Étoiles montantes de la restauration, institutions qui résistent à l’épreuve du temps, perles cachées… nos critiques y plongent leur fourchette et vous aident à faire des choix avisés. Cette semaine, on se penche sur la popularité de la cuisine philippine par un arrêt chez Buboy, dans Notre-Dame-de-Grâce.

Il y a une fierté grandissante autour de la cuisine des Philippines à Montréal, avec l’ouverture d’établissements comme JunJun, qui « gastronomisent » des plats traditionnels. Ce travail de raffinement est parfois un passage obligé pour sortir une cuisine de son anonymat. Cela dit, si certains clament que le pancit est le nouveau pad thaï, je serais fort étonnée que les spécialités de l’archipel d’Asie du Sud-est détrônent celles, si parfumées, de la Thaïlande.

J’ai récemment mangé dans le premier restaurant philippin au monde à recevoir une étoile Michelin, à Chicago. Kasama est un lieu qui a deux personnalités. Le jour, on peut y bruncher ou y dîner avec des classiques philippins comme les lumpias (rouleaux frits), l’adobo et la saucisse longanitsa en plus de déguster les divines pâtisseries de la copropriétaire Genie Kwon. Le soir, Kasama propose un menu dégustation très délicat (et cher !) inspiré de la cuisine des Philippines, pays d’origine de l’autre copropriétaire, Timothy Flores.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Eric Lazaro Magno est le chef et propriétaire de Buboy.

Plus près de nous, dans Notre-Dame-de-Grâce, Eric Lazaro Magno tient parfois des soirées gastronomiques abordables et sans façon dans son tout petit local de 12 places. Il y a d’ailleurs une de ces « Sarap sessions » (« sarap » signifie délicieux) le dimanche 30 juin.

Mais en temps normal, Buboy est plutôt une carinderia, un resto simple où l’on sert une cuisine de type familiale et abordable. Né à Montréal, Eric a d’abord été mécanicien, avant de partir en voyage de découverte culinaire au pays de ses parents – « partout où j’allais, je commandais le menu au complet », nous a-t-il confié – puis de s’inscrire à l’ITHQ au retour. Il a également cuisiné aux défunts Le Petit Vibe et Tadhana. Aussi ses plats sont-ils « typiques », mais avec une touche de chef.

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Le bulalo est une « soupe » au jarret de bœuf et à la moelle.

Le bulalo est la signature de Buboy. C’est une spécialité dont les origines remontent à plus de 400 ans. Les colonisateurs espagnols et les marchands chinois ayant amené du bétail dans l’archipel, les habitants ont développé cette recette de soupe-repas consistante à base de jarrets de bœuf et d’os à moelle bouillis des heures durant.

Je m’attendais à plus de sapidité dans ce plat. La richesse du bouillon éteignait l’umami de la sauce poisson et l’acidité du jus de calamondin. Cela dit, la viande était très tendre et goûteuse, et les épaisses nouilles aux œufs cuites à point.

Le kare-kare, lui, est tout aussi riche, avec sa sauce aux arachides, mais l’équilibre gras, sel, acidité était plus présent. La queue de bœuf est aussi fondante que le jarret du bulalo, mais ce sont étonnamment les fines aubergines frites sur le dessus qui font la texture et une partie de la profondeur de goût du plat.

Le palabok est un riche plat de nouilles surmonté de belles grosses crevettes grillées. Détail amusant, mais qui ne se goûte pas vraiment : le chef ajoute du maïs soufflé à la sauce. Les saveurs sont puissantes – pour amateurs de fumé et de poisson seulement.

Nous avons aussi commandé les frites Sinigang, du nouveau menu d’été. Elles baignent dans une sauce au tamarin un peu trop acidulée.

Dérouté, mon fils de 16 ans déclare, avec raison : « Je pense que ce sont des goûts auxquels on n’est tout simplement pas habitués. »

Il apprécie toutefois le petit pain vapeur farci au porc à tremper dans une sauce aigre-sucrée-piquante. C’est la tante d’Eric qui les prépare.

L’ado plonge également dans le halo-halo, ce dessert ultracoloré servi sur glace pilée. Tous les éléments de la coupe, que ce soit la glace à l’ube (igname pourpre), le délicieux et dense flan maison, le turon (rouleau de banane), les fèves sucrées ou même les petites gelées aux couleurs vives sont excellents et se marient avec bonheur. On ne peut que retomber en enfance devant ce dessert parfait pour les canicules à venir. Les excellents gâteaux au fromage de Fifth Floor Bakehouse peuvent également être partagés sur place ou emportés à la maison. Chez moi, j’ai grignoté celui à l’igname pendant plusieurs jours.

Il y a une foule d’autres articles au menu que l’on aurait pu essayer, dont un décadent burger avec moelle, des sandwiches qui semblent bien gourmands et le fameux lechon (cochon de lait rôti à la couenne croustillante), servi le mercredi seulement. Il faudra revenir, mais en sachant que la cuisine peut être inégale.

Prix

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Buboy est un étroit local d’une douzaine de places.

Un repas ici sera bien généreux sans vous coûter cher. Il faut compter entre 15 et 19 $ pour une assiette ou un bol et 11-12 $ pour un sandwich.

Bon à savoir

Buboy n’est pas une adresse accessible aux personnes à mobilité réduite. L’étroite salle de style casse-croûte peut accueillir une douzaine de personnes et il faut traverser la cuisine pour aller aux toilettes.

Information

Buboy est ouvert du mardi au dimanche, jour et soir (sauf le dimanche où les portent ouvrent à 10 h et ferment à 16 h)

5976, avenue de Monkland, Montréal