(Moscou) Le premier ministre indien Narendra Modi a dit mardi au Kremlin à son « ami » Vladimir Poutine que continuer de bombarder l’Ukraine n’allait pas « résoudre les problèmes », plaidant pour « un chemin vers la paix par le dialogue ».

Le président russe a répété à plusieurs reprises qu’un cessez-le-feu et des pourparlers n’étaient possibles qu’en cas de capitulation de l’Ukraine à ses revendications, à savoir que Kyiv cède cinq régions et renonce à son alliance avec les Occidentaux.  

Traditionnel allié de Moscou, l’Inde n’a jamais explicitement condamné l’offensive russe et la visite en Russie de M. Modi, sa première depuis le début du conflit en février 2022, intervient au lendemain d’une série de frappes meurtrières russes en Ukraine et le même jour qu’un sommet de l’OTAN à Washington destiné notamment à ancrer le soutien occidental aux Ukrainiens.

« En tant qu’ami, j’ai également dit que pour un avenir meilleur pour la prochaine génération, la paix est de la plus haute importance », a déclaré M. Modi, assis au côté de Vladimir Poutine.

« Je sais que la guerre ne peut pas résoudre les problèmes, les solutions et les pourparlers de paix ne peuvent pas aboutir au milieu des bombes, des armes et des balles », a lancé Modi, appelant à « trouver un chemin vers la paix par le dialogue ».

Pas sûr pour autant que l’appel du premier ministre indien ne fasse bouger les choses, tant le chef de l’État russe, qui s’est dit « reconnaissant de l’attention » portée par son homologue à la situation en Ukraine, martèle que ce pays doit capituler.

L’Ukraine a balayé de son côté des conditions qu’elle juge inacceptables.  

D’autant que son territoire reste quotidiennement bombardé par l’armée russe, qui a mené lundi une des attaques les plus meurtrières ayant visé Kyiv et touché en particulier un hôpital pour enfants (au moins 31 morts).

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, excédé par le déplacement de M. Modi à Moscou, l’a ainsi qualifié de « coup dévastateur pour les efforts de paix ».

Le chef du gouvernement indien a toutefois également affiché son mécontentement face à Vladimir Poutine : « Lorsque des enfants innocents sont assassinés, on les voit mourir, le cœur souffre et cette douleur est insupportable », a-t-il relevé.

PHOTO SERGEI FADEICHEV, ASSOCIATED PRESS

Le président russe Vladimir Poutine, à gauche, et le premier ministre indien Narendra Modi visitent le pavillon Atom lors de l’Exposition des réalisations de l’économie nationale (VDNKH) à Moscou.

Discussion « constructive »

Les deux dirigeants ont eu une discussion « constructive » au sujet de l’Ukraine, selon le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

M. Modi a quant à lui qualifié l’échange de « fructueux », ayant pris avec Vladimir Poutine « des décisions importantes pour renforcer la coopération » bilatérale dans « le commerce, la sécurité, l’agriculture, la technologie » …

Avant leurs discussions, ils avaient ensemble visité mardi midi une exposition sur l’histoire du nucléaire, après un tête-à-tête « informel » la veille au soir.

Les États-Unis avaient préalablement exhorté M. Modi à insister sur la « souveraineté » et « l’intégrité territoriale » de l’Ukraine au cours de cette visite qui intervient le même jour que la réunion de l’OTAN, auquel Volodymyr Zelensky doit assister.  

Le Kremlin a d'ores et déjà assuré qu’il était « peu probable » que les appels à la paix du dirigeant indien soient « entendus » par les alliés de Kyiv.

La Russie est un fournisseur clé d’armes et de pétrole bon marché à l’Inde, même si sa confrontation avec les Occidentaux et son rapprochement avec la Chine, dans le contexte du conflit en Ukraine, ont eu un impact sur ses relations avec New Delhi.

Les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont cultivé ces dernières années leurs liens avec New Delhi, pour contrer l’influence grandissante de la Chine dans la région Asie-Pacifique, tout en faisant pression sur les autorités indiennes pour qu’elles s’éloignent de Moscou.  

Première visite depuis 2019

Membre des BRICS aux côtés de la Russie et de la Chine, comme de l’Organisation de la coopération de Shanghaï (OCS), l’Inde est partisane d’un monde multipolaire et continue parallèlement à développer ses relations dans le domaine de la sécurité avec Washington.

La précédente visite en Russie de Narendra Modi, qui a obtenu en juin un troisième mandat à la tête du pays le plus peuplé du monde, remonte à 2019. Deux ans plus tard, fin 2021, il avait accueilli Vladimir Poutine à New Delhi.

Si les ventes d’armes russes à destination de l’Inde ont sensiblement baissé ces deux dernières années, elle achète actuellement d’importantes quantités de pétrole russe vendues au rabais.

Mais l’Inde voit aussi d’un mauvais œil le fort rapprochement en cours entre Moscou et son grand rival chinois.

Après la Russie, Narendra Modi est attendu à Vienne, pour la première visite d’un dirigeant indien dans la capitale autrichienne depuis 1983.