Les questions de la souveraineté alimentaire, de l’approvisionnement local, du gaspillage alimentaire sont de celles auxquelles on aimerait trouver des réponses durables. En restauration comme ailleurs, ils sont nombreux à imaginer de nouvelles avenues, non seulement dans une perspective environnementale, mais aussi économique.
Pourquoi utiliser de la vanille lorsque nous avons le mélilot, dont les délicates fleurs ont un parfum semblable ? Pourquoi le poivre noir alors que nous avons le poivre des Dunes ?
Remplacer certains aliments exotiques par des produits de notre terroir, travailler avec des agriculteurs et des producteurs locaux est le premier pas, celui que franchissent de plus en plus d’établissements. Mais certains décident d’aller plus loin. Ou, en fait, plus proche.
Originaire de New York, Tim Moroney a migré vers la ville de Québec il y a une quinzaine d’années. Il est passé par des établissements comme Légende et Chez Boulay avant de se lancer dans le vide avec Alentours, qui s’est notamment hissé parmi les 10 meilleurs nouveaux restaurants au Canada en 2023.
Le Restaurant Alentours porte bien son nom, car son chef propriétaire et sa petite équipe se sont lancé tout un défi : ne s’approvisionner que dans un rayon de 150 km du resto situé dans le quartier Saint-Sauveur, à Québec.
Seules exceptions : le sel (en provenance de la Côte-Nord ou de l’Ontario), la levure (de Montréal), les produits laitiers (La Pinte, près de Sherbrooke), ainsi que les spiritueux – tous issus du principe « du grain à la bouteille » – et les vins (rayon de 250 km).
L’endroit met également de l’avant des principes de développement durable, comme une gestion responsable des déchets et une approche éthique en ressources humaines, notamment en mettant l’humain au cœur de sa démarche.
La concrétisation de tout ça…
C’est bien beau, même très inspirant, ces principes nobles, mais est-ce que c’est bon ? Intéressant ? Ou est-ce que ça tombe à plat ?
Ces questions me trottaient dans la tête lorsque j’ai franchi la porte du très discret local d’Alentours, un samedi soir de mai. L’endroit ne fait pas dans l’esbroufe. La déco est simple, mais élégante, et la salle pourrait être un peu froide si ce n’est qu’on est accueilli avec tellement de chaleur par le personnel qu’on s’y sent tout de suite bien.
Le choix de local un peu perdu dans une rue confidentielle s’explique par le fait qu’Alentours a besoin d’une grande cuisine de production, car tout est transformé sur place – pâtisserie, boucherie (à partir d’animaux reçus entiers), boulangerie, lactofermentation, mise en conserve… Et tout est fait pour maximiser les produits et réduire le gaspillage.
C’est ce qui impressionne d’abord : ce souci du détail dans la façon dont les aliments sont apprêtés, transformés, sublimés. De cette contrainte imposée, le chef et son équipe font un tremplin vers une créativité réjouissante.
Ce que j’ai mangé ici, je n’aurais jamais pu le goûter ailleurs. Tout était étonnant, surprenant, magnifiquement présenté, mais surtout délicieux – et c’est ce qu’on veut, car une bonne idée qui goûte mauvais est, au bout du compte, une mauvaise idée !
Le menu a bien changé depuis mon passage, mais nul doute que la créativité que j’ai pu y constater s’étale à longueur d’année.
Premier enchantement : une réinterprétation locale de la panisse, spécialité de la cuisine provençale à base de farine de pois chiches, remplacée ici par la farine de pois jaune (Belle récolte de Charlevoix). Les petits cubes frits sont comme autant de bijoux dans leurs écrins, avec leurs petits points de vinaigrette à l’huile d’ail noir fermenté et leur purée de betteraves rouges étalée au fond de l’assiette. C’est aussi beau pour les yeux que bon pour le palais.
La petite soupe froide de concombre (congelés de l’été d’avant, mais dont la fraîcheur et le vert sont restés vibrants) est bonne. La tostada est trop raide, mais j’aime le kick acidulé de la poudre d’argousier qui la recouvre.
Le coup de cœur de la soirée se pose devant nous. Qui aurait cru qu’une assiette de carottes rôties, avec vinaigrette au curcuma, ricotta maison, oignons marinés, aneth et petites chips de pois jaunes susciterait autant d’émotion ? L’ensemble est soyeux, velouté, complexe, malgré son apparente simplicité. Chaque bouchée est parfaite.
Parlant d’ingéniosité pour éviter les pertes : le pesto d’herbes, servi avec la salade de maïs et pommes de terre, est réalisé uniquement à partir de tiges de différentes herbes – blanchies, hachées, congelées, finement broyées, congelées à nouveau. La pâte est prête à être émulsionnée une fois décongelée. Bravo !
En finale sucrée (mais pas trop), une tartelette bleuet et argousier, surmontée d’une espuma gingembre et bleuets. C’est aérien, mais peut-être qu’une touche de sucre aurait mieux équilibré l’acidité de l’ensemble.
Prix
Le menu est de type « à la carte ». Il y a des plats de type plus entrée, d’autres un peu plus consistants. Le tout oscille entre 15 $ et 29 $. Comptez une quinzaine de dollars pour un dessert. Le restaurant conseille de commander environ quatre articles par personne.
Bon à savoir
Alentours est un restaurant sans pourboire. Les prix affichés sur le menu sont donc les prix définitifs, avant taxes. Il y a normalement un seul plat de viande à la carte, mais plusieurs utilisent des produits laitiers. Végétariens, vous serez ici comblés !
Information
Ouvert du jeudi au samedi soir. Réservations fortement suggérées.
715, rue Saint-Bernard, Québec
Consultez le site du Restaurant Alentours