(Paris) L’objectif est inédit : 80 % de la nourriture qui sera servie aux Jeux olympiques de 2024 est voulue d’origine française, mais la marche est haute dans un pays qui importe frites, crevettes et une bonne part de son alimentation.

De la cantine servant les 15 000 athlètes des Jeux olympiques et paralympiques aux snacks des stades, tous les restaurateurs sont censés composer des menus avec des aliments à 80 % d’origine France (et même 100 % pour la viande).

Origine, labels de qualité, végétalisation… Dans la « vision pour la restauration de Paris 2024 » sont définis des engagements « ambitieux » et « atteignables » pour des « services de restauration durables ».  

Le comité d’organisation des Jeux espère ainsi enclencher « un travail de transformation un peu plus profond de la restauration événementielle, qui va rester en héritage » après les compétitions olympiques (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 septembre), a expliqué à l’AFP le chef de projet alimentation durable, Grégoire Béchu.

Au-delà des questions de prix, qui poussent souvent les restaurateurs à se fournir à l’étranger,  l’objectif locavore se heurte toutefois aux limites du système alimentaire tricolore.  

La France a beau avoir la plus grande surface agricole de l’Union européenne, des rendements globalement élevés sous son climat tempéré et des productions variées, de la pomme de terre du nord à l’abricot méridional, elle ne produit ni riz basmati, ni cacao, saumon, oranges, mangues… autant d’aliments que les athlètes du monde entier s’attendent à trouver à leur table.

Partenaire premium de Paris 2024, Carrefour est chargé de fournir au Village olympique produits frais, riz et pâtes. Les crevettes, par exemple, viendront par bateau « d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale ou d’Asie car il n’existe pas d’élevage en France », précise le groupe à l’AFP.  

« D’où vient ta frite ? »

Selon les organisateurs, les 20 % de produits importés doivent correspondre « aux besoins spécifiques des publics étrangers » et être « des produits essentiels non disponibles sur le territoire français ».

Mais acheter français pour tout le reste n’est pas si simple…

Un rapport gouvernemental relevait en mars des « zones de fragilité préoccupantes », car « la France est généralement exportatrice de produits bruts et importatrice de produits transformés ».

La France est ainsi « le premier producteur et exportateur européen de céréales (notamment blé, maïs), mais importatrice nette de farine, de pâtes alimentaires, de semoule ».  

Gros producteur de pommes de terre, le pays les exporte pour les réimporter massivement sous forme de chips ou de frites. « Sur les deux millions de tonnes de pommes de terre consommées en France sous forme de produits finis (frites, chips, purée), plus de 50 % viennent de pays voisins (Belgique et Pays-Bas) », selon un rapport parlementaire de 2021.

Autant d’écueils qui n’étaient pas forcément identifiés lors de la rédaction de la « vision » de Paris 2024, publiée en juillet 2022.

« C’est des choses qu’on découvre en faisant », a déclaré à l’AFP Philipp Würz, responsable alimentation, nettoyage et gestion des déchets au comité d’organisation.

Cependant, « on n’a pas trop d’inquiétude pour les pâtes » et « on a toujours dit aux concessionnaires de privilégier des chips qui sont fabriquées en France ». M. Würz compte aussi leur demander « d’où vient ta frite ? »

Un produit fabriqué dans une usine française, même s’il intègre des ingrédients importés, sera considéré comme français.  

Quant aux falafels de la filiale végétale de Nestlé, Garden Gourmet, « supporteur officiel » des Jeux, ils ne pourront pas contribuer à l’objectif, l’entreprise fabriquant ses produits en République tchèque et en Serbie.

Le comité d’organisation dressera un bilan après les Jeux sur la base des comptes-rendus des restaurateurs.

« On ne peut pas être présent à chaque livraison de camion, mais on a le droit d’exiger les bons de livraison, donc on a de quoi leur mettre la pression. […] Ce n’est pas juste du déclaratif », assure Philipp Würz, « plutôt optimiste » sur la tenue de l’engagement concernant l’origine France.

Le responsable a parfois « suggéré des produits » aux entreprises ayant emporté les appels d’offres, pas toutes françaises : ses compatriotes allemands de Mahavi, sélectionnés sur le site de tir sportif de Châteauroux (centre de la France), sont ainsi priés de servir la lentille locale.