres de soins ».

Mais elle se refuse à jeter l’éponge. « Si on ferme [le bar], de quoi allons-nous vivre ? », demande-t-elle, réclamant « davantage d’empathie » de la part des autorités locales.

Natif de Corumba, Naldinei Ivan Ojeda, 53 ans, envisage de quitter les lieux en raison des problèmes respiratoires dont il souffre, tout comme son fils de quinze ans.

Ce militaire à la retraite ne décolère pas contre les responsables des départs de feu : « il n’y a pas d’incendies accidentels au Pantanal. Chaque année c’est la même chose ».