(Johannesburg) Les critiques se multiplient en Afrique du Sud sur la taille du gouvernement inédit de coalition, avec ses 32 ministres et 43 ministres adjoints, de nombreux observateurs et voix politiques s’inquiétant des risques d’immobilisme, mais aussi du coût pour les contribuables.  

L’Alliance démocratique (DA), qui était le premier groupe d’opposition à l’ANC historiquement au pouvoir avant de le rejoindre dans cette coalition, a reproché longtemps au président Cyril Ramaphosa ses gouvernements très fournis, pour accommoder les différentes factions au sein de l’ANC.

Désormais, la DA est muette sur le sujet. Le contraire serait étonnant, puisqu’ils « ont activement participé aux négociations », rappelle le chercheur Gustavo De Carvalho.  

Le gouvernement au complet doit prêter serment mercredi au Cap, siège du Parlement, et poser pour une photo de famille.  

Ramaphosa lui-même a reconnu dimanche soir, lorsqu’il a annoncé la liste du gouvernement à la télévision, n’avoir pas tenu sa promesse de dégraisser.  

« Nous avions indiqué notre intention de réduire le nombre de portefeuilles au sein de l’exécutif, mais, pour inclure tous les partis participant à ce gouvernement d’union nationale, cela n’a pas été possible », a-t-il expliqué.  

L’ONG anticorruption OUTA s’est dite « peu impressionnée par l’augmentation de la taille d’un cabinet déjà boursouflé » qui vise, selon l’organisation, à accueillir « de vieux amis » de l’ANC notamment.

Dans l’opposition, les Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale) ont dénoncé un « cabinet élargi et gonflé, qui laisse présager une pression accrue sur les contribuables ».

Le groupe de pression The Business Leadership South Africa a aussi mis en garde contre « la taille très importante » du gouvernement qui soulève « des inquiétudes en termes de budget ».  

Influence de l’ANC

Chaque ministre gagnera plus de 2,5 millions de rands (185 000 dollars) par an, hors avantages, tandis que les vice-ministres gagneront plus de 2,2 millions de rands (165 000 dollars), selon le journal officiel. Les avantages comprennent une sécurité d’État élaborée ainsi que des résidences au Cap et à Pretoria.

Pendant un mois de négociations tendues, M. Ramaphosa s’est efforcé d’équilibrer les demandes de postes ministériels clés émanant de son propre parti comme de ses nouveaux alliés, et d’arbitrer des points de vue divergents pour convenir d’un programme politique commun de base.

Mais certains analystes estiment que la pression exercée pour équilibrer les intérêts de l’ANC l’a emporté sur l’urgence d’alléger son exécutif.  

« Il n’a pas renvoyé tant de ministres de l’ANC, il a plutôt réorienté leurs rôles », explique William Gumede, professeur à la Wits School of Governance.  

Au sein de l’ANC, « il y a eu de fortes oppositions à l’idée d’un gouvernement de coalition, non seulement pour des raisons idéologiques, mais aussi parce que de nombreux responsables de l’ANC allaient perdre leur emploi et leurs revenus ».  

L’ANC a conservé la part belle, avec vingt ministres et les postes-clés : Finances, Énergie, Affaires étrangères, Défense, Commerce ou encore Transports.

La DA, son principal partenaire, a obtenu six portefeuilles, dont l’Environnement, l’Intérieur ou les Travaux publics. Et d’autres petits partis ont obtenu en tout cinq autres ministères.  

Cet échec à limiter la taille du gouvernement est « un grand classique », relève Gustavo de Carvalho, de l’Institut des Affaires étrangères sud-africain (SAIIA).

Si cela déçoit nombre d’observateurs, le président Ramaphosa a « en revanche réussi à maintenir l’influence » de l’ANC, estime-t-il.

Pour William Gumede, beaucoup de pays africains « ne composent pas un gouvernement en pensant prioritairement à son efficacité », mais « pour remercier des responsables au sein de leur propre parti ou de leur communauté ».  

En dépit de leurs « échecs patents et spectaculaires », certains ministres de l’ANC ont ainsi été reconduits, souligne-t-il.