(Berlin) Les autorités allemandes et suédoises ont arrêté huit personnes soupçonnées de crimes contre l’humanité pour le compte du régime de Bachar al-Assad, poursuivant les efforts menés pour rendre justice aux victimes de la guerre civile en Syrie.

Dans le cadre de cette opération conjointe, cinq suspects ont été arrêtés en Allemagne. Trois autres personnes ont été arrêtées en Suède.

Pour la justice allemande, les suspects « sont fortement soupçonnés d’assassinats ou de tentatives d’assassinat de civils en tant que crimes contre l’humanité et crimes de guerre » commis durant la guerre civile en Syrie, selon un communiqué du parquet fédéral.

Les personnes arrêtées en Suède sont « soupçonnées d’avoir commis un crime contre l’humanité, en Syrie en 2012 », ajoute un communiqué du parquet suédois, sans autre détail.

Parmi les hommes arrêtés en Allemagne figurent quatre apatrides d’origine palestinienne, membres d’une milice armée qui exerçait « pour le compte du régime syrien » le contrôle du quartier Al Yarmouk de Damas, précise le parquet.

Ils sont désignés sous les noms de Djihad A., Mahmoud A., Sameer S., Wael S. Le cinquième est un ex-agent des renseignements syriens, désigné comme Mazhar J., « employé par la division 235, dite division “Palestine” ».

Fils contre bijoux

« Tous les accusés ont participé à la répression violente d’une manifestation pacifique contre le gouvernement syrien le 13 juillet 2012 à Al Yarmouk », ajoute la même source, précisant qu’ils ont « délibérément tiré sur les manifestants ».

« Au moins six personnes sont décédées des suites de leurs blessures et d’autres victimes ont été grièvement blessées », affirme-t-elle aussi.

En outre, « des violences physiques massives, parfois répétées » ont été infligées à des civils d’Al Yarmouk entre mi 2012 et 2014 par plusieurs suspects, relève la source.

« Mahmoud A. a remis l’une des personnes concernées aux services secrets militaires syriens pour qu’elle soit détenue et torturée. Il a également forcé une femme à un poste de contrôle, notamment en la menaçant de viol, à racheter son fils mineur en échange de bijoux de famille », indique le communiqué.

Les suspects sont également soupçonnés d’avoir remis aux autorités du régime trois civils d’Al Yamouk ensuite assassinés « lors d’une exécution de masse », le 16 avril 2013.

Les arrestations ont été menées grâce à une coopération judiciaire entre autorités allemandes et suédoises, avec le soutien des agences Europol et Eurojust et de plusieurs pays européens.

Elles sont le fruit du travail effectué par une cellule d’enquêteurs baptisée « César », pseudonyme d’un ex-photographe de la police militaire syrienne qui s’est enfui en 2013 en emportant quelque 55 000 photographies de corps torturés, dont beaucoup documentant la mort de prisonniers dans des centres de détention ou des hôpitaux militaires en Syrie.

Compétence universelle

Des enquêtes sont en cours depuis plusieurs années en Allemagne, Autriche, Norvège, Suède, France notamment contre d’ex-collaborateurs du régime syrien.

Au nom du principe de compétence universelle – qui permet de poursuivre certains crimes graves indépendamment du lieu où ils ont été commis –, l’Allemagne a déjà jugé des Syriens pour des atrocités commises pendant la guerre civile.

Le pays a accueilli des centaines de milliers de Syriens lors de l’afflux de réfugiés en 2015-2016. Parmi les bénéficiaires de l’asile, plusieurs suspects d’exactions ont été arrêtés.

En janvier 2022, la justice allemande avait condamné un ancien haut gradé du renseignement syrien pour crimes contre l’humanité.

La justice suédoise applique également le principe de compétence universelle. Dès 2017, le pays a condamné un ex-soldat du régime pour crime de guerre. Fin juin, un ancien général syrien accusé de crimes de guerre a été acquitté par la justice suédoise qui a jugé insuffisantes les preuves de son implication.

Fin mai en France, trois hauts responsables du régime syrien jugés par défaut pour complicité de crimes contre l’humanité et de délit de guerre ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

La guerre civile en Syrie entre le régime de Bachar al-Assad et des groupes d’opposition armés dont l’organisation djihadiste État islamique (EI), déclenchée en 2011 par la répression de manifestations en faveur de la démocratie, a fait plus d’un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.