(Moscou) La Russie a annoncé mercredi attendre une réponse des États-Unis à ses « idées » pour un échange de prisonniers, des propos intervenant à une semaine du début du procès pour « espionnage » du journaliste américain Evan Gershkovich, incarcéré depuis 15 mois.

Ce reporter de 32 ans doit être jugé à compter du 26 juin à Ekaterinbourg. Les autorités russes avaient déjà admis négocier un échange qui permettrait la libération de M. Gershkovich qu’elles présentent comme étant un espion de la CIA, ce que les États-Unis, ses proches et son employeur, le quotidien The Wall Street Journal, rejettent, soulignant qu’il a été arrêté en plein reportage.

Interrogé par l’agence de presse TASS, le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a pour la première fois révélé que Moscou avait fait une proposition à Washington, mais il n’a pas voulu apporter d’autres précisions.  

« La balle est dans le camp des États-Unis et nous attendons qu’ils répondent aux idées qui leur ont été présentées », a déclaré M. Riabkov, assurant que les autorités américaines étaient amplement informées.

« Je comprends qu’il puisse y avoir dans ces idées quelque chose qui ne convienne pas aux Américains. C’est leur problème. Nous estimons que notre approche est pleinement justifiée, sensée et équilibrée », a insisté le diplomate.

Evan Gershkovich, qui a également travaillé par le passé pour l’AFP à Moscou, encourt 20 ans de prison pour avoir, selon l’accusation, recueilli pour le compte de la CIA des informations sur Ouralvagonzavod, un des plus grands fabricants d’armements de Russie.

Ouralvagonzavod produit notamment des chars T-90 utilisés en Ukraine et le char de nouvelle génération Armata, ainsi que des wagons de marchandises.

Le gouvernement russe n’a jamais étayé ses accusations, l’ensemble du dossier ayant été classé secret.  

M. Gershkovich travaillait depuis des années en Russie et était accrédité auprès du ministère russe des Affaires étrangères.  

Moscou veut un tueur

Le président russe Vladimir Poutine avait déjà reconnu que des négociations étaient en cours en vue d’un échange de prisonniers et sous-entendu qu’il souhaitait la libération de Vadim Krassikov, condamné à la prison à vie en Allemagne pour avoir assassiné à Berlin en 2019, pour le compte de services de sécurité russes, un ex-commandant séparatiste tchétchène.  

Les tentatives de parvenir à un tel accord pourraient avoir cependant pris un tour plus compliqué depuis la mort en février en prison de l’opposant russe Alexeï Navalny qui, selon son entourage, faisait également partie d’un projet d’échange en cours de négociations.

Plusieurs autres Américains sont en prison en Russie, dont Paul Whelan, un ancien militaire qui a été arrêté en 2018 puis condamné à 16 ans de privation de liberté pour espionnage. Washington, M. Whelan et sa famille rejettent ces accusations.

« Paul est pris en otage depuis 2000 jours par le gouvernement russe », a noté David, son frère, dans un communiqué envoyé mercredi à l’AFP, tout en dénonçant « les fausses promesses » et « les faux espoirs » de la Maison-Blanche, qui assurait fin 2022 redoubler d’efforts pour obtenir sa libération.

« Le cas de Paul ne semble pas être une priorité », a déploré David Whelan dans ce message.

La Russie détient aussi la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, arrêtée sur son sol en octobre 2023 au cours d’un voyage d’ordre privé. Elle est accusée de ne pas s’être enregistrée en tant qu’« agent de l’étranger » et d’avoir discrédité l’armée russe et son offensive en Ukraine.

Mercredi, un soldat américain a aussi été condamné en Russie, à trois ans et neuf mois d’emprisonnement, pour avoir, selon les autorités, proféré des menaces de mort contre sa petite amie russe qu’il aurait en outre volée.

Un porte-parole du département d’État a affirmé mercredi être au courant de cette dernière affaire, mais ne l’a pas commentée sur le fond, rappelant seulement « le danger » auquel s’exposent les citoyens américains qui se trouvent sur le territoire russe.

Washington et Moscou ont procédé par le passé à plusieurs échanges de prisonniers, malgré des relations au plus bas.

Ainsi, Brittney Griner, une star américaine du basket emprisonnée pendant plusieurs mois en Russie pour une affaire de cannabis, a été échangée en décembre 2022 contre le marchand d’armes russe Viktor Bout, détenu dix ans durant aux États-Unis.